Irresponsabilité pénale ou irresponsabilité ministérielle ?

Natacha Gray • 20 juin 2019

Nicole Belloubet, Garde des Sceaux, vient de faire part de son intention de fixer le seuil de l’irresponsabilité pénale à treize ans, déclenchant quelques prises de position favorables, notamment de membres du Syndicat de la Magistrature dont on connaît les engagements très à gauche, mais avant tout un torrent de protestations, surtout à droite.

Qu’en est-il exactement ? L’article ci-dessous fait le point longuement sur l’état très inquiétant de la délinquance des mineurs qui justifiait, jusqu’à présent, un certain consensus sur la nécessité de faire évoluer l’ordonnance de 1945, jugée inadaptée à la situation actuelle, dans le sens d’un durcissement. A contre-courant de la tendance générale, le projet Belloubet se dirige a contrario vers l’irresponsabilité pénale des mineurs de moins de treize ans, dont la part dans la délinquance des jeunes est pourtant en progression inquiétante. Même si dans les faits cette mesure ne va pas changer grand-chose à la situation, un enfant n’allant jamais en prison et les peines prononcées, quand il y en a, étant strictement éducatives, c’est pour beaucoup, sur le plan symbolique, un très mauvais signal, celui d’une impunité renforcée et d’une totale invisibilité de l’acte délictueux, que l’on donne d’une part à de jeunes délinquants souvent récidivistes qui défient déjà en permanence, conscients de ne pas craindre grand-chose, l’autorité parentale, policière, judiciaire, professorale, d’autre part aux réseaux crapuleux qui utilisent déjà de plus en plus fréquemment ces « intouchables » en raison, précisément, de leur impunité.

Pourquoi cet article sur Lignes Droites ? D’une part parce que la droite peut, au moins sur ce sujet précis, se rattraper de la négligence dans laquelle, dans un contexte national entièrement monopolisé par la crise des Gilets Jaunes, elle a laissé adopter en décembre dernier une réforme judiciaire de grande ampleur, votée dans l’indifférence générale, à l’exception des principaux intéressés (collectifs d’avocats, de magistrats, de greffiers dénonçant, entre autres, une Justice déshumanisée, privatisée et ubérisée). Mais au-delà des arguments apportés au moulin de ceux qui se dressent contre le projet Belloubet, il s’agit de pointer en quoi l’évolution envisagée est l’archétype d’une certaine gauche et, en tous cas, le modèle de tout ce que n’est pas, ne doit pas être, la droite. A l’heure où celle-ci, du moins ceux qui dans ses rangs n’ont pas rejoint la majorité présidentielle, cherche aujourd’hui, dans la débâcle électorale, à se définir quelque part entre la République en marche et le Rassemblement national, il est sans doute possible de trouver, au travers de cet exemple éloquent, matière à tracer les contours de ce que la « vraie » droite n’est pas et ne devra jamais être, que ce soit en termes de méthodes, d’idées ou de valeurs. Et de se souvenir, ce faisant, de ses fondamentaux indissociables : liberté, responsabilité, pragmatisme.

Le lecteur qui souhaite trouver matière à comprendre et à se faire un avis sur la question pénale pourra s’informer en parcourant les premiers chapitres (1. Le constat ; 2. Une délinquance aux causes multiples ; 3. … dopée par le sentiment d’impunité ; 4. Un projet irresponsable et à contre-courant).

Celui qui s’intéresse avant tout aux enseignements à tirer pour la droite en reconstruction peut directement se référer au dernier chapitre : 5. De quoi Nicole Belloubet est-elle le nom ?


1. Le constat : la délinquance des mineurs, un fléau en constante augmentation

La délinquance des mineurs, et plus généralement de ceux que les médias appellent pudiquement les « jeunes », même lorsqu’ils n’ont plus l’excuse de minorité, est un fléau en inquiétante augmentation. Ils sont même les principaux responsables des dégradations, agressions, violences et du climat de terreur qui règnent sur certains quartiers de jour et de nuit. Les statistiques (Chancellerie et Infostats Justice) et témoignages de terrain sont sans appel, même si elles sont considérablement minorées par rapport à la réalité: les chiffres officiels ne prennent en effet en compte que les affaires élucidées dont les auteurs ont été identifiés , ce qui ne se prête guère à la délinquance de rue (bandes mobiles, pas toujours identifiables ou refus d’identification de la part de victimes terrorisées par les menaces de représailles…). Encore faut-il qu’une plainte ait été déposée, ce qui exclut, comme d’ailleurs pour les faits de sexisme, d’homophobie, d’antisémitisme, la majorité des délits de petite, voire de grande, délinquance par peur d’une réaction de l’agresseur, certitude d’une démarche que l’on sait d’avance inutile car on ne retrouvera pas les coupables ou parce que l’on sait qu’ils resteront impunis.

Si l’on ne s’attache qu’aux mineurs parmi ces délinquants, le premier constat est qu’ils sont de plus en plus nombreux à commettre des délits, et de plus en plus violents , y compris entre eux. Ils se sont également féminisés . Et ils sont de plus en plus actifs : les faits qui leur sont reprochés ont bondi de plus de 50% en vingt ans, avec une nette accélération ces cinq dernières années. Leurs exactions sont aussi de plus en plus graves : aux « bêtises » traditionnelles (qui ont parfois, surtout en matière d’incendie, des conséquences mortelles!) comme les tags sur les murs, feux de poubelle, vandalisme sur le mobilier urbain, les incendies de voitures, les vols à l’arrachée, le trafic de stupéfiant, se sont ajoutés ce que la Chancellerie nomme des « faits particulièrement graves » et qui, selon les statistiques (sources de 2015) ont bondi de 58% en dix ans : dégradations à grande échelle (destruction de stades, mise à sac d’écoles), cambriolages non opportunistes –i.e programmés-, vols avec armes, généralement un couteau même si les armes à feu circulent aussi dans les zones de non-droit, augmentation significative des violences physiques non crapuleuses (en clair , les coups et blessures dits « gratuits »), les agressions sexuelles qui concernaient déjà, il y a quatre ans, 21% des mineurs interpellés pour des délits , et même des crimes (vengeances et assassinats entre adolescents pour un regard, une rivalité amoureuse, une dispute, une volonté d’appropriation d’un bien…). En 2019, 57% des infractions commises par les mineurs sont des atteintes violentes aux personnes !

Ils sont aussi de plus en plus jeunes : dans ce contexte d’explosion de la délinquance des mineurs, celle qui touche les moins de 13 ans augmente plus rapidement que dans les autres tranches d’âge. Si l’on cherche par exemple sur Internet la liste des écoles incendiées ou vandalisées, on tombe sur des listes interminables à la lecture desquelles on apprend que les auteurs, une fois identifiés, se révèlent être souvent des jeunes de 9 à 13 ans. C’est pourquoi de nombreux maires ont été contraints de mettre en place des couvre-feux pour les mineurs (comme celui de Marmande en octobre dernier), le dernier en date étant celui de Mazingarbe (juin 2019), près de Lens, explicitement destiné à empêcher les enfants de moins de 13 ans de traîner dans les rues entre 23h et 6 h du matin et mettre fin au climat de terreur dénoncé par les habitants (violences physiques, vols, feux de poubelles, mobilier urbain dégradé, représailles en cas de résistance…). Ajoutons que les très jeunes, en raison de leur impunité pénale, sont notamment utilisés par les dealers ou des réseaux pour le trafic de stupéfiant ou les vols.


2. Une délinquance aux causes multiples

Il n’est pas question ici de s’enfoncer dans le maquis des causes de cette augmentation exponentielle de la délinquance des jeunes, et notamment des très jeunes, qui s’inscrivent d’ailleurs d’une part dans un constat d’ensauvagement de la société française, d’hystérisation des rapports entre individus dont ces enfants et adolescents violents ne sont, finalement, que le reflet, d’autre part dans la multiplication des zones de non-droit, « territoires perdus de la République » où enfants et pré-adolescents sont largement utilisés par des réseaux crapuleux.

Emissions violentes , jeux-vidéos, réseaux sociaux , sexualité dépersonnalisée et ostentatoire, tout concourt à banaliser la violence voire l’éradication de celui qui gêne. L’enfant n’est plus un enfant : grâce aux films, aux jeux, à Internet, il connaît ses droits, qui sont immenses par rapport à ses devoirs, la loi, le moyen de la contourner, il sait et voit la violence du monde, à commencer celle d’autres enfants-soldats médiatisés que certains prennent comme modèles, il n’ignore rien de ce que l’on appelait « la vie », notamment en termes de sexualité, d’image stéréotypée de la virilité ou de la femme, et il tente à son tour de s’y conformer.

Les flux de migrants que la République n’intègre ni n’assimile plus, faute de moyens d’un côté, d’une réelle volonté d’assimilation pour certains de l’autre, ont ajouté un nouveau paramètre, surtout lorsqu’il s’inscrit, comme dans les autres cas, dans un phénomène de bande et d’affirmation de soi face au groupe.

Ces jeunes, notamment dans les quartiers dits difficiles , s’ils ne tombent pas d’eux-mêmes dans la délinquance, par imitation, envie d’appropriation, problème psychologique, sont de plus en plus sollicités par les grands frères et des bandes organisées, voire par de véritables réseaux crapuleux dont certains donnent leurs ordres depuis l’étranger car l’enfant de moins de 13 ans ne peut être poursuivi pénalement, ni être mis en garde à vue. Un article récent du Figaro témoignait du phénomène des « mineurs marocains » (dont très peu sont marocains, environ 1 sur 6, et encore moins sont réellement mineurs), qui agissent en bande au cœur de certaines grandes villes qu’ils écument (vols avec violence, agressions au couteau), ne parlant que peu le français mais parfaitement au courant de leurs droits et de leur impunité « en tant que mineurs », qu’ils récitent comme une fiche apprise par cœur, probablement briefés à l’avance par les personnes qui les manipulent et les utilisent au sein de ces filières organisées. Le même phénomène est connu depuis longtemps avec les enfants liés à des réseaux de Roms d’Europe de l’Est qui les envoient sur des vols à l’étalage, à l’arrachée, à la roulotte.

Il faut également prendre en compte l’islamisme radical qui, dans certains quartiers, en liant habilement les trafics illégaux et la question identitaire, justifie les agressions contre des mécréants et dresse des jeunes esprits manipulables contre la société française, et, au-delà, sa législation et ceux qui sont chargés de faire respecter les règles.

Dans les mêmes quartiers mais également dans des zones plus huppées, sont également à considérer l’effondrement des valeurs et le désengagement de parents dépassés ou négligents qui se reposent sur l’Ecole qui n’instruit plus mais est censée « éduquer » leurs gosses et pallier les carences parentales. Sauf que cette mission-là, l’’Ecole-nounou n’est plus en mesure de l’exercer correctement non plus.

Car à l’amont de la délinquance juvénile, on trouve évidemment l’échec de l’Education Nationale où les enseignants, dépouillés de toute autorité, voire discrédités et moqués, souvent méprisés et calomniés, longtemps soumis aux théories pédagogistes qui avaient envahi cabinets ministériels et Rectorats et qui dissimulent l’impuissance sous le beau nom de « bienveillance » (ne pas punir, ne pas contrarier, ne pas ennuyer l’élève, l’amuser, ne pas lui demander d’effort et surtout lui éviter toute frustration), n’ont plus les moyens d’instruire et encore moins d’éduquer des enfants-roi à qui l’on a donné tous les droits sans jamais exiger d’eux aucun devoir.

Le sentiment d’impunité s’acquiert tôt , de la famille démissionnaire ou contaminée par la bienveillance et l’égalitarisme (l’enfant est l’égal de l’adulte) à l’Ecole désarmée où, à l’inverse de leurs usagers, les enseignants sont désormais systématiquement soumis, par les parents et leur administration obnubilée par le « pas de vagues », à la « présomption de culpabilité ». Et c’est bien là que réside, dans leur impunité, et le fait qu’ils en ont parfaitement conscience, le principal problème qui empêche de regarder en face la question de la délinquance des mineurs.


3. Une délinquance dopée par le sentiment d’impunité.

A dire vrai cette impunité, plus qu’un sentiment, est une réalité juridique dont les conséquences sont désastreuses.

La majorité pénale est fixée à 18 ans, âge à partir duquel les prévenus sont jugés selon des procédures de droit commun. Pour les mineurs, depuis l’ordonnance de 1945 , les infractions, voire crimes et délits, sont jugés selon une procédure spécifique par des juges et tribunaux pour enfants. Cette Justice des mineurs privilégie les réponses éducatives à l’action pénale, en d’autres termes c’est une sorte d’action sociale judiciarisée qui considère le délinquant comme une victime à rééduquer. Et pour les moins de 13 ans, l’incarcération est impossible et ils ne peuvent pas être mis en garde à vue. Ceci dit, pour les plus de 13 ans, la détention, généralement provisoire, reste également une mesure grave et exceptionnelle.

Il n’y a pas, pour l’instant, d’«irresponsabilité pénale » pour autant: un juge peut aujourd’hui mettre l’enfant en examen et examiner les faits en fonction de la capacité de discernement du jeune délinquant que des spécialistes et lui-même sont chargés d’évaluer (et que la plupart des experts situent entre 7 et 8 ans ) . Avant dix ans la sanction consiste exclusivement en mesures éducatives : remise aux parents, services d’assistance à l’enfance, placement dans un établissement spécialisé…. Entre 10 et 13 ans des sanctions peuvent s’appliquer : interdiction de fréquenter certaines personnes, travaux scolaires, confiscation d’objets, stages de formation civique …. Entre 13 et 18 ans des peines plus lourdes sont possibles, dont la prison qui reste une mesure très rarement appliquée, ne serait-ce que faute de moyens (voir ci-dessous).

L’année dernière on a ainsi pu voir un juge mettre en examen un enfant de dix ans, coupable d’avoir volontairement incendié une tour à Aubervilliers et qui avait causé le décès d’une mère et de ses trois enfants. La sanction a été une mesure d’éloignement. Cette sanction peut paraître dérisoire mais elle n’a été possible, justement, que parce qu’il n’y a pas à ce jour d’irresponsabilité pénale des mineurs.


Le problème toutefois est que même les mesures éducatives (sanctions que l’on peut considérer comme « soft ») sont rarement mises en œuvre lorsqu’elles sont prescrites. Parfois même le délinquant en est exempté et ressort avec un énième rappel à la loi. Pour les vols simples, c’est le cas 7 fois sur 10, même en cas de récidive : c’est en toute impunité que le jeune délinquant peut ainsi collectionner ces mises en garde répétées, épées de Damoclès purement fictives, qui deviennent des trophées auprès de ses camarades. Il faut voir dans cette clémence certes la marque de l’idéologie partisane de certains juges laxistes qui se contenteront d’admonestations sans lendemain (dont les prévenus se contrefichent), mais plus souvent encore la conséquence d’un dramatique manque de moyens . En novembre 2018, 15 magistrats du Tribunal pour enfants de Bobigny lançaient un véritable signal d’alarme et appel au secours dans une tribune publiée dans Le Monde : ils y expliquaient que, faute d’être appliquées, les mesures qu’ils prennent restent « fictives » ; il dénonçaient la dégradation accélérée des dispositifs de protection de l’enfance, pointaient des délais de prise en charge « inacceptables » pour les mesures d’assistance éducative (900 familles désespérées étaient alors en attente), le manque de personnel, le sous-effectif des éducateurs au département ou dans les milieux associatifs, et même chez les greffiers du Tribunal totalement submergés ; ils prévenaient que cette impunité de fait provoquerait à l’âge adulte davantage de passages à l’acte criminel faute de rééducation par un suivi éducatif ou la possibilité d’un placement.

Cette insuffisance des moyens constitue donc un véritable casse-tête pour éducateurs, enseignants et policiers qui s’évertuent à faire respecter la loi à des jeunes parfaitement conscients qu’ils ne craignent rien . Témoignage confirmé l’autre jour à la radio par une mère dont l’enfant aujourd’hui majeur est tombé dans la délinquance depuis l’âge de douze ans. Cette femme criait sa colère et son désespoir : depuis des années elle avait frappé à toutes les portes pour obtenir de l’aide, en vain, que ce soit en raison d’une législation inadaptée (pas de possibilité de réponse pénale), de délais trop longs pour espérer une aide par les structures éducatives débordées, du manque de psychologues, du refus d’examiner la demande parentale de lui infliger au moins des travaux d’utilité générale, de la violence d’un mineur baraqué qui menace physiquement ses parents, éclate de rire devant les policiers en répétant qu’il ne risque rien en tant que mineur, qui n’a en 6 ans écopé que d’un seul rappel à la loi mais qui est allé jusqu’à porter plainte au commissariat au nom des droits de l’enfant lorsque son père, ne sachant plus comment lui faire entendre raison, a fini un jour par lui donner une claque.


Tout ceci entretient un sentiment, pire une certitude, d’impunité totalement délétère. Comme précisé plus haut, cela commence très tôt, dès l’école maternelle. Car ces jeunes se savent pratiquement intouchables, eux que l’enseignante et essayiste Barbara Lefebvre appelle la génération « j’ai le droit » : ils connaissent à l’école l’interdiction pour l’adulte de les toucher, de leur répondre, de les frapper, voire même de se défendre, usent fréquemment avec perversité de la provocation, voire de l’agression, puis de l’inversion accusatoire qui mettra en cause la parole de l’enseignant ou du policier (qui ont commencé, qui n’avaient pas qu’à les poursuivre, ou à les empêcher de …) et ils récitent leurs droits sitôt qu’ils se retrouvent dans la position de l’accusé. Il y a quelques années les chiffres de la Chancellerie montraient ainsi qu’un délinquant mineur de moins de 13 ans présentait 1,6 fois plus de risques de repasser à l’acte qu’un jeune condamné de 15 à 25 ans, et 2,3 fois plus qu’un délinquant condamné entre 30 et 39 ans. En clair, plus l’impunité et les risques sont réduits, plus on recommence. C’est cette impunité des mineurs qui est précisément utilisée par réseaux et filières pour accomplir leurs basses œuvres.

C’est pourquoi, depuis une vingtaine d’années un consensus s’était établi sur le fait que l’ordonnance de 1945, qui privilégiait des mesures éducatives plutôt que des réponses pénales, devait être profondément revue et modifiée et ne pouvait l’être que dans un sens qui amplifierait le répressif, aujourd’hui quasiment absent, au détriment de l’éducatif, qui ne fonctionne plus sur les générations nouvelles, réfractaires à l’autorité, sur des mineurs violents et parfaitement conscients de ce qu’ils font et de ce à quoi ils s’exposeraient s’ils étaient majeurs. Beaucoup réclamaient même l’abaissement à 16 ans, voire moins, de la majorité pénale à partir de laquelle des crimes et délits de droit commun sont jugés selon une procédure de droit commun et en encourant des sanctions de droit commun. Plusieurs projets de durcissement de la loi de 1945 ont ainsi vu le jour . Et même des réalisations, comme les Tribunaux correctionnels pour les mineurs récidivistes de 16 à 18 ans créées en 2011 mais supprimés, malgré une efficacité reconnue, dès 2013 par la Garde des Sceaux Christiane Taubira (suppression effective 2017).


4. Un projet irresponsable et à contre-courant !

Et voilà que dans ce triple contexte (la hausse inquiétante de la délinquance des moins de 13 ans, en particulier sur des faits graves ; la quasi impossibilité de la juguler compte tenu d’une législation inadaptée et d’un sentiment d’impunité de la part des fautifs ; la réflexion collective menée sur le durcissement de l’ordonnance de 1945), la Ministre de la Justice annonce dans les médias un projet personnel, déjà présenté en novembre et qui avait provoqué une levée de boucliers dans les milieux spécialisés, concocté sans concertation avec les parlementaires, visant à fixer cette fois le seuil de l’irresponsabilité pénale à 13 ans. Loin d’aller vers davantage de répression, comme demandé par de nombreux acteurs, on se dirige donc vers une dé-judiciarisation des délits, y compris les plus graves.

Officiellement, on avance qu’il faut se mettre en conformité avec la CIDE (Commission Internationale des Droits de l’Enfant) et avec les recommandations des experts de l’ONU qui demandent à ce que soit retenu un âge butoir.

Dans ce cas pourquoi 13 ans ? Les psychologues fixent l’âge du discernement, sauf cas particulier étudiés au cas par cas, entre 7 et 8 ans. Pour l’âge de responsabilité pénale, la Grèce a retenu 7 ans, l’Angleterre, le Pays de Galles, la Suisse 10 ans. Seules l’Espagne, le Portugal (16 ans) et l’Allemagne (14) sont au-dessus. Généralement il apparaît que cet âge a été fixé dans les différents pays en tenant compte du terrain et des réalités de la délinquance juvénile. Quelle réponse apportera-t-on aux enfants de moins de 13 ans qui feront bêtise sur bêtise si la justice n’intervient plus ? Pense-t-on les orienter vers l’ASE (Aide sociale à l’Enfance) et vers les services sociaux des départements déjà surchargés et exsangues ?

Pourquoi maintenant ? Comme l’ont déjà fait remarquer en novembre les parlementaires, députés et sénateurs, dont des commissions travaillent sur le sujet depuis des mois, alors que la Garde des Sceaux manifestait son intention de faire passer ces mesures de façon unilatérale par ordonnance, il y a « non-urgence ». Quel intérêt y a-t-il donc pour jeter ainsi sur la place publique un sujet d’experts que l’on sait clivant et que rien n’oblige à précipiter ? Comme pour la PMA, ne s’agit-il pas pour la Garde des Sceaux d’une volonté égotique de marquer la Justice de sa réforme mais en même temps d’une énième manœuvre politique pour détourner opinion des autres mesures impopulaires ? On sait que les questions sociétales sont le meilleur outil pour faire en sorte que les Français se déchirent et se polarisent sur des débats clivants, même lorsque ceux-ci ne concernent qu’une poignée d’individus et, par conséquent, qu’ils délaissent les autres questions.

Un autre argument avancé est le besoin de réduire le délai entre la faute et le traitement de la faute. En effet les délais sont longs (en moyenne huit mois) entre la constatation des faits et la décision d’un Tribunal. Le prévenu, souvent, n’a plus véritablement le souvenir de sa faute (surtout si, récidiviste, il a ajouté plusieurs délits entre temps), ce qui lui donne un sentiment d’incompréhension, voire d’injustice. Découpler ainsi pénal (qui disparaîtrait) et réponse éducative permettrait (en théorie) de réduire ce délai. En théorie car il faut qu’il y ait cette réponse éducative et l’on voit qu’aujourd’hui elle est déjà souvent, presque systématiquement, « oubliée » faute de pouvoir être appliquée. Au-delà du fait que pour de nombreux magistrats ce délai est au contraire nécessaire (examen des faits, préparation de la défense mais également temps nécessaire pour la victime pour se remettre, éventuellement s’éloigner, recherche de la meilleure solution éducative, puisqu’il n’en est pas de pénale stricto sensu ), on se rend compte qu’une fois encore, pour ne pas voir la maladie, on casse le thermomètre , alors qu’il faudrait au contraire renforcer les moyens de la Justice des mineurs, et des structures éducatives qui interviennent dans le traitement de la délinquance (sanction ou prévention) si l’on veut réduire ledit délai. Pas faire disparaître purement et simplement la possibilité d’intervenir ! Effectivement s’il y a irresponsabilité pénale, il n’y a plus de jugement, donc plus de sanction, donc la question du délai ne se pose plus. Il fallait y penser !

Mais, au-delà, il y a cette insupportable culture de l’irresponsabilité , de l’inversion de culpabilité et de la culpabilisation de l’autre portée par une certaine gauche bien-pensante, droitdelhommiste, pédagogiste et donneuse de leçons dont la Ministre de la Justice est l’incarnation: le coupable, c’est l’adulte, la société, ou celui qui possédait ce que l’enfant n’avait pas. Le mineur délinquant n’est considéré que comme un « enfant en danger ». En danger pour lui-même, il l’est assurément. Mais il est aussi, et même avant tout, un danger pour autrui. Quant au qualificatif d’enfant, l’est-on encore totalement, au-delà de l’âge que mentionne l’état civil, quand on traîne la nuit à 3h du matin en bandes, que l’on incendie volontairement les biens d’autrui, que l’on agresse sexuellement un autre enfant, que l’on programme des guets-apens parfois avec intention de tuer, que l’on parle de sexe et de virilité comme un adulte et que l’on récite des fiches législatives prouvant que l’on est parfaitement conscient de l’absence de risques encourus ? Sans compter que les jeunes d’aujourd’hui présentent souvent de nos jours, très tôt, un physique et un comportement d’homme ou de femme, du moins une attitude en conformité avec les stéréotypes véhiculés par les médias !

Alors certes on trouvera toujours, comme pour toute cause, des experts, ici des psychologues de l’enfance, pour valider la cause que l’on prétend juste, souvent déconnectés du terrain, comme les pédagogistes dans l’Education nationale dont on a pu constater les effets pervers de leurs théories bienveillantes. A l’exception des satisfecits prodigués au projet par des membres du Syndicat de la Magistrature, que l’on sait très à gauche et souvent accusé d’obéir à des intentions plus militantes qu’à des considérations juridiques, les réactions politiques, judiciaires, éducatives au projet Belloubet, en novembre comme ces jours-ci, sont majoritairement hostiles, voire scandalisées et inquiètes. La plupart rejoignent au moins la Garde des Sceaux pour reconnaître que toute transgression implique une réaction la plus rapide possible. Mais aucun ne propose de supprimer la responsabilité pénale pour autant, juste de trouver les moyens, qui sont avant tout financiers, de réduire les délais entre le délit et la réaction judiciaire.

Il ne s’agit évidemment pas de mettre des enfants en prison . A moins de 13 ans, aujourd’hui, ils n’y vont pas, et les réponses, quand toutefois elles existent, sont uniquement éducatives. Mais même plus âgés, même majeurs, ils y vont rarement. Certes ces enfants sont des « victimes », mais il ne faut pas oublier qu’ils sont avant tout coupables de transgressions et que, comme le montrait déjà un rapport alarmiste du Sénat en 2002, un grand nombre de leurs victimes sont d’autres mineurs, qu’il s’agit de protéger aussi et dont la résilience dépend aussi de la reconnaissance de la culpabilité de l’agresseur et d’une forme de sanction. Si on veut les faire progresser, leur redonner des valeurs citoyennes, les faire « grandir », il serait irresponsable de leur enlever leur part de responsabilité. Lorsque l’on fuit la police, que l’on fait tout pour dissimuler ses actes, que l’on prétend, même pris sur le fait, n’avoir aucune responsabilité, que l’on ment sur son identité et son âge, c’est que l’on est conscient d’avoir mal agi et de s’exposer à une sanction, ne serait-ce que parentale. Pourquoi la société ne serait-elle pas habilitée à s’autoriser, pour se défendre et se protéger, ce que tout parent responsable est incité à faire devant les désobéissances de ses enfants : interdire, fixer des limites, avertir, menacer de punition, puis punir en cas de transgression ? La menace et la certitude que la punition aura lieu, l’expérience aussi si l’on a déjà été sanctionné, suffisent d’ordinaire à dissuader l’enfant intelligent de franchir la ligne rouge qu’il connaît parfaitement. A contrario les parents qui sont en permanence dans l’avertissement sans passage à l’acte, la renonciation, la discussion d’égal à égal avec leur enfant, sont généralement débordés. Pourquoi cette exigence de responsabilisation de l’enfant ne s’appliquerait-elle pas hors de la sphère parentale, dans la Justice ?

Pour les éducateurs, les parents d’enfants délinquants, les enseignants, les policiers, il s’agit donc d’un très mauvais signal qui fera des primo-délinquants déclarés irresponsables pénalement, des multirécidivistes puis de véritables caïds à 18 ans, habitués à l’impunité. Car le sentiment d’impunité des jeunes déviants n’en sera que davantage renforcé. En outre cela risque de faire tomber plus encore les très jeunes, désormais intouchables pénalement, dans le réseau de la délinquance.


5. Mais de quoi Nicole Belloubet est-elle le nom ?

Elle représente assurément une certaine gauche, bien présente dans le gouvernement Philippe, tant sur le plan des méthodes que des idées.

Elle est l’archétype de cette gauche doctrinair e qui manque de pragmatisme , celle qui ne part jamais du réel mais de ses idées, qui plaque sur des réalités éprouvantes des concepts totalement inadaptés et qui tente ensuite de faire entrer le réel de force dans la doxa. Elle représente le gauchisme culturel dominant depuis mai 1968, qui défend une culture de l’irresponsabilité , de l’inversion de culpabilité , du procès d’intention et de l’excuse victimaire . Son irénisme, sa bonne conscience sur le dos des victimes, malheureusement ne colle plus, et de moins en moins, avec l’évolution de la société, des nouvelles générations et de ces « enfants » qui, justement, quittent l’enfance de plus en plus tôt.


Irresponsable parce que déconnectée de la réalité, l’ancienne rectrice de l’académie de Toulouse laisse transparaître dans ce projet une idéologie à la fois gauchiste et pédagogiste, une naïveté partisane et une vision compassionnelle de la Justice que l’on retrouve aussi à l’œuvre dans le Syndicat de la Magistrature. On peut y lire également le typique aveuglement de classe , celui des privilégiés qui n’ont jamais été confrontés à la délinquance violente, généralement en bandes et qui prennent pour des « fachos » sans cœur et des bourreaux d’enfants les gens qui osent réclamer davantage de sévérité (au moins un peu plus qu’un rappel à la loi) pour des voyous, même en culotte courte… Contrairement à ce que croit cette gauche, la sévérité n’est pas le totalitarisme et la liberté n’est pas celle de tout se permettre ni l’impunité. Parler de sécurité n’est pas antidémocratique, garantir celle des personnes et des biens est même la première mission de l’Etat.


Mais il y a évidemment une autre raison, qui tient du court-termisme, de l’électoralisme et de petits calculs budgétaires et d’une forme d’irresponsabilité ministérielle . La raison majeure de la mansuétude de la justice, surtout de gauche, envers les « jeunes », mineurs ou pas, tient en effet à la rencontre entre une idéologie compassionnelle et l’insuffisance des moyens : difficultés des services de police, limités juridiquement ainsi qu’en termes d’effectifs et de moyens face à des jeunes prêts à se victimiser, à chercher l’affrontement ou la blessure puis à hurler aux violences policières ; insuffisances de la Justice, également en termes de moyens mais aussi en raison d’une législation devenue inadéquate ; manquements des services d’accompagnement (pas assez de psychologues, de structures adaptées…).

Ne pas poursuivre des mineurs de plus de 13 ans ou de jeunes majeurs, c’est également lutter contre la surpopulation carcérale que l’on ne s’est pas donné les moyens de réduire autrement. Rappelons que sous le quinquennat de Nicolas Sarkozy avait été lancé un plan de rattrapage dans la construction de prisons que Christiane Taubira s’est empressée d’annuler dès son arrivée place Vendôme. Son successeur, Jean-Jacques Urvoas, en homme d’Etat soucieux de la continuité de la fonction au-delà des alternances politiques, avait budgétisé avant son départ et pour son successeur un peu moins de la moitié des places de ce qui était jugé urgent (soit 30 000 places sur les 75 000 à construire), plan à nouveau annulé par N. Belloubet, E.Macron annonçant qu’on en construirait finalement…9000 ! L’argent prévu a certainement été utilisé pour renflouer les caisses trop rapidement entamées par les premiers cadeaux fiscaux du gouvernement.


Comme s’était évertué à le faire François Hollande par simple esprit partisan , il s’agit aussi pour cette gauche revancharde, intolérante et manichéenne de détruire ce qui marche parce que cela a été mis en place par les adversaires politiques. Ainsi en fut-il de la défiscalisation des heures supplémentaires, ou sur le plan judiciaire du « plan prisons », et cela à deux reprises, par Ch. Taubira puis par N. Belloubet, la première ayant de surcroît supprimé, entre autres, par une simple circulaire et sans concertation, comme mentionné ci-dessus, les tribunaux correctionnels pour les mineurs récidivistes de 16 à 18 ans créés en 2011.

Il s’agit également d’une manœuvre désormais parfaitement rodée : dès qu’il y a difficulté en vue pour le gouvernement, cette gauche, dont N. Belloubet a toujours fait partie sur son aile la plus dure, sort du chapeau telle ou telle réforme sociétale qu’elle sait clivante et qui occupera la scène médiatique et les débats pendant que le « reste » passera plus facilement. Cela s’accompagne, comme de bien entendu, d’un discours catastrophiste ou prétextant l’urgence, et d’une rhétorique compassionnelle , doublée de procès d’intention, qui fait passer toute critique du projet pour un manque de bienveillance, voire une tendance autoritaire.

La méthode employée également est révélatrice : il y a les sachants, le camp du Bien, qui sait et peut imposer ses décisions à tous puisque cela sera dans l’intérêt de ceux que l’on présente comme des victimes. Ces tentations totalitaires ne sont pas nouvelles. En novembre les parlementaires, qui travaillaient de longue date dans deux commissions, au Sénat et à l’Assemblée Nationale, sur la question de la prévention et du traitement de la délinquance des mineurs, ont eu la désagréable surprise de se voir présenter les projets de réforme de la Justice sans avoir été consultés, dans une démarche verticale et autoritaire top-down , modifications qui devaient leur être imposées par ordonnances et sur lesquelles ils n’étaient appelés qu’à donner un avis. Les événements concomitants liés à la fronde des Gilets Jaunes ont néanmoins différé l’actuel projet. Echaudée par les réactions d’alors, sa conceptrice le remet aujourd’hui sur la table, de façon plus souple, puisqu’on donnera cette fois aux parlementaires du temps pour le discuter, voire proposer des amendements.

Comme d’habitude à gauche, quand il y a un problème on casse le thermomètre. Cela commence dès l’école, que Belloubet a eue en charge dans l’Académie de Toulouse : on ne sait plus gérer des enfants de plus en plus agités, réfractaires à l’autorité ? On invente le concept de classe vivante (certains inspecteurs allant même aujourd’hui jusqu’à sanctionner les enseignants « à l’ancienne » qui tiennent trop leur classe !). On n’écoute plus le Maître, on est incapable de se concentrer ? On met en œuvre la classe inversée, où l’élève devient le professeur. Il y a du bordel ? On développe le concept de « bruit pédagogique ». De plus en plus d’enfants présentent des lacunes immenses en langue française et ne comprennent plus le sens des mots. On allège par conséquent les programmes de français, on simplifie la grammaire, on valorise l’oral, on enjoint de ne plus sanctionner l’orthographe, on réécrit la littérature jeunesse en expulsant adjectifs compliqués, adverbes, et temps du passé, tout en ayant au préalable jeté aux oubliettes les textes littéraires classiques jugés exigeants pour les remplacer par une sous-littérature correspondant aux goûts et au vocabulaire, aux tics de langage de jeunes illettrés. Il faut également saper l’autorité du professeur qui ne pourra plus sévir. Si l’on ne sévit plus, c’est qu’il n’y a pas de problème. Circulez, il n’y a plus rien à voir.


La suite est dans la même logique. On ne sait pas traiter la délinquance des mineurs ? On fait alors en sorte qu’on ne puisse plus parler de délinquance des mineurs. Pénalement irresponsables, ces mineurs feront des « bêtises », de plus en plus graves, de plus en plus nombreuses, de plus en plus violentes, mais elles seront désormais invisibles car volontairement invisibilisées , hors statistiques. Rappelons-nous que cette gauche, la gauche en général d’ailleurs, est nominaliste : seul existe ce que l’on peut nommer. Ce que l’on ne nomme pas n’existe donc plus. Inversement, en mettant un nom sur ce qui n’est pas (facho, populiste, danger, urgence …), on donne corps et réalité aux fantasmes et procès d’intention.


Qu’on ne prétende pas que Macron est à droite. Il le devient partiellement sur le plan économique mais il est pleinement de gauche sur le plan sociétal, à l’image de la ministre de la Justice qui semble une incarnation de cette gauche doctrinaire et déresponsabilisante. Aujourd’hui, dans la débâcle actuelle et l’effacement de ce qui pourtant se situe quelque part entre la République en marche et le Rassemblement National, beaucoup se demandent ce qu’est la droite, si ceux qui s’en réclament peuvent encore parvenir à se rassembler sur des fondamentaux communs en dépit de sensibilités différentes. Il n’est sans doute pas facile de dessiner les contours de ce qui reste à reconstruire. Mais comme dans toute définition, il est toujours possible de commencer par cerner une notion en éliminant ce qu’elle n’est pas . Et la droite n’est pas, ne doit pas être, tout ce qui a été décrit ci-dessus : peu pragmatique, doctrinaire, déconnectée du terrain, irresponsable, victimaire, dans une démarche autoritaire top down qui fait fi de la concertation, obsédée par la table rase, droitdelhommmiste et bien-pensante. Et s’il y a deux notions inséparables qui la caractérisent mais que la gauche ne sait pas conjuguer, c’est bien d’abord la liberté , dans le sens que lui donnaient les philosophes des Lumières, limitée pour chacun à l’endroit où commence celle du voisin, balisée par des limites et des sanctions, dans l’acceptation des règles du jeu collectif qui garantissent les droits, la sécurité, l’autorité de ceux qui en sont les dépositaires. Le second principe est celui de la responsabilité , qui devrait être le quatrième pilier, invisible, du Temple républicain. Et la seule méthode possible doit rester le pragmatisme , ancré dans la réalité et dans l’écoute des personnes concernées, loin de tout dogmatisme. La gauche part des idées, la droite doit s’ancrer sur le terrain et élaborer des solutions à partir de ses constatations. Devant les bêtises dangereuses de la gauche doctrinaire et déconnectée des réalités, la droite sait au moins ce qu’elle ne doit pas devenir et de quoi elle ne doit, en aucun cas, se montrer complice.


Annexes

L’ ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante ainsi que ses principales modifications jusqu’en 2019 (il y en a eu 39)


https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=LEGITEXT000006069158


L’article 122.8 sur la responsabilité pénale pour les mineurs capables de discernement (2002) . En résumé , les mineurs capables de discernement sont pénalement responsables, sans limite d’âge même si en principe, les mineurs âgés de moins de 10 ans sont considérés comme irresponsables. https://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do?idArticle=LEGIARTI000006417222&cidTexte=LEGITEXT000006070719


Comparaison : le droit pénal des mineurs en Europe

http://www.justice.gouv.fr/europe-et-international-10045/etudes-de-droit-compare-10285/le-droit-penal-des-mineurs-en-europe-12987.html


Loi du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice

https://www.vie-publique.fr/actualite/panorama/texte-discussion/projet-loi-programmation-2018-2022-reforme-pour-justice.html

La CIDE (Convention Internationale des Droits de l’Enfant), qui demande à ce que les pays signataires fixent un âge butoir pour la responsabilité pénale. https://www.vie-publique.fr/focus/decrypter-actualite/convention-internationale-droits-enfant-cide-1989.html

Le Tribunal correctionnel pour mineurs (2012-2017)

https://fr.wikipedia.org/wiki/Tribunal_correctionnel_pour_mineurs


Chaîne pénale (simplifiée) pour les mineurs http://www.justice.gouv.fr/art_pix/chainepen.pdf


par Henri Guaino 17 septembre 2025
Magnifique tribune d'Henri Guaino à lire dans le JDD : https://www.lejdd.fr/politique/henri-guaino-le-naufrage-des-politiciens-et-lexigence-dun-chef-161718
par Une interview de Sami Biasoni, docteur en philosophie et essayiste 16 septembre 2025
"Dans l’«Encyclopédie des euphémismes contemporains et autres manipulations militantes», le docteur en philosophie et essayiste a réuni 41 intellectuels, dont Chantal Delsol, Pierre Vermeren, Ferghane Azihari ou Christophe de Voogd pour déconstruire cette «novlangue»." Une interview de Sami Biasoni par Alexandre Devecchio dans FigaroVox : https://www.lefigaro.fr/vox/societe/sami-biasoni-le-neoprogressisme-nous-fait-entrer-dans-une-nouvelle-ere-langagiere-20250911 «Antifascisme », « antispécisme », « écriture inclusive », « matrimoine », vous consacrez, avec 41 contributeurs, une encyclopédie aux termes chargés d’idéologie qui inondent nos débats. La langue est-elle devenue un champ de bataille idéologique ? Depuis quand ? Cette bataille sémantico-politique est-elle menée par l’État, les médias, le monde universitaire ? Dans mon précédent essai (Malaise dans la langue française, 2022), également consacré à la question de la langue française, je rappelais que « la langue est non seulement ce qui permet de dire, mais aussi le matériau premier de la pensée construite. Les idéologies, de quelque nature qu’elles soient, sont éprouvées par et dans la langue, mère de toutes les causes politiques ». Les manipulations militantes de la langue que nous analysons dans l’ouvrage s’inscrivent quant à elles dans une histoire plus récente : celle du « politiquement correct », dont on peut dater l’origine au tournant des années 1970. Il s’agit d’un phénomène nouveau car il n’est pas imposé par un régime totalitaire, mais émane surtout de normes culturelles et d’usages institutionnels « démocratiques ». Son vecteur de diffusion a trait à un conformisme moral qui se répand à mesure que nos sociétés se fragmentent. Comme l’a montré George Orwell , n’est-ce pas le propre des régimes totalitaires de vouloir transformer la langue ? Sommes-nous face à une nouvelle novlangue ? Les révolutionnaires de 1789 ont promu le « salut public », terrible antiphrase qui masquait l’horreur des exécutions arbitraires pendant la Terreur ; les bolcheviks ont imposé l’usage d’antinomies simplificatrices et manichéennes (par exemple, camarades contre ennemis du peuple) ; le nazisme avait instauré un système langagier complet qualifié de « langue du IIIe Reich » par Klemperer. Nous avons affaire en Occident à une novlangue soft, ce qui la rend d’autant plus pernicieuse. Toutefois, il ne faut pas négliger les forces militantes à l’œuvre : les x-studies (études de genre, de race, de subalternités, etc.), nées sur les campus américains en même temps que s’est diffusée la pratique du politiquement correct dans les milieux dits progressistes outre-Atlantique, ont proactivement et méthodiquement promu ce que je nomme le « foisonnement (pseudo) conceptuel ». En outre, la pensée de la déconstruction est intrinsèquement narrativiste : elle valorise le récit, la subjectivité et l’hyperbole. C’est pourquoi le néoprogressisme et son avatar radicalisé woke nous ont fait entrer dans une nouvelle ère langagière, celle de la saturation de l’espace par ces euphémismes contemporains et autres manipulations sémantiques qui sont l’objet de notre ouvrage. Il est bien plus aisé de vilipender un mauvais usage du mot « femme » que d’aller défendre physiquement celles que l’on opprime dans certaines de nos villes… Paradoxalement, vous montrez aussi que le politiquement correct langagier, souvent porté par une certaine gauche, est loin de favoriser concrètement le progrès social. Les conquêtes langagières symboliques remplacent les réelles avancées sociales… Cette manipulation du langage est-elle le fruit de l’impuissance du politique et en particulier de la gauche progressiste ? La situation actuelle me paraît résulter de la conjonction de deux phénomènes : d’une part celui que l’on nomme usuellement « paradoxe de Tocqueville », en vertu duquel « quand l’inégalité est la loi commune d’une société, les plus fortes inégalités ne frappent point l’œil ; quand tout est à peu près de niveau, les moindres le blessent » ; autrement dit, à mesure que nous approchons de l’égalité de facto, toute inégalité résiduelle, même infime, nous semble insupportable. D’autre part, il est effectivement probable que l’affaissement du pouvoir politique au sein des démocraties libérales contribue à une survalorisation des causes « symboliques ». Je crois qu’il ne faut pas non plus négliger le confort moral de l’indignation de salon : il est bien plus aisé de vilipender un mauvais usage du mot « femme » que d’aller défendre physiquement celles que l’on opprime dans certaines de nos villes, au Moyen-Orient ou ailleurs. Mais je crois que le sens commun continuera de résister à la rééducation forcée de ceux qui refusent le débat serein, je crois que l’humanisme sincère l’emportera au détriment de l’intolérance de ceux qui préfèrent la forme du discours au discours lui-même. À terme, quelles peuvent être les conséquences en matière d’éducation ? Nos enfants ne sauront-ils plus définir des mots aussi usuels qu’un « homme » et une « femme » ? Posez la question aux militants les plus radicaux : ils ne le peuvent plus ! Certaines définitions qui leur sont imposées relèvent de tautologies dangereuses (une femme est une femme parce qu’elle se sent femme), qui contreviennent à la fois à ce qu’énonce la science (l’existence du fait biologique, sans que soit niée la possibilité de vécus de genre différents de la norme statistique) et à ce que révèle le bon sens. Dans une perspective plus large, il faut comprendre que la langue est tout aussi organique que mécanique : on peut tolérer son évolution – c’est même nécessaire – mais elle ne doit pas être forcée. La brusquer revient à troubler non seulement la pensée des individus, mais aussi leur capacité à constituer un corps social stable. Selon vous, le politiquement correct langagier est également à l’origine de la montée des « populismes », en particulier du trumpisme. Pourquoi ? Ce que vous appelez le « populisme » est-il une réaction démagogique ou simplement une réponse salutaire ? Il s’agit de l’une des causes majeures de la montée des « populismes » dans la mesure où ces derniers prennent essor sur le décalage entre le réel perçu et vécu par les citoyens et la manière dont on décrit le monde. Le trumpisme substitue aux ratiocinations du néoprogressisme une proposition antithétique radicale : celle d’un langage dépouillé, rudimentaire et pragmatique. Or, la simplification outrancière du langage est un autre procédé que les totalitarismes ont toujours encouragé. En matière d’usage de la langue, le pouvoir américain tombe, à mon sens, de Charybde en Scylla. La France, heureusement, résiste. C’est pour cela que nous avons écrit cette Encyclopédie des euphémismes contemporains. Quant au populisme, il est à la fois salut, parce qu’il en revient au sens commun et au souci du corps social dans sa globalité, et un péril, dans la mesure où l’on sait les tentations de contrôle politique démagogique qu’il engendre. Votre livre s’attaque principalement à la novlangue néoprogressiste. Existe-t-il aussi une novlangue de droite ? Par exemple, le mot « woke » est-il employé de manière trop systématique et parfois dans le seul but de discréditer une pensée de gauche ? J’ai relevé près de 300 termes que l’on pourrait qualifier de « manipulations militantes de la langue » : la plupart sont promues par les tenants du néoprogressisme. Il existe bien sûr des néologismes de droite, mais ils sont moins nombreux et fonctionnent différemment. Il s’agit généralement, pour la droite, de résister ou de contre-attaquer. C’est ainsi que des termes comme politiquement correct ou woke ont servi à dénoncer des doléances excessives émanant de la gauche. Parfois, les néologismes issus des rangs de la droite servent à qualifier avec emphase des fantasmes ou des phénomènes émergents indûment présentés comme massifs : les expressions « zone de non-droit », « État profond », « submersion migratoire » sont de cet ordre. S’il est initialement destiné à mettre en lumière les personnes noires victimes de confrontations avec les forces de l’ordre, le terme « woke » se voit rapidement repris et amplifié par d’autres activistes des mouvements identitaristes Le mot woke a une histoire intéressante : il prend racine dans les années 1930 aux États-Unis, sous la forme de l’injonction « stay woke » (littéralement « restez éveillés ») reprise par divers auteurs et artistes noirs victimes du régime de ségrégation raciale prévalant alors. Il reste néanmoins peu usité durant plusieurs décennies, jusqu’à sa reprise par le mouvement Black Lives Matter en 2012. S’il est initialement destiné à mettre en lumière les personnes noires victimes de confrontations avec les forces de l’ordre, le terme se voit rapidement repris et amplifié par d’autres activistes des mouvements identitaristes pour progressivement prendre le sens plus large qu’on lui connaît aujourd’hui. Au gré du temps, comme dans le cas de la locution « politiquement correct », ce mot a servi à désigner les excès et dérives de la radicalité néoprogressiste, c’est pourquoi peu se réclament aujourd’hui ouvertement du wokisme. Il s’agit là d’une des rares victoires sémantiques dont peut se targuer la droite. Toutefois, il convient de constater que cela s’est produit au détriment de la rigueur, voire de l’honnêteté intellectuelle : nombreux sont ceux qui utilisent désormais ce terme pour qualifier des comportements qui n’en relèvent pas. C’est un abus malheureux. C’est pourquoi Sylvie Perez et moi-même consacrons deux entrées à ce mot central au sein de l’Encyclopédie. Aucune manipulation n’est souhaitable, quel que soit le dessein poursuivi.
par Jean-Baptiste Michau, professeur de macroéconomie à l’Ecole polytechnique 14 septembre 2025
Une tribune de Jean-Baptiste Michau, professeur de macroéconomie à l’Ecole polytechnique, dans les Echos à propos de la taxe Zucman https://www.lesechos.fr/idees-debats/cercle/pourquoi-la-taxe-zucman-appauvrirait-la-france-2185537 "L’économiste Gabriel Zucman soutient l’instauration d’une taxe plancher de 2 % sur le patrimoine au-delà de 100 millions d’euros. L’adoption de cette taxe, qui est envisagée pour le budget 2026, serait profondément nuisible pour l’économie française. Un impôt sur la richesse soulève d’abord un problème de valorisation : la base taxable est fluctuante pour les entreprises cotées en Bourse et difficile à établir pour les entreprises non cotées. Il pose ensuite un problème de liquidité pour les propriétaires d’entreprises en croissance ne versant pas encore de dividendes. Cela pose la question de l’exil fiscal, dont l’ampleur est incertaine. D’un côté, les études empiriques suggèrent que le flux de départs serait limité. D’un autre côté, jamais une taxe aussi massive n’a été mise en œuvre. En outre, si les flux sont limités, le stock de Français fortunés installés à l’étranger est déjà substantiel. L’objectif devrait plutôt être de les faire revenir en France. Frein à l’innovation Outre ces effets, la taxation de la richesse poserait un problème de mécanicité à la croissance. Rappelons que la valorisation d’une entreprise est déterminée par les gains futurs escomptés. La taxation de la richesse diminue donc les perspectives de gains futurs en rendant plus difficile le financement des entreprises innovantes. De même, l’action d’une entreprise innovante valant essentiellement par ses perspectives de croissance future, une taxe sur la richesse lui est particulièrement nuisible. La taxe Zucman aurait donc un effet très négatif sur l’innovation et sur la croissance. La taxation de la richesse affaiblirait certainement notre potentiel de croissance à long terme. Une caractéristique des milliardaires est que leur taux d’épargne est particulièrement élevé, avec une consommation souvent négligeable au regard de leurs revenus. Par conséquent, une taxe sur leur richesse consiste pour l’Etat à prélever puis à dépenser des revenus du capital qui auraient sinon été épargnés et réinvestis. Ainsi, cette taxe réduit mécaniquement l’épargne et donc l’investissement. Plus précisément, l’Etat consacre environ 10 % de ses dépenses à l’investissement public et ses dépenses supplémentaires transférées aux Français, qui en consomment une large fraction. Or notamment aux Etats-Unis, l’investissement des entreprises représente environ 80 % des sommes investies, celui de l’Etat environ 20 %. L’investissement public étant en outre moins productif que l’investissement privé, une substitution de ce dernier par le premier réduit le potentiel de croissance. Ainsi, si la taxe Zucman rapportait 16 milliards d’euros par an (0,6 point de produit intérieur brut – PIB – privé), on devrait en conclure que l’investissement privé diminuerait d’autant et que l’investissement public augmenterait au mieux de 0,1 point de produit intérieur brut (PIB) – soit un manque à gagner net de 0,5 point de PIB d’investissement. En finançant l’investissement public par un impôt sur la richesse, on substitue de l’investissement public peu productif à de l’investissement privé productif, et on suscite une dégradation du solde de la balance commerciale. Donc, à PIB inchangé : soit l’investissement diminue de 16 milliards d’euros ; soit ils seraient financés par l’étranger et le déficit commercial se creuse alors de 16 milliards ; soit, plus vraisemblablement, on a une combinaison de ces deux possibilités. Pire : en France, les entreprises innovantes rencontrent souvent des difficultés à se financer. Or, les milliardaires sont précisément les investisseurs les plus à même d’effectuer des placements risqués au service des entreprises en croissance, avec à la clé des rendements élevés. La taxe Zucman entraverait ce vecteur de croissance. Mesure idéologique Bref, en appauvrissant les riches, et en empêchant les grandes fortunes de se constituer, c’est la France qu’on appauvrirait. D’ailleurs, peu après l’instauration de l’impôt sur les grandes fortunes au début des années 1980, les sociétaires ont été conduits à s’expatrier dans des Etats exonérés de l’impôt sur la fortune. La taxe Zucman affaiblirait certainement notre potentiel de croissance à long terme en réduisant l’investissement, en pesant sur l’innovation et en aggravant les déséquilibres extérieurs. En réduisant les recettes fiscales futures, elle pèserait en outre sur le financement des dépenses publiques, dont les principales sont : TVA, impôt sur le revenu, impôt sur les sociétés, etc. Cette taxe s’inscrit donc dans une logique purement idéologique et non pragmatique. En instaurant la taxe Zucman, la France serait probablement le seul pays à se l’imposer à elle-même, puisque d’autres pays refusent d’adopter une telle mesure d’idéologie purement idéologique et sans aucune pertinence économique."
par Alexandre Devecchio dans Le Figaro 14 septembre 2025
Une tribune très instructive d'Alexandre Devecchio dans FigaroVox sur la perception par les Français de notre nouveau Premier Ministre: https://www.lefigaro.fr/vox/politique/alexandre-devecchio-pourquoi-la-majorite-des-francais-n-attendent-rien-de-sebastien-lecornu-20250911 LA BATAILLE DES IDÉES - L’enquête Odoxa-Backbone pour Le Figaro révèle que 69% des Français jugent que le choix du nouveau premier ministre ne correspond pas à leurs attentes. Plus que son manque de notoriété, cela traduit la grande fatigue démocratique des Français. Au suivant ! La valse des locataires de Matignon continue. Moins de vingt-quatre heures après la chute de François Bayrou, l’Élysée a annoncé la nomination de Sébastien Lecornu en tant que nouveau premier ministre. Le troisième en moins d’un an. Le cinquième depuis la réélection d’Emmanuel Macron. Compte tenu du fait que le président de la République a exclu toute dissolution ou démission, le choix d’un homme politique connu pour sa souplesse (il va lui en falloir !) et son humilité (qualité rare en Macronie !) était plutôt judicieux. Mais cela intéresse-t-il encore vraiment les Français ? « La vie politique est une pièce de théâtre totalement décalée se jouant devant une salle vide », observait le politologue Jérôme Fourquet dans Le Figaro après la chute de François Bayrou. Les sondages semblent lui donner raison. Une majorité de Français n’attend rien de Sébastien Lecornu. L’enquête Odoxa-Backbone pour Le Figaro révèle que 69% d’entre eux jugent que ce choix ne correspond pas à leurs attentes. Il est même moins bien accueilli que ses deux derniers prédécesseurs François Bayrou et Michel Barnier. Cela tient moins à son déficit de notoriété ou à ses qualités propres qu’à la grande fatigue démocratique des Français. Celle-ci est accentuée par le contexte politique lié à la dissolution : sans majorité claire et dans une situation budgétaire contrainte, les marges de manœuvre du nouveau locataire de Matignon seront très réduites. "Aucune institution ne peut être vraiment réformée si ses membres n’y consentent pas, à moins de faire table rase par la dictature ou la révolution" Le général de Gaulle à propos du ministère de l’Éducation nationale Mais elle vient de beaucoup plus loin. Depuis des décennies, les majorités politiques et les premiers ministres se succèdent, ce qui n’empêche pas la politique menée de s’inscrire dans une certaine continuité : les impôts augmentent en même temps que l’immigration avec les résultats que l’on connaît ! Sous la Ve République, le vrai pouvoir se situe à l’Élysée, non à Matignon, mais aussi au sein de l’administration. Celle-ci reste inamovible. Loin de se contenter d’exécuter les décisions des gouvernements, elle agit comme un État dans l’État, autonome et guidée par une idéologie progressiste en décalage croissant avec l’opinion publique. «Le désintérêt des Français pour la valse ministérielle actuelle» « Aucune institution ne peut être vraiment réformée si ses membres n’y consentent pas, à moins de faire table rase par la dictature ou la révolution », constatait déjà le général de Gaulle à propos du ministère de l’Éducation nationale. En vérité, aujourd’hui, ce constat s’étend bien au-delà de la Rue de Grenelle. Jusqu’au sein même de l’audiovisuel public, comme l’a montré la récente affaire France Inter. L’État profond, notamment par le biais de la justice administrative et constitutionnelle, décide du destin du pays au mépris de la souveraineté populaire. Le tournant a eu lieu en 1981 avec l’élection de François Mitterrand. À défaut de changer la vie, les socialistes se sont emparés de tous les postes clés de l’État faisant de la bureaucratie non élue l’épine dorsale de leur pouvoir. Quatre décennies plus tard, malgré la marginalisation du PS sur le plan électoral, les socialistes ont conservé leur emprise sur le pouvoir et sont toujours omniprésents à la tête des institutions majeures : du Conseil constitutionnel à la Cour des comptes, en passant par le ministère de l’Éducation nationale et les médias publics. Malgré les périodes d’alternance politique, la droite n’a jamais su ou voulu reconquérir ces institutions, se condamnant à l’impuissance. C’est ce qui explique le désintérêt des Français pour la valse ministérielle actuelle. Lassés que tout change pour que rien ne change, ils ont compris qu’un redressement du pays passerait non par un changement de premier ministre, mais par une reprise en main des commandes de l’administration pour la mettre enfin au service des citoyens.
par Sébastien Laye (Valeurs Actuelles) 13 septembre 2025
"L’attractivité d’un pays, du point de vue des investisseurs, dépend en partie de l’accueil qui y est fait à l’innovation et de la stabilité juridique. À l’heure actuelle, en cette matière, la France va à l’encontre de ses intérêts" https://www.valeursactuelles.com/clubvaleurs/economie/le-principe-de-precaution-est-un-obstacle-a-la-croissance-economique
par Philippe de Villiers 27 août 2025
Très belle interview de Philippe de Villiers dan Valeurs Actuelles : https://www.valeursactuelles.com/clubvaleurs/societe/philippe-de-villiers-il-faudra-au-sommet-de-letat-quelquun-pret-au-sacrifice
par Julien Lagarde 26 août 2025
Le débat énergétique français est trop souvent dominé par une approche idéologique, où l’écologie politique promeut massivement l’éolien et le solaire, en occultant leurs limites structurelles. Or, les données sont claires : selon RTE et l’ADEME, le solaire et l’éolien présentent des facteurs de charge faibles (15 % pour le photovoltaïque, 25 % pour l’éolien terrestre), nécessitent un renforcement massif des réseaux et des moyens de compensation, générant ainsi des surcoûts pouvant atteindre 40 à 75 €/MWh . À cela s’ajoute une dépendance stratégique à la Chine pour plus de 80 % de la production mondiale de panneaux solaires, produite à partir d’un mix électrique carboné. Ces réalités démontrent que ces filières ne peuvent constituer, seules, la colonne vertébrale de notre système énergétique. À l’inverse, le nucléaire français affiche des performances inégalées : 4 à 6 g de CO₂/kWh contre 14 g pour l’éolien et 25 à 44 g pour le solaire , une durée de vie deux à trois fois plus longue (60 ans contre 20-25 ans pour les renouvelables) et un coût de production maîtrisé autour de 53 €/MWh pour le parc existant, sans coûts système additionnels grâce à sa pilotabilité. Ces chiffres soulignent que le nucléaire constitue non seulement l’outil le plus écologique, mais aussi le plus économique et le plus souverain. En ce sens, la droite porte aujourd’hui une vision écologique fondée sur la rationalité et la responsabilité. Refusant l’utopie et la démagogie, elle s’appuie sur les données factuelles pour défendre une stratégie qui allie compétitivité économique, souveraineté énergétique et protection du climat. Là où certains cèdent à l’illusion d’une transition reposant exclusivement sur les renouvelables, la droite affirme que seule une combinaison équilibrée, centrée sur le nucléaire, peut réellement garantir l’avenir écologique et industriel de la France. Pour plus de détails, nous vous invitons à lire ci dessous un comparatif très détaillé couvrant les points de vue à la fois économique, écologique et social, réalisée par notre ami Julien Lagarde de manière objective et couvrant tous les aspects de ce débat fondamental pour l'avenir de notre stratégie énergétique. Le bureau de LD31 (Maxime Duclos) Énergies renouvelables et nucléaire en France : une analyse écologique, économique et sociale pour mieux comprendre les enjeux I. Introduction La question de l’articulation entre nucléaire et énergies renouvelables occupe une place centrale dans le débat public depuis l’accord conclu entre Europe Écologie-Les Verts (EELV) et le Parti Socialiste lors de l’élection présidentielle de 2012. Cet accord prévoyait le soutien des Verts à condition que la part du nucléaire dans la production électrique Française soit réduite à 50 %. Depuis, le sujet reste régulièrement évoqué, mais souvent de manière partisane, sans véritable analyse objective de l’apport respectif des différentes sources d’énergie. Il y a encore quelques années, défendre le nucléaire revenait à s’exposer à de vives critiques, voire à être perçu comme insensible aux enjeux écologiques. Toutefois, l’évolution récente du contexte énergétique, marquée par la forte hausse des prix de l’électricité (notamment du fait du mécanisme de l’ARENH) a contribué à faire émerger de nouvelles voix en faveur du nucléaire, désormais majoritaires dans l’opinion publique. Aujourd’hui, la transition énergétique Française soulève plus que jamais des débats structurants. Les partisans des énergies renouvelables et ceux du nucléaire s’affrontent sur leurs mérites respectifs. Dans un contexte de lutte contre le changement climatique et de recherche d’indépendance énergétique, il apparaît indispensable d’évaluer de manière factuelle les performances de l’éolien, du solaire et du nucléaire, tant sur le plan écologique qu’économique. II. Le paysage énergétique Français actuel : les données de RTE 2024 La France se distingue en Europe par un mix énergétique dominé par le nucléaire, qui représente encore près de 70 % de sa production électrique. Néanmoins, les énergies renouvelables connaissent une progression soutenue : selon le bilan électrique 2024 publié par RTE, l’éolien et le solaire ont produit 70 TWh en 2024, contre 46 TWh en 2019, soit une croissance de plus de 50 % en cinq ans. Cette dynamique s’inscrit pleinement dans les orientations stratégiques fixées par les pouvoirs publics. EDF prévoit une augmentation de plus de 70 % de la capacité installée en énergies renouvelables entre 2021 et 2030, pour atteindre 60 GW nets. La Programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) fixe, quant à elle, un double objectif à l’horizon 2030 : porter la part des énergies renouvelables à 33 % de la consommation finale brute et assurer que 58 % de la consommation finale d’énergie provienne de sources décarbonées, incluant le nucléaire. À l’échelle européenne, la tendance est tout aussi marquée. Fin 2024, les capacités installées en énergies renouvelables au sein de l’Union européenne atteignaient 338 GW, en hausse de 66 GW en un an, confirmant l’accélération du déploiement de ces technologies. III. Analyse écologique détaillée : des performances carbone exceptionnelles A. La supériorité du nucléaire Français en matière d'émissions Sur le plan des émissions de CO₂, le parc nucléaire Français affiche des performances inégalées à l’échelle mondiale. Selon une analyse du cycle de vie menée par EDF, chaque kilowattheure produit en France par le nucléaire n’émet en moyenne que 4 g de CO₂, faisant de cette technologie la plus décarbonée au monde. Cette excellence est corroborée par la Base Carbone de l’ADEME, qui chiffre les émissions à 6 g de CO₂/kWh pour le nucléaire. Ce niveau reste nettement inférieur à celui des principales filières renouvelables : environ 14 g de CO₂/kWh pour l’éolien terrestre, et entre 25 et 44 g de CO₂/kWh pour le solaire photovoltaïque selon l’origine de fabrication des panneaux. Cette différence s'explique par plusieurs facteurs : • Durée de vie exceptionnelle : 60 ans pour les centrales nucléaires contre 20-25 ans pour les éoliennes et les panneaux solaires • Densité énergétique : Une centrale nucléaire produit sur une superficie réduite l'équivalent de centaines de km² d'éoliennes • Matériaux nécessaires : Le nucléaire nécessite 40 fois moins de matériaux que l'éolien pour produire la même quantité d'électricité B. Les défis cachés des renouvelables Contrairement aux idées reçues, les énergies renouvelables présentent plusieurs défis environnementaux significatifs. 1. Pour l'éolien : • Impact sur la biodiversité : Mortalité aviaire et perturbation des corridors migratoires • Matières premières critiques : Besoin massif de terres rares et de cuivre • Recyclage complexe : Les pales d'éoliennes, composées de matériaux composites, sont difficilement recyclables 2. Pour le solaire : • Dépendance à la Chine : 80% des panneaux produits avec un mix électrique très carboné (charbon) • Matières toxiques : Utilisation de solvants et métaux lourds lors de la fabrication • Artificialisation des sols : Les centrales au sol consomment des surfaces agricoles considérables C. Temps de retour énergétique En moyenne, une éolienne compense les émissions générées lors de sa fabrication en seulement quelques mois d’exploitation, ce qui explique la solidité de son bilan carbone sur l’ensemble de son cycle de vie. IV. Analyse économique approfondie : la révolution des coûts A. L'effondrement des coûts des énergies renouvelables Sur le plan économique, la compétitivité des énergies renouvelables s’est fortement renforcée au cours de la dernière décennie. Selon une étude de l’ADEME publiée en décembre 2024, le coût actualisé de production (LCOE) de l’électricité éolienne terrestre s’élevait en 2022 à 59 €/MWh pour les nouvelles installations, contre plus de 80 €/MWh il y a dix ans. Cette évolution traduit une baisse structurelle et continue des coûts. L’ADEME estime ainsi que les parcs mis en service entre 2015 et 2020 affichent un coût de production en moyenne 18 % inférieur à celui de la période précédente. Le solaire photovoltaïque a connu une trajectoire encore plus spectaculaire. D’après le dernier rapport de l’Agence internationale pour les énergies renouvelables (IRENA), le coût actualisé moyen pondéré de l’électricité produite par les centrales solaires à grande échelle s’élevait en 2024 à 40 €/MWh (0,040 €/kWh), confirmant la place du solaire parmi les sources d’énergie les plus compétitives au niveau mondial. B. L'éolien offshore : une baisse spectaculaire L’éolien en mer illustre de manière exemplaire la baisse rapide des coûts de production. Lors des premiers appels d’offres attribués en France, les tarifs garantis avoisinaient 130 €/MWh. Depuis, les coûts ont fortement reculé : le dernier appel d’offres, portant sur le futur parc de Dunkerque, a abouti à un prix de 44 €/MWh pour une mise en service prévue autour de 2025. Cette diminution de plus de 65 % en l’espace de quelques années témoigne des avancées technologiques et des gains industriels majeurs réalisés par la filière. C. Le coût réel du renouvelable : au-delà du LCOE Si les coûts de production (LCOE) de l'éolien (59 €/MWh) et du solaire (40 €/MWh) paraissent attractifs, le coût réel pour le système électrique est bien supérieur une fois intégrés tous les coûts annexes : Coûts-système de l'intermittence : • Renforcement du réseau électrique : 15-25 €/MWh • Moyens de backup thermiques : 10-20 €/MWh • Stockage et équilibrage : 15-30 €/MWh • Total des surcoûts : 40-75 €/MWh Soutiens publics persistants : Le coût de soutien public à l'éolien représente encore 1€ par mois et par foyer Français selon la CRE. Ces subventions, payées par tous les consommateurs via la CSPE, masquent la réalité économique des renouvelables. D. L'avantage économique durable du nucléaire existant Le parc nucléaire Français, largement amorti, présente un coût de production imbattable : • Coût marginal : 30-40 €/MWh selon EDF • Coût complet incluant maintenance : 53 €/MWh • Aucun coût système additionnel grâce à la pilotabilité La compétitivité économique du parc nucléaire existant génère une rente significative, qui contribue à financer la transition énergétique tout en garantissant des prix de l’électricité attractifs pour les consommateurs Français. V. L'intermittence des renouvelables : un défi systémique majeur A. La pilotabilité, avantage décisif du nucléaire Un des atouts majeurs du nucléaire Français réside dans sa pilotabilité. Contrairement aux énergies renouvelables intermittentes, il assure une production constante et contribue au maintien de la stabilité du réseau électrique, un facteur essentiel pour l’équilibre permanent entre production et consommation. Le facteur de charge du parc nucléaire Français dépasse 70 %, contre environ 25 % pour l’éolien terrestre et 15 % pour le solaire photovoltaïque. En pratique, cela signifie qu’une centrale nucléaire de 1 000 MW produit chaque année trois à quatre fois plus d’électricité qu’un parc éolien de capacité équivalente. B. Les coûts cachés de l'intermittence qui changent la réalité L'intermittence de l'éolien et du solaire génère des coûts système significatifs rarement pris en compte dans les comparaisons de prix. Ces coûts incluent : • Le renforcement du réseau électrique : L'intégration massive d'énergies renouvelables nécessite des investissements considérables dans les infrastructures de transport et de distribution pour gérer la variabilité de la production • Les moyens de backup : Il faut maintenir des centrales thermiques ou hydrauliques en réserve pour compenser l'absence de vent ou de soleil • Le stockage d'énergie : Batteries, stations de pompage (STEP), ou hydrogène vert représentent des investissements colossaux • Les coûts d'équilibrage : La gestion en temps réel des fluctuations nécessite des systèmes sophistiqués et coûteux Ces coûts additionnels peuvent représenter 20 à 40 €/MWh supplémentaires selon les études, réduisant considérablement l'avantage économique apparent des énergies renouvelables. VI. L'acceptabilité sociale : les défis des énergies renouvelables A. Impact visuel et dégradation paysagère L’implantation des parcs éoliens soulève des questions d’acceptabilité, en raison des effets sur la qualité de vie des riverains. Les nuisances sonores et visuelles, y compris l’effet stroboscopique nocturne, ainsi que certaines atteintes à l’environnement, sont fréquemment évoquées. Les éoliennes modernes, atteignant jusqu’à 200 mètres de hauteur – soit plus que la tour Montparnasse – génèrent un impact visuel significatif sur plusieurs kilomètres. Cette dimension esthétique et patrimoniale fait l’objet d’un examen attentif de la part des riverains et des autorités Françaises, posant des questions légitimes sur la préservation des paysages ruraux et du patrimoine culturel. B. Dépréciation immobilière À cela s'ajoute la baisse de valeur des biens immobiliers situés à proximité des parcs éoliens. Cette dépréciation, documentée par plusieurs études notariales, peut atteindre 10 à 30% de la valeur initiale selon la distance aux éoliennes. C. Nuisances pour les populations rurales Les populations rurales subissent de manière disproportionnée les nuisances liées au développement éolien : • Nuisances sonores continues (45 à 50 dB la nuit) • Effet stroboscopique des pales en rotation • Détérioration des chemins ruraux par le transport de matériel lourd • Artificialisation de zones agricoles Le nucléaire, concentré sur quelques sites, évite cette dispersion des nuisances sur l'ensemble du territoire rural. VII. Les scénarios prospectifs de RTE : vers une complémentarité RTE, gestionnaire du réseau de transport électrique Français, a étudié plusieurs scénarios visant la neutralité carbone à l’horizon 2050. Pour atteindre cet objectif, il est essentiel de maximiser la production d’électricité décarbonée, en particulier d’ici 2030. Selon ces modélisations, un mix associant énergies renouvelables et nucléaire apparaît comme la solution la plus efficace pour réduire de 55 % les émissions de gaz à effet de serre de la France à cette échéance. Cette analyse officielle souligne l’urgence de définir dès maintenant des orientations stratégiques cohérentes et confirme que ces technologies doivent être considérées comme complémentaires plutôt que comme opposées. VIII. Impact macroéconomique et acceptabilité sociale Au-delà des coûts de production, il convient de considérer l'impact sur les ménages Français. On estime à 1€ par mois par foyer, le coût de l'énergie éolienne pour les Français et ce, en 2016. C'est le coût annuel du soutien à l'éolien pour un ménage consommant 2,5 MWh par an, selon la CRE. Ce coût de soutien public tend à diminuer avec la baisse des coûts de production. A. Défis technologiques et industriels 1. Pour les énergies renouvelables D'après les projections, ces montants pourraient aussi être divisés par deux d'ici 2050 pour les coûts de maintenance de l'éolien, illustrant les perspectives d'amélioration continue. L'enjeu principal reste le développement d'une industrie européenne compétitive face à la concurrence asiatique, particulièrement pour le solaire. 2. Pour le nucléaire Le défi du nucléaire Français réside dans la capacité à maintenir l'excellence technique tout en maîtrisant les coûts des nouvelles générations de réacteurs. Les projets de petits réacteurs modulaires (SMR) et l'optimisation des processus de construction constituent les principales pistes d'amélioration. B. Vers une stratégie énergétique intégrée L'analyse des données récentes montre que l'opposition frontale entre nucléaire et énergies renouvelables apparaît de plus en plus dépassée. Au global, l'énergie éolienne terrestre est la filière renouvelable la plus compétitive économiquement, tandis que le nucléaire existant reste un atout précieux pour la stabilité du réseau et la décarbonation. La stratégie Française semble s'orienter vers un mix diversifié exploitant les avantages de chaque technologie : la stabilité et la puissance du nucléaire pour la base de production, complétées par le développement massif des énergies renouvelables pour répondre à la croissance de la demande électrique et au remplacement progressif des énergies fossiles. IX. Conclusion : le nucléaire, pilier indispensable de la transition énergétique Française L’analyse des données 2024 confirme que le nucléaire français conserve des atouts déterminants face aux énergies renouvelables. Avec des émissions limitées à 4 à 6 g de CO₂ par kWh, il affiche les meilleures performances carbone au monde, surpassant l’éolien terrestre (14 g CO₂/kWh) et le solaire photovoltaïque (25 à 44 g CO₂/kWh). Les atouts du nucléaire sont multiples : • Pilotabilité totale : Production stable 24h/24, 365 jours par an • Facteur de charge supérieur : 70% contre 25% pour l'éolien et 15% pour le solaire • Emprise territoriale minimale : Une centrale remplace des centaines de km² d'éoliennes • Durée de vie exceptionnelle : 60 ans contre 20-25 ans pour les installations renouvelables • Acceptabilité sociale : Concentration sur quelques sites évitant la dispersion des nuisances Les défis persistants des renouvelables : • Intermittence : Coûts système de 20 à 40 €/MWh supplémentaires • Impact paysager : Dégradation des paysages ruraux et dépréciation immobilière • Dépendance technologique : 80% du solaire produit en Chine avec un mix carboné • Matières critiques : Besoin massif de terres rares et métaux stratégiques Si les énergies renouvelables peuvent jouer un rôle complémentaire, le nucléaire demeure le pilier central d’une stratégie énergétique efficace pour la France. Il convient de prioriser le renouvellement et l’extension du parc nucléaire, qui constitue un atout concurrentiel unique face aux défis climatiques. Maintenir une prédominance nucléaire, tout en développant de manière ciblée les renouvelables là où elles apportent une réelle valeur ajoutée, apparaît comme la stratégie la plus rationnelle pour concilier les impératifs climatiques, économiques et d’acceptabilité sociale. La France dispose avec son parc nucléaire d’un avantage industriel et environnemental considérable, qu’il serait contre‑productif de compromettre au profit d’une vision exclusivement renouvelable, déconnectée des réalités techniques et économiques du système électrique. Sources principales : • RTE (Réseau de Transport d'Électricité) - Bilans électriques 2023 et 2024 • ADEME (Agence de la Transition Écologique) - Base Carbone et études de coûts 2024 • EDF - Analyse du cycle de vie du kWh nucléaire • EDF - "Produire une énergie respectueuse du climat" (2025) - Objectifs 60 GW renouvelables 2030 • IRENA (Agence Internationale pour les Énergies Renouvelables) - Rapport mondial des coûts 2024 • Commission de Régulation de l'Énergie (CRE) - Rapports sur les coûts des énergies renouvelables • Ministère de la Transition Écologique - Chiffres clés des énergies renouvelables 2024
par Jean-Louis Thiériot, député LR de Seine-et-Marne 25 août 2025
Après les décisions du Conseil constitutionnel, dénoncer la «politisation» des juges constitutionnels ne suffit plus, estime le député LR Jean-Louis Thiériot, dans une tribune dans FigaroVox avec 2 propositions concrètes : 1/ redéfinir de façon plus stricte et plus précise les notions de bloc de constitutionnalité 2/ l’instauration, en cas de censure d’une procédure de passer outre, votée par les deux Chambres réunies dans la forme du Congrès https://www.lefigaro.fr/vox/politique/loi-duplomb-retention-des-etrangers-dangereux-reformons-le-controle-de-constitutionnalite-pour-revenir-a-l-esprit-de-la-ve-republique-20250813 Les récentes décisions du Conseil constitutionnel, notamment celle censurant l’allongement de la durée de rétention administrative de 90 à 210 jours pour les étrangers « condamnés pour des faits d’une particulière gravité et présentant de forts risques de récidive », ont semé un grave trouble dans l’opinion, surtout lorsque l’on sait les difficultés à obtenir des laissez-passer consulaires et le rôle de l’inexécution des OQTF dans certains faits divers tragiques, comme le meurtre sordide de la jeune Philippine. L’objet de ce propos n’est pas de débattre de la décision, sur laquelle il y aurait pourtant beaucoup à dire. À droit constant, elle s’impose à tous. Il s’agit de s’interroger sur le champ du contrôle de constitutionnalité qui est devenu un objet politique à part entière, car il relève du pouvoir constituant, c’est-à-dire du peuple souverain. Avant de faire un peu d’histoire pour comprendre comment on en est arrivé là et de proposer les pistes de réforme qui s’imposent, un préalable doit être posé pour éviter tout malentendu. Débattre de la nature du contrôle de constitutionnalité, discuter une décision de justice, fût-elle du Conseil constitutionnel, n’est ni remettre en cause les juges constitutionnels ni contester l’État de droit. C’est le travail habituel du juriste. C’est celui des professeurs de droit, qui, à longueur d’articles, dans les revues de doctrine, critiquent les jurisprudences, les décortiquent et en suggèrent des évolutions. C’est celui des avocats, qui, dans les cours et les tribunaux, s’efforcent d’obtenir des revirements de jurisprudence. Le droit est une matière vivante et évolutive. Par nature, il s’affûte par l’interprétation, constamment enrichie de la norme. Dès lors, ce débat est totalement légitime. Les arrière-pensées politiques ne font aucun doute Dans l’esprit des constituants de la Ve République, adoptée par référendum en 1958, l’article 61, qui instituait le Conseil constitutionnel, avait une fonction claire. En vertu de la distinction, classique en droit, des textes à valeur normative et des textes à valeur programmatique, seul le texte même de la Constitution pouvait fonder une décision. Le préambule de 1946 en était exclu. Le contrôle constitutionnel avait pour mission de vérifier, dans le cadre du parlementarisme rationalisé que les procédures et les prérogatives respectives du gouvernement et du Parlement étaient respectées. C’est ainsi qu’a fonctionné le Conseil constitutionnel jusqu’en 1971. Tout change alors quand, par la décision dite « liberté d’association », le Conseil constitutionnel censure la possibilité de contrôler a priori les associations « loi de 1901 », au nom des « principes fondamentaux reconnus par les lois de la République et solennellement réaffirmés par le préambule de la Constitution ». Ces principes n’ont été définis et listés par aucun texte constituant. C’est une pure création prétorienne – que le Conseil d’État avait faite en son temps. C’est la première pierre du « bloc de constitutionnalité ». Les arrière-pensées politiques ne font aucun doute. Alors que le rapporteur, le Pr François Goguel, avait conclu à la conformité de la loi, le président du conseil, Gaston Palewski, alors en délicatesse avec Georges Pompidou, avait arraché la décision. Il avait dit au président du Sénat, Alain Poher : « Il faut faire prendre conscience à Pompidou qu’il n’est pas de Gaulle, lui donner une leçon, le rappeler à l’ordre. » À l’époque, certains s’en étaient émus. Jean Foyer, ancien garde des Sceaux du général de Gaulle, gardien vigilant de l’héritage avait parlé de « coup d’État juridique » et avait incité, en vain, le président Pompidou à y mettre bon ordre. Ce ne sont pas les règles européennes qui ont fondé la censure de la durée de rétention en CRA Depuis lors, le bloc de constitutionnalité a connu une extension indéfinie de son contenu. Il intègre aujourd’hui le préambule de 1946, la Déclaration des droits de l’homme de 1789, la charte de l’environnement, les principes fondamentaux reconnus par les lois de la République et les objectifs de valeur constitutionnelle. Concrètement, c’est devenu un inventaire à la Prévert, largement jurisprudentiel, jamais clairement défini, qui va de l’indépendance des professeurs d’université à l’existence d’une justice des mineurs en passant par un principe de fraternité assez gazeux, qui a permis, en 2018, de censurer une loi créant un délit d’aide aux migrants en situation irrégulière… Il est à noter que ces créations jurisprudentielles sont purement nationales. On lit souvent que la place de la législation européenne dans la hiérarchie des normes paralyserait l’action publique. C’est parfois vrai, mais c’est souvent un prétexte. Ce ne sont pas les règles européennes qui ont fondé la censure de la durée de rétention en CRA. Certains pays vont jusqu’à 18 mois et, comme nous, ils appartiennent à l’UE et sont signataires de la CEDH. Alors que faire ? Plutôt que de « sauter comme des cabris » en dénonçant la « politisation » des juges constitutionnels qui ne font qu’appliquer un droit qu’on a laissé se développer de manière anarchique, changeons le droit. L’État de droit, c’est l’état du droit. Sinon pourquoi voter des lois qui en abrogent d’autres ? Ces réformes supposent évidemment d’en référer au peuple souverain Pour éviter la paralysie de l’action publique, dans des matières plébiscitées par le pays, on n’échappera pas à une réforme du contrôle de constitutionnalité. Le sujet est trop sérieux et trop sensible pour en esquisser les grands traits en quelques lignes. Retenons simplement qu’elle peut prendre deux formes, celle d’une délimitation plus stricte et plus précise du bloc de constitutionnalité ou celle de l’instauration, en cas de censure d’une procédure de passer outre, votée par les deux Chambres réunies dans la forme du Congrès. Les deux hypothèses ne s’excluent d’ailleurs pas l’une l’autre. Pour être mises en œuvre, ces réformes supposent évidemment d’en référer au peuple souverain, soit par la procédure classique de révision constitutionnelle du congrès, soit par voie référendaire. Ces évolutions sont nécessaires et légitimes, car l’impuissance du politique suscite frustration et incompréhension. C’est la semence de toutes les démagogies et de tous les populismes. Pour que les Français retrouvent confiance en leurs institutions, ce débat devra être au cœur de la campagne de l’élection présidentielle de 2027. Tant qu’il en est encore temps, notre devoir est de retrouver l’esprit de la Ve République, de réparer la table avant que certains ne soient tentés de la renverser.
par Une interview de François Lenglet par Ronan Planchon dans FigaroVox 5 août 2025
https://www.lefigaro.fr/vox/monde/francois-lenglet-la-commission-europeenne-court-comme-un-canard-sans-tete-desorientee-par-la-disparition-du-monde-d-hier-20250803 ENTRETIEN - Après l’accord signé avec les États-Unis de Donald Trump le 27 juillet en Écosse, l’Europe entame son «siècle de l’humiliation», estime le journaliste économique et essayiste. François Lenglet est éditorialiste économique à TF1-LCI et RTL. Son prochain livre : Qui sera le prochain maître du monde ?, Éditions Plon, octobre 2025. LE FIGARO. - Dans le cadre de son accord avec Trump , l’Union européenne accepte de voir la quasi-totalité de ses exportations de biens vers les États-Unis frappées de droits de douane à hauteur de 15 % et n’obtient ni ne sanctionne rien en retour. Une autre issue était-elle possible ? Passer la publicité François LENGLET. - Non, cet accord est tout sauf surprenant. Il matérialise le rapport de force entre l’Amérique de Trump et l’Europe : tout pour moi, le reste pour toi. C’est la conséquence du rôle nouveau qu’occupent les États-Unis dans les affaires du monde, la « superpuissance voyou », pour reprendre les termes de l’universitaire américain Michael Beckley. C’est-à-dire la puissance numéro un sans autre ambition que de se renforcer au détriment des autres, à commencer par les alliés de naguère - ce sont eux qui offrent le meilleur rendement dans le chantage, parce qu’ils sont faibles. Le plus frappant dans cette affaire, c’est que l’Union européenne est contente. Humiliée et satisfaite. Alors même qu’en plus des tarifs, Bruxelles piétine ses propres politiques, pour satisfaire Trump. Elle accepte ainsi d’investir 600 milliards en Amérique, alors que l’exode de l’investissement est justement le principal problème pointé par le rapport Draghi… Elle s’engage à acheter des armes américaines, alors qu’elle exhorte les pays membres à renforcer leur base industrielle de défense… Elle s’engage à acheter des tombereaux de gaz américains alors qu’elle œuvre pour le zéro carbone ! Quant à la prétendue « prévisibilité » offerte par l’accord aux exportateurs, c’est une vaste blague. Un condamné à dix ans de prison peut évidemment se féliciter de la prévisibilité de son cadre de vie pour la prochaine décennie. Londres a obtenu de la Maison-Blanche le taux de tarifs douaniers les plus bas possible à ce jour (10 %). Cette « victoire » participe-t-elle à la décrédibilisation de l’Union européenne ? Le commerce américain avec le Royaume-Uni n’est pas déficitaire, cela peut expliquer le traitement plus favorable qu’a obtenu Londres. Dans la hiérarchie des royaumes tributaires de l’empire américain, nous occupons un rang intermédiaire, entre le Royaume-Uni, qui s’en sort mieux, et le Japon, duquel Trump a obtenu le versement de plusieurs centaines de milliards directement au Trésor américain. Et tous ceux qui sont menacés aujourd’hui de 30 % ou 40 % s’ils ne concluent pas d’accord cette semaine. Si l’Union européenne n’était pas en position de force, est-ce parce qu’elle ne maîtrise aucune de ses positions stratégiques à l’échelle de l’économie globale ? Oui, sans aucun doute. Il faut se souvenir que l’Union européenne n’a pas été conçue pour peser dans le jeu mondial. La raison d’être fondamentale de la Commission de Bruxelles, c’est de surveiller les États membres pour qu’ils se soumettent aux règles du marché unique et de la concurrence. Bruxelles a été dressé pour éradiquer les frontières et le nationalisme économique à l’intérieur de l’Union. L’édification de ce marché unique a d’ailleurs été une propédeutique utile pour apprivoiser la mondialisation, surtout pour la France et sa bureaucratie. Mais les temps sont bouleversés. La mondialisation change de nature et de périmètre, elle se fragmente, à cause du recentrage de la puissance principale sur ses intérêts exclusifs au détriment d’un ordre mondial. Il ne peut y avoir de mondialisation sans maître du monde assumé. La Commission devrait donc s’appuyer sur les frontières et pratiquer une sorte de nationalisme européen, si cette expression n’était pas un oxymore, pour défendre les États membres dans la grande confrontation entre les empires. Elle en est incapable car il faudrait pour cela qu’elle renie les traités. Elle court donc comme un canard sans tête, désorientée par la disparition du monde d’hier. Bruxelles a passé des semaines à élaborer des contre-mesures punitives pour les États-Unis en expliquant que nous n’allions pas les utiliser… Les fonctionnaires ont inventé la version commerciale du pistolet à bouchon. François Lenglet L’Europe-puissance est une chimère, entretenue par les fédéralistes qui voudraient encore sauver leur rêve. C’est le dernier stade du déni, avant l’acceptation de la réalité : l’Europe entame son « siècle de l’humiliation », comme la Chine de 1842, après la guerre de l’opium. Trump, exactement comme les Britanniques de l’époque, force l’ouverture de nos ports. Avec ces accords, l’Europe signe donc son traité de Nankin, qui avait asservi l’empire du Milieu aux intérêts commerciaux britanniques. Mais à la décharge de Bruxelles, le problème est plus grave que celui de la seule Commission. Ce sont les citoyens eux-mêmes qui rechignent à la puissance et aux sacrifices qu’elle exigerait d’eux. « Nous n’avons pas été craints », aurait dit Emmanuel Macron juste après cet accord-capitulation. C’est ce qu’on appelle une litote… Le problème pour être craint, c’est bien sûr d’avoir des moyens de rétorsion, mais c’est surtout de vouloir les utiliser. Bruxelles a passé des semaines à élaborer des contre-mesures punitives pour les États-Unis en expliquant que nous n’allions pas les utiliser… Les fonctionnaires ont inventé la version commerciale du pistolet à bouchon. Pire, les officiels français expliquaient à la veille de l’accord qu’il n’y aurait pas de rétorsions tarifaires, car les économistes avaient calculé qu’elles seraient préjudiciables à nos consommateurs ! Pour Trump, ces tarifs visent-ils surtout à relocaliser la production aux États-Unis ? Oui, il veut siphonner la croissance mondiale. Il récuse la position de « consommateur en dernier ressort », qui avait toujours été celle du maître du monde, les États-Unis au XXe siècle, le Royaume-Uni au XIXe. Il vise au contraire la réindustrialisation de son pays. C’est pour cela qu’il veut des tarifs et un dollar faible, afin d’inciter les industriels du monde entier à s’installer aux États-Unis. Il ne s’arrêtera pas là. Ces tarifs vont servir à la coercition des partenaires, afin qu’ils réévaluent leurs devises ou financent gratuitement la dette américaine, avec les fameuses obligations à coupon zéro prônées par l’un des inspirateurs de Trump, Stephen Miran. L’autre objectif est bien sûr budgétaire. Les taxes douanières vont remplir les coffres de Washington. Rien que l’accord avec l’Europe pourrait lui fournir une centaine de milliards de ressources annuelles supplémentaires. Il s’agit de financer le « Big and Beautiful Budget », les baisses d’impôts votées par le Congrès le mois dernier. Dans les deux cas, c’est la stratégie de la prédation : l’Amérique pompe les investissements pour arroser son sol, et les ressources financières des autres pour les redistribuer à ses entreprises sous forme de baisse d’impôt. Ne surestime-t-on pas la victoire de Trump ? Les engagements d’achats et d’investissements européens n’ont d’autre valeur que politique… C’est vrai que les chiffres sont tellement fous qu’ils ne sont pas crédibles. Ursula von der Leyen s’est engagée à 250 milliards d’achats de gaz liquéfié par an, alors que nous sommes, pour l’Europe entière, en dessous de 100 milliards aujourd’hui… Mais cela crée quand même une pression pour les années qui viennent, et c’est sans doute ce que cherchaient les négociateurs américains. Aussi déraisonnables qu’ils soient, ces montants ont été semble-t-il validés par l’Europe. Et, au-delà des considérations sur les montants, une leçon doit être retenue : l’accès aux marchés internationaux a un prix, car il a une valeur. Et ce prix est à la hausse, depuis l’élection de Trump. L’Europe ferait donc bien de réfléchir au prix de l’accès à son propre marché, l’un des plus grands du monde, et à la façon de négocier les prochains accords commerciaux. À quoi peut-on s’attendre, concrètement, sur le plan commercial ? Toute la question est de savoir qui va payer les tarifs. En bonne logique, c’est le consommateur américain, qui verra augmenter le prix des biens importés. Non pas de 15 %, car dans le prix final, les coûts de distribution comptent pour jusqu’à un tiers. En réalité, chacun des intervenants dans le circuit commercial, exportateur, transporteur, importateur, distributeur et consommateur va être mis sous pression pour réduire ses marges ou payer un peu plus. La répartition de ces efforts sera variable en fonction du rapport de force sur le marché, très différent selon les secteurs. Tout cela devrait contracter les flux commerciaux à destination de l’Amérique. Avec des conséquences sur la croissance, moins fortes en France qu’en Allemagne et en Italie, plus exportatrices, comme on le constate déjà sur les chiffres du deuxième trimestre 2025. Le commerce retourne à sa place, asservi à des objectifs politiques. De ce point de vue, Trump nous donne une leçon douloureuse, mais fort utile. François Lenglet Quels seront les secteurs les plus touchés ? Les entreprises de luxe peuvent supporter à la fois une augmentation de prix et une contraction de leurs marges, qui sont importantes. En revanche, pour les produits laitiers et fromage, c’est l’un de nos postes d’exportation importants, le consommateur sera moins enclin à payer. Ce seront les exportateurs qui vont devoir encaisser la moins-value, s’ils ne veulent pas perdre des parts de marché. Idem pour la cosmétique, également l’une de nos forces à l’export. Le haut de gamme s’en sortira, grâce à la puissance des marques et à l’image du « made in France », mais les produits grand public, plus sensibles au prix, devraient souffrir. L’automobile n’est concernée qu’indirectement, car nous n’exportons pas de voitures françaises outre-Atlantique. Les équipementiers français, sous-traitants des constructeurs européens, pourraient toutefois subir les conséquences de la pression sur les exportateurs allemands. Dans tous ces domaines, les industriels vont tenter de produire davantage aux États-Unis, pour échapper aux taxes. Il peut donc y avoir une nouvelle vague de délocalisations. Restent enfin des industries dans l’incertitude, car leur régime douanier n’a pas encore été défini, comme la pharmacie. Peut-on s’attendre désormais à une marginalisation de la Commission européenne ? Von der Leyen va-t-elle devenir l’amie que les États membres n’assument plus ? Les questions commerciales divisent l’Europe depuis toujours, à la fois entre États membres, qui n’ont pas les mêmes intérêts, et d’un secteur à l’autre au sein d’un même pays. Cette fois-ci, pourtant, le continent n’est pas vraiment divisé, il se partage entre les perdants résignés et les perdants soulagés. Soulagés parce qu’ils redoutaient pire - c’est la force de Trump que d’avoir attendri la viande pendant les négociations, en menaçant de taxes encore plus punitives. Au-delà des jérémiades, il n’y a donc pas de réelle volonté de remettre en cause l’accord avalisé par la présidente de la Commission. De plus, plusieurs partenaires commerciaux des États-Unis ont déjà avalé leur pilule, le Japon, la Corée du Sud, et tous ceux qui attendent dans le couloir de la Maison-Blanche… Il n’y a plus guère que la Chine qui tienne tête à l’Amérique. Il faut espérer que cette affaire aura au moins eu pour effet de révéler à l’Europe, à ses citoyens et ses dirigeants, l’ampleur des changements en cours dans les relations internationales. Dans la confrontation qui s’intensifie, tout est stratégique, y compris les questions commerciales. Tout a un prix. Tout est levier pour obtenir de l’influence ou des ressources. Cela exige de nous une révolution, dans l’idéologie et dans l’action, après quarante ans où le libre-échange était considéré comme l’état naturel des rapports internationaux, indépendant des questions politiques et profitables à tous. Le commerce retourne à sa place, asservi à des objectifs politiques. De ce point de vue, Trump nous donne une leçon douloureuse, mais fort utile. Pour reprendre un aphorisme de l’économiste Marc de Scitivaux, dans la longue histoire du coup de pied au derrière, ce n’est pas toujours le pied le plus coupable.
par Henri Guaino 4 août 2025
"Lettre ouverte à Jean-Luc Mélenchon à propos de la langue française et de quelques autres sujets" Une tribune d'Henri Guaino parue dans Le Figaro le 28 juillet 2025 : https://www.notrefrance.fr/index.php/medias/