Aux éditions Les Belles Lettres est paru en 2016 un très bel ouvrage de Michel De Jaeghere.
Sous forme de nombreux et courts chapitres, l’auteur nous présente un panorama, nécessairement subjectif, de grandes figures de l’histoire, d’événements fondateurs, des premiers pharaons à nos jours. L’objet de cet essai est de nous rappeler combien l’histoire est, non seulement importante, mais essentielle pour comprendre notre présent et préparer notre futur.
Certes, il s’agit d’un lieu commun, mais il n’a peut-être jamais été aussi urgent de le rappeler. En notre époque dominée par une immédiateté, une réactivité dans l’émotivité, un « complexe de supériorité de la modernité triomphante », le recul, la distance imposée de l’histoire n’en est que plus nécessaire. Et Michel de Jaeghere remplit parfaitement la mission qu’il s’est assignée.
Il rappelle en préambule que nous sommes le fruit, les héritiers de ceux qui nous ont précédés. Puis, d‘Egypte en Grèce, de Massada à Aix la Chapelle, des Borgia aux premiers hommes sur la lune, il remonte lentement le temps, nous rappelant sans cesse ce que nous devons à tous, tirant des enseignements de chacune de ces époques.
Il nous rappelle que les conquérants de l’Egypte ancienne, Libyens, nubiens, assyriens ou perses, loin de la dominer ou l’anéantir, se sont coulés dans le moule de cette civilisation qu’ils avaient, certes vaincus, mais dont ils reconnaissaient la supériorité. « Dans un monde désormais sans frontières, l’Egypte avait subi de multiples influences étrangères : elle avait résisté à la tentation du cosmopolitisme. Elle était restée profondément égyptienne ».
Nous écoutons en 399 de notre ère, un jeune ambassadeur de Cyrène, introduit devant l’empereur d’Orient, lui faire un réquisitoire contre l’infiltration des barbares dans l’Empire romain : « Ce n’est pas avec des intentions hostiles qu’ils sont venus chez nous, mais bien en suppliants, au cours d’une nouvelle émigration. Et dans la douceur de notre accueil, ils n’eurent pas affaire avec les armes de Rome..[…] Dès ce premier instant, jusqu’à l’heure présente, ils nous ont jugés ridicules, conscients tout à la fois de ce qu’ils avaient mérités et des mérites que nous leur avions reconnus. Le bruit s’en est répandu chez leurs voisins, les engageant à venir chez nous. » Les IIIème et IVème siècles de l’empire romain sont une mine d’enseignement : arrivés réfugiés dans l’empire, les Goths par exemple, se rebellent, s’installent en armes « sans que soient disloqués leurs solidarités tribales ; sans que leur soit imposé le moule de la vie civique , par quoi Rome avait assuré jusqu’alors, la romanisation des peuples qu’elle avait vaincus ». On connait la chute…
En 14-18, nous nous sentons petits, devant des hommes éreintés, épuisés, mais résistants, animés par un « désir de revanche, de piété filiale et d’attachement à la terre de leurs ancêtres » : le patriotisme !
Dans ce voyage en compagnie de Thucydide, de Polybe, de Salluste, mais surtout, en compagnie des ombres, Michel de Jaeghere nous parle, tout simplement, de nous.