Irresponsabilité pénale ou irresponsabilité ministérielle ?

  • par Natacha Gray
  • 20 juin, 2019

Nicole Belloubet, Garde des Sceaux, vient de faire part de son intention de fixer le seuil de l’irresponsabilité pénale à treize ans, déclenchant quelques prises de position favorables, notamment de membres du Syndicat de la Magistrature dont on connaît les engagements très à gauche, mais avant tout un torrent de protestations, surtout à droite. 

Qu’en est-il exactement ? L’article ci-dessous fait le point longuement sur l’état très inquiétant de la délinquance des mineurs qui justifiait, jusqu’à présent, un certain consensus sur la nécessité de faire évoluer l’ordonnance de 1945, jugée inadaptée à la situation actuelle, dans le sens d’un durcissement. A contre-courant de la tendance générale, le projet Belloubet se dirige a contrario vers l’irresponsabilité pénale des mineurs de moins de treize ans, dont la part dans la délinquance des jeunes est pourtant en progression inquiétante. Même si dans les faits cette mesure ne va pas changer grand-chose à la situation, un enfant n’allant jamais en prison et les peines prononcées, quand il y en a, étant strictement éducatives, c’est pour beaucoup, sur le plan symbolique, un très mauvais signal, celui d’une impunité renforcée et d’une totale invisibilité de l’acte délictueux, que l’on donne d’une part à de jeunes délinquants souvent récidivistes qui défient déjà en permanence, conscients de ne pas craindre grand-chose, l’autorité parentale, policière, judiciaire, professorale, d’autre part aux réseaux crapuleux qui utilisent déjà de plus en plus fréquemment ces « intouchables » en raison, précisément, de leur impunité.

Pourquoi cet article sur Lignes Droites ? D’une part parce que la droite peut, au moins sur ce sujet précis, se rattraper de la négligence dans laquelle, dans un contexte national entièrement monopolisé par la crise des Gilets Jaunes, elle a laissé adopter en décembre dernier une réforme judiciaire de grande ampleur, votée dans l’indifférence générale, à l’exception des principaux intéressés (collectifs d’avocats, de magistrats, de greffiers dénonçant, entre autres, une Justice déshumanisée, privatisée et ubérisée). Mais au-delà des arguments apportés au moulin de ceux qui se dressent contre le projet Belloubet, il s’agit de pointer en quoi l’évolution envisagée est l’archétype d’une certaine gauche et, en tous cas, le modèle de tout ce que n’est pas, ne doit pas être, la droite. A l’heure où celle-ci, du moins ceux qui dans ses rangs n’ont pas rejoint la majorité présidentielle, cherche aujourd’hui, dans la débâcle électorale, à se définir quelque part entre la République en marche et le Rassemblement national, il est sans doute possible de trouver, au travers de cet exemple éloquent, matière à tracer les contours de ce que la « vraie » droite n’est pas et ne devra jamais être, que ce soit en termes de méthodes, d’idées ou de valeurs. Et de se souvenir, ce faisant, de ses fondamentaux indissociables : liberté, responsabilité, pragmatisme.

Le lecteur qui souhaite trouver matière à comprendre et à se faire un avis sur la question pénale pourra s’informer en parcourant les premiers chapitres (1. Le constat ; 2. Une délinquance aux causes multiples ; 3. … dopée par le sentiment d’impunité ; 4. Un projet irresponsable et à contre-courant).

Celui qui s’intéresse avant tout aux enseignements à tirer pour la droite en reconstruction peut directement se référer au dernier chapitre : 5. De quoi Nicole Belloubet est-elle le nom ?

 

1.   Le constat : la délinquance des mineurs, un fléau en constante augmentation

La délinquance des mineurs, et plus généralement de ceux que les médias appellent pudiquement les « jeunes », même lorsqu’ils n’ont plus l’excuse de minorité, est un fléau en inquiétante augmentation. Ils sont même les principaux responsables des dégradations, agressions, violences et du climat de terreur qui règnent sur certains quartiers de jour et de nuit. Les statistiques (Chancellerie et Infostats Justice) et témoignages de terrain sont sans appel, même si elles sont considérablement minorées par rapport à la réalité: les chiffres officiels ne prennent en effet en compte que les affaires élucidées dont les auteurs ont été identifiés, ce qui ne se prête guère à la délinquance de rue (bandes mobiles, pas toujours identifiables ou refus d’identification de la part de victimes terrorisées par les menaces de représailles…). Encore faut-il qu’une plainte ait été déposée, ce qui exclut, comme d’ailleurs pour les faits de sexisme, d’homophobie, d’antisémitisme, la majorité des délits de petite, voire de grande, délinquance par peur d’une réaction de l’agresseur, certitude d’une démarche que l’on sait d’avance inutile car on ne retrouvera pas les coupables ou parce que l’on sait qu’ils resteront impunis.

Si l’on ne s’attache qu’aux mineurs parmi ces délinquants, le premier constat est qu’ils sont de plus en plus nombreux à commettre des délits, et de plus en plus violents, y compris entre eux. Ils se sont également féminisés. Et ils sont de plus en plus actifs : les faits qui leur sont reprochés ont bondi de plus de 50% en vingt ans, avec une nette accélération ces cinq dernières années. Leurs exactions sont aussi de plus en plus graves : aux « bêtises » traditionnelles (qui ont parfois, surtout en matière d’incendie, des conséquences mortelles!) comme les tags sur les murs, feux de poubelle, vandalisme sur le mobilier urbain, les incendies de voitures, les vols à l’arrachée, le trafic de stupéfiant, se sont ajoutés ce que la Chancellerie nomme des « faits particulièrement graves » et qui, selon les statistiques (sources de 2015) ont bondi de 58% en dix ans : dégradations à grande échelle (destruction de stades, mise à sac d’écoles), cambriolages non opportunistes –i.e programmés-, vols avec armes, généralement un couteau même si les armes à feu circulent aussi dans les zones de non-droit, augmentation significative des violences physiques non crapuleuses (en clair , les coups et blessures dits « gratuits »), les agressions sexuelles qui concernaient déjà, il y a quatre ans, 21% des mineurs interpellés pour des délits , et même des crimes (vengeances et assassinats entre adolescents pour un regard, une rivalité amoureuse, une dispute, une volonté d’appropriation d’un bien…). En 2019, 57% des infractions commises par les mineurs sont des atteintes violentes aux personnes !

Ils sont aussi de plus en plus jeunes : dans ce contexte d’explosion de la délinquance des mineurs, celle qui touche les moins de 13 ans augmente plus rapidement que dans les autres tranches d’âge. Si l’on cherche par exemple sur Internet la liste des écoles incendiées ou vandalisées, on tombe sur des listes interminables à la lecture desquelles on apprend que les auteurs, une fois identifiés, se révèlent être souvent des jeunes de 9 à 13 ans. C’est pourquoi de nombreux maires ont été contraints de mettre en place des couvre-feux pour les mineurs (comme celui de Marmande en octobre dernier), le dernier en date étant celui de Mazingarbe (juin 2019), près de Lens, explicitement destiné à empêcher les enfants de moins de 13 ans de traîner dans les rues entre 23h et 6 h du matin et mettre fin au climat de terreur dénoncé par les habitants (violences physiques, vols, feux de poubelles, mobilier urbain dégradé, représailles en cas de résistance…). Ajoutons que les très jeunes, en raison de leur impunité pénale, sont notamment utilisés par les dealers ou des réseaux pour le trafic de stupéfiant ou les vols.

 

2.   Une délinquance aux causes multiples

Il n’est pas question ici de s’enfoncer dans le maquis des causes de cette augmentation exponentielle de la délinquance des jeunes, et notamment des très jeunes, qui s’inscrivent d’ailleurs d’une part dans un constat d’ensauvagement de la société française, d’hystérisation des rapports entre individus dont ces enfants et adolescents violents ne sont, finalement, que le reflet, d’autre part dans la multiplication des zones de non-droit, « territoires perdus de la République » où enfants et pré-adolescents sont largement utilisés par des réseaux crapuleux.

 Emissions violentes, jeux-vidéos, réseaux sociaux, sexualité dépersonnalisée et ostentatoire, tout concourt à banaliser la violence voire l’éradication de celui qui gêne. L’enfant n’est plus un enfant : grâce aux films, aux jeux, à Internet, il connaît ses droits, qui sont immenses par rapport à ses devoirs, la loi, le moyen de la contourner, il sait et voit la violence du monde, à commencer celle d’autres enfants-soldats médiatisés que certains prennent comme modèles, il n’ignore rien de ce que l’on appelait « la vie », notamment en termes de sexualité, d’image stéréotypée de la virilité ou de la femme, et il tente à son tour de s’y conformer.

Les flux de migrants que la République n’intègre ni n’assimile plus, faute de moyens d’un côté, d’une réelle volonté d’assimilation pour certains de l’autre, ont ajouté un nouveau paramètre, surtout lorsqu’il s’inscrit, comme dans les autres cas, dans un phénomène de bande et d’affirmation de soi face au groupe.

Ces jeunes, notamment dans les quartiers dits difficiles, s’ils ne tombent pas d’eux-mêmes dans la délinquance, par imitation, envie d’appropriation, problème psychologique, sont de plus en plus sollicités par les grands frères et des bandes organisées, voire par de véritables réseaux crapuleux dont certains donnent leurs ordres depuis l’étranger car l’enfant de moins de 13 ans ne peut être poursuivi pénalement, ni être mis en garde à vue. Un article récent du Figaro témoignait du phénomène des « mineurs marocains » (dont très peu sont marocains, environ 1 sur 6, et encore moins sont réellement mineurs), qui agissent en bande au cœur de certaines grandes villes qu’ils écument (vols avec violence, agressions au couteau), ne parlant que peu le français mais parfaitement au courant de leurs droits et de leur impunité « en tant que mineurs », qu’ils récitent comme une fiche apprise par cœur, probablement briefés à l’avance par les personnes qui les manipulent et les utilisent au sein de ces filières organisées. Le même phénomène est connu depuis longtemps avec les enfants liés à des réseaux de Roms d’Europe de l’Est qui les envoient sur des vols à l’étalage, à l’arrachée, à la roulotte.

Il faut également prendre en compte l’islamisme radical qui, dans certains quartiers, en liant habilement les trafics illégaux et la question identitaire, justifie les agressions contre des mécréants et dresse des jeunes esprits manipulables contre la société française, et, au-delà, sa législation et ceux qui sont chargés de faire respecter les règles.

Dans les mêmes quartiers mais également dans des zones plus huppées, sont également à considérer l’effondrement des valeurs et le désengagement de parents dépassés ou négligents qui se reposent sur l’Ecole qui n’instruit plus mais est censée « éduquer » leurs gosses et pallier les carences parentales. Sauf que cette mission-là, l’’Ecole-nounou n’est plus en mesure de l’exercer correctement non plus.

Car à l’amont de la délinquance juvénile, on trouve évidemment l’échec de l’Education Nationale où les enseignants, dépouillés de toute autorité, voire discrédités et moqués, souvent méprisés et calomniés, longtemps soumis aux théories pédagogistes qui avaient envahi cabinets ministériels et Rectorats et qui dissimulent l’impuissance sous le beau nom de « bienveillance » (ne pas punir, ne pas contrarier, ne pas ennuyer l’élève, l’amuser, ne pas lui demander d’effort et surtout lui éviter toute frustration), n’ont plus les moyens d’instruire et encore moins d’éduquer des enfants-roi à qui l’on a donné tous les droits sans jamais exiger d’eux aucun devoir.

Le sentiment d’impunité s’acquiert tôt, de la famille démissionnaire ou contaminée par la bienveillance et l’égalitarisme (l’enfant est l’égal de l’adulte) à l’Ecole désarmée où, à l’inverse de leurs usagers, les enseignants sont désormais systématiquement soumis, par les parents et leur administration obnubilée par le « pas de vagues », à la « présomption de culpabilité ». Et c’est bien là que réside, dans leur impunité, et le fait qu’ils en ont parfaitement conscience, le principal problème qui empêche de regarder en face la question de la délinquance des mineurs.

 

3.   Une délinquance dopée par le sentiment d’impunité.

A dire vrai cette impunité, plus qu’un sentiment, est une réalité juridique dont les conséquences sont désastreuses.

La majorité pénale est fixée à 18 ans, âge à partir duquel les prévenus sont jugés selon des procédures de droit commun. Pour les mineurs, depuis l’ordonnance de 1945, les infractions, voire crimes et délits, sont jugés selon une procédure spécifique par des juges et tribunaux pour enfants. Cette Justice des mineurs privilégie les réponses éducatives à l’action pénale, en d’autres termes c’est une sorte d’action sociale judiciarisée qui considère le délinquant comme une victime à rééduquer. Et pour les moins de 13 ans, l’incarcération est impossible et ils ne peuvent pas être mis en garde à vue. Ceci dit, pour les plus de 13 ans, la détention, généralement provisoire, reste également une mesure grave et exceptionnelle.

Il n’y a pas, pour l’instant, d’«irresponsabilité pénale » pour autant: un juge peut aujourd’hui mettre l’enfant en examen et examiner les faits en fonction de la capacité de discernement du jeune délinquant que des spécialistes et lui-même sont chargés d’évaluer (et que la plupart des experts situent entre 7 et 8 ans) . Avant dix ans la sanction consiste exclusivement en mesures éducatives : remise aux parents, services d’assistance à l’enfance, placement dans un établissement spécialisé…. Entre 10 et 13 ans des sanctions peuvent s’appliquer : interdiction de fréquenter certaines personnes, travaux scolaires, confiscation d’objets, stages de formation civique …. Entre 13 et 18 ans des peines plus lourdes sont possibles, dont la prison qui reste une mesure très rarement appliquée, ne serait-ce que faute de moyens (voir ci-dessous).

L’année dernière on a ainsi pu voir un juge mettre en examen un enfant de dix ans, coupable d’avoir volontairement incendié une tour à Aubervilliers et qui avait causé le décès d’une mère et de ses trois enfants. La sanction a été une mesure d’éloignement. Cette sanction peut paraître dérisoire mais elle n’a été possible, justement, que parce qu’il n’y a pas à ce jour d’irresponsabilité pénale des mineurs.

 

Le problème toutefois est que même les mesures éducatives (sanctions que l’on peut considérer comme « soft ») sont rarement mises en œuvre lorsqu’elles sont prescrites. Parfois même le délinquant en est exempté et ressort avec un énième rappel à la loi. Pour les vols simples, c’est le cas 7 fois sur 10, même en cas de récidive : c’est en toute impunité que le jeune délinquant peut ainsi collectionner ces mises en garde répétées, épées de Damoclès purement fictives, qui deviennent des trophées auprès de ses camarades. Il faut voir dans cette clémence certes la marque de l’idéologie partisane de certains juges laxistes qui se contenteront d’admonestations sans lendemain (dont les prévenus se contrefichent), mais plus souvent encore la conséquence d’un dramatique manque de moyens. En novembre 2018, 15 magistrats du Tribunal pour enfants de Bobigny lançaient un véritable signal d’alarme et appel au secours dans une tribune publiée dans Le Monde : ils y expliquaient que, faute d’être appliquées, les mesures qu’ils prennent restent « fictives » ; il dénonçaient la dégradation accélérée des dispositifs de protection de l’enfance, pointaient des délais de prise en charge « inacceptables » pour les mesures d’assistance éducative (900 familles désespérées étaient alors en attente), le manque de personnel, le sous-effectif des éducateurs au département ou dans les milieux associatifs, et même chez les greffiers du Tribunal totalement submergés ; ils prévenaient que cette impunité de fait provoquerait à l’âge adulte davantage de passages à l’acte criminel faute de rééducation par un suivi éducatif ou la possibilité d’un placement.

Cette insuffisance des moyens constitue donc un véritable casse-tête pour éducateurs, enseignants et policiers qui s’évertuent à faire respecter la loi à des jeunes parfaitement conscients qu’ils ne craignent rien. Témoignage confirmé l’autre jour à la radio par une mère dont l’enfant aujourd’hui majeur est tombé dans la délinquance depuis l’âge de douze ans. Cette femme criait sa colère et son désespoir : depuis des années elle avait frappé à toutes les portes pour obtenir de l’aide, en vain, que ce soit en raison d’une législation inadaptée (pas de possibilité de réponse pénale), de délais trop longs pour espérer une aide par les structures éducatives débordées, du manque de psychologues, du refus d’examiner la demande parentale de lui infliger au moins des travaux d’utilité générale, de la violence d’un mineur baraqué qui menace physiquement ses parents, éclate de rire devant les policiers en répétant qu’il ne risque rien en tant que mineur, qui n’a en 6 ans écopé que d’un seul rappel à la loi mais qui est allé jusqu’à porter plainte au commissariat au nom des droits de l’enfant lorsque son père, ne sachant plus comment lui faire entendre raison, a fini un jour par lui donner une claque.

 

Tout ceci entretient un sentiment, pire une certitude, d’impunité totalement délétère. Comme précisé plus haut, cela commence très tôt, dès l’école maternelle. Car ces jeunes se savent pratiquement intouchables, eux que l’enseignante et essayiste Barbara Lefebvre appelle la génération « j’ai le droit » : ils connaissent à l’école l’interdiction pour l’adulte de les toucher, de leur répondre, de les frapper, voire même de se défendre, usent fréquemment avec perversité de la provocation, voire de l’agression, puis de l’inversion accusatoire qui mettra en cause la parole de l’enseignant ou du policier (qui ont commencé, qui n’avaient pas qu’à les poursuivre, ou à les empêcher de …) et ils récitent leurs droits sitôt qu’ils se retrouvent dans la position de l’accusé. Il y a quelques années les chiffres de la Chancellerie montraient ainsi qu’un délinquant mineur de moins de 13 ans présentait 1,6 fois plus de risques de repasser à l’acte qu’un jeune condamné de 15 à 25 ans, et 2,3 fois plus qu’un délinquant condamné entre 30 et 39 ans. En clair, plus l’impunité et les risques sont réduits, plus on recommence. C’est cette impunité des mineurs qui est précisément utilisée par réseaux et filières pour accomplir leurs basses œuvres.

C’est pourquoi, depuis une vingtaine d’années un consensus s’était établi sur le fait que l’ordonnance de 1945, qui privilégiait des mesures éducatives plutôt que des réponses pénales, devait être profondément revue et modifiée et ne pouvait l’être que dans un sens qui amplifierait le répressif, aujourd’hui quasiment absent, au détriment de l’éducatif, qui ne fonctionne plus sur les générations nouvelles, réfractaires à l’autorité, sur des mineurs violents et parfaitement conscients de ce qu’ils font et de ce à quoi ils s’exposeraient s’ils étaient majeurs. Beaucoup réclamaient même l’abaissement à 16 ans, voire moins, de la majorité pénale à partir de laquelle des crimes et délits de droit commun sont jugés selon une procédure de droit commun et en encourant des sanctions de droit commun. Plusieurs projets de durcissement de la loi de 1945 ont ainsi vu le jour. Et même des réalisations, comme les Tribunaux correctionnels pour les mineurs récidivistes de 16 à 18 ans créées en 2011 mais supprimés, malgré une efficacité reconnue, dès 2013 par la Garde des Sceaux Christiane Taubira (suppression effective 2017).

 

4.   Un projet irresponsable et à contre-courant !

Et voilà que dans ce triple contexte (la hausse inquiétante de la délinquance des moins de 13 ans, en particulier sur des faits graves ; la quasi impossibilité de la juguler compte tenu d’une législation inadaptée et d’un sentiment d’impunité de la part des fautifs ; la réflexion collective menée sur le durcissement de l’ordonnance de 1945), la Ministre de la Justice annonce dans les médias un projet personnel, déjà présenté en novembre et qui avait provoqué une levée de boucliers dans les milieux spécialisés, concocté sans concertation avec les parlementaires, visant à fixer cette fois le seuil de l’irresponsabilité pénale à 13 ans. Loin d’aller vers davantage de répression, comme demandé par de nombreux acteurs, on se dirige donc vers une dé-judiciarisation des délits, y compris les plus graves.

Officiellement, on avance qu’il faut se mettre en conformité avec la CIDE (Commission Internationale des Droits de l’Enfant) et avec les recommandations des experts de l’ONU qui demandent à ce que soit retenu un âge butoir.

Dans ce cas pourquoi 13 ans ? Les psychologues fixent l’âge du discernement, sauf cas particulier étudiés au cas par cas, entre 7 et 8 ans. Pour l’âge de responsabilité pénale, la Grèce a retenu 7 ans, l’Angleterre, le Pays de Galles, la Suisse 10 ans. Seules l’Espagne, le Portugal (16 ans) et l’Allemagne (14) sont au-dessus. Généralement il apparaît que cet âge a été fixé dans les différents pays en tenant compte du terrain et des réalités de la délinquance juvénile. Quelle réponse apportera-t-on aux enfants de moins de 13 ans qui feront bêtise sur bêtise si la justice n’intervient plus ? Pense-t-on les orienter vers l’ASE (Aide sociale à l’Enfance) et vers les services sociaux des départements déjà surchargés et exsangues ?

            Pourquoi maintenant ? Comme l’ont déjà fait remarquer en novembre les parlementaires, députés et sénateurs, dont des commissions travaillent sur le sujet depuis des mois, alors que la Garde des Sceaux manifestait son intention de faire passer ces mesures de façon unilatérale par ordonnance, il y a « non-urgence ». Quel intérêt y a-t-il donc pour jeter ainsi sur la place publique un sujet d’experts que l’on sait clivant et que rien n’oblige à précipiter ? Comme pour la PMA, ne s’agit-il pas pour la Garde des Sceaux d’une volonté égotique de marquer la Justice de sa réforme mais en même temps d’une énième manœuvre politique pour détourner opinion des autres mesures impopulaires ? On sait que les questions sociétales sont le meilleur outil pour faire en sorte que les Français se déchirent et se polarisent sur des débats clivants, même lorsque ceux-ci ne concernent qu’une poignée d’individus et, par conséquent, qu’ils délaissent les autres questions.

            Un autre argument avancé est le besoin de réduire le délai entre la faute et le traitement de la faute. En effet les délais sont longs (en moyenne huit mois) entre la constatation des faits et la décision d’un Tribunal. Le prévenu, souvent, n’a plus véritablement le souvenir de sa faute (surtout si, récidiviste, il a ajouté plusieurs délits entre temps), ce qui lui donne un sentiment d’incompréhension, voire d’injustice. Découpler ainsi pénal (qui disparaîtrait) et réponse éducative permettrait (en théorie) de réduire ce délai. En théorie car il faut qu’il y ait cette réponse éducative et l’on voit qu’aujourd’hui elle est déjà souvent, presque systématiquement, « oubliée » faute de pouvoir être appliquée. Au-delà du fait que pour de nombreux magistrats ce délai est au contraire nécessaire (examen des faits, préparation de la défense mais également temps nécessaire pour la victime pour se remettre, éventuellement s’éloigner, recherche de la meilleure solution éducative, puisqu’il n’en est pas de pénale stricto sensu), on se rend compte qu’une fois encore, pour ne pas voir la maladie, on casse le thermomètre, alors qu’il faudrait au contraire renforcer les moyens de la Justice des mineurs, et des structures éducatives qui interviennent dans le traitement de la délinquance (sanction ou prévention) si l’on veut réduire ledit délai. Pas faire disparaître purement et simplement la possibilité d’intervenir ! Effectivement s’il y a irresponsabilité pénale, il n’y a plus de jugement, donc plus de sanction, donc la question du délai ne se pose plus. Il fallait y penser !

Mais, au-delà, il y a cette insupportable culture de l’irresponsabilité, de l’inversion de culpabilité et de la culpabilisation de l’autre portée par une certaine gauche bien-pensante, droitdelhommiste, pédagogiste et donneuse de leçons dont la Ministre de la Justice est l’incarnation: le coupable, c’est l’adulte, la société, ou celui qui possédait ce que l’enfant n’avait pas. Le mineur délinquant n’est considéré que comme un « enfant en danger ». En danger pour lui-même, il l’est assurément. Mais il est aussi, et même avant tout, un danger pour autrui. Quant au qualificatif d’enfant, l’est-on encore totalement, au-delà de l’âge que mentionne l’état civil, quand on traîne la nuit à 3h du matin en bandes, que l’on incendie volontairement les biens d’autrui, que l’on agresse sexuellement un autre enfant, que l’on programme des guets-apens parfois avec intention de tuer, que l’on parle de sexe et de virilité comme un adulte et que l’on récite des fiches législatives prouvant que l’on est parfaitement conscient de l’absence de risques encourus ? Sans compter que les jeunes d’aujourd’hui présentent souvent de nos jours, très tôt, un physique et un comportement d’homme ou de femme, du moins une attitude en conformité avec les stéréotypes véhiculés par les médias !

Alors certes on trouvera toujours, comme pour toute cause, des experts, ici des psychologues de l’enfance, pour valider la cause que l’on prétend juste, souvent déconnectés du terrain, comme les pédagogistes dans l’Education nationale dont on a pu constater les effets pervers de leurs théories bienveillantes. A l’exception des satisfecits prodigués au projet par des membres du Syndicat de la Magistrature, que l’on sait très à gauche et souvent accusé d’obéir à des intentions plus militantes qu’à des considérations juridiques, les réactions politiques, judiciaires, éducatives au projet Belloubet, en novembre comme ces jours-ci, sont majoritairement hostiles, voire scandalisées et inquiètes. La plupart rejoignent au moins la Garde des Sceaux pour reconnaître que toute transgression implique une réaction la plus rapide possible. Mais aucun ne propose de supprimer la responsabilité pénale pour autant, juste de trouver les moyens, qui sont avant tout financiers, de réduire les délais entre le délit et la réaction judiciaire.

Il ne s’agit évidemment pas de mettre des enfants en prison. A moins de 13 ans, aujourd’hui, ils n’y vont pas, et les réponses, quand toutefois elles existent, sont uniquement éducatives. Mais même plus âgés, même majeurs, ils y vont rarement. Certes ces enfants sont des « victimes », mais il ne faut pas oublier qu’ils sont avant tout coupables de transgressions et que, comme le montrait déjà un rapport alarmiste du Sénat en 2002, un grand nombre de leurs victimes sont d’autres mineurs, qu’il s’agit de protéger aussi et dont la résilience dépend aussi de la reconnaissance de la culpabilité de l’agresseur et d’une forme de sanction. Si on veut les faire progresser, leur redonner des valeurs citoyennes, les faire « grandir », il serait irresponsable de leur enlever leur part de responsabilité. Lorsque l’on fuit la police, que l’on fait tout pour dissimuler ses actes, que l’on prétend, même pris sur le fait, n’avoir aucune responsabilité, que l’on ment sur son identité et son âge, c’est que l’on est conscient d’avoir mal agi et de s’exposer à une sanction, ne serait-ce que parentale. Pourquoi la société ne serait-elle pas habilitée à s’autoriser, pour se défendre et se protéger, ce que tout parent responsable est incité à faire devant les désobéissances de ses enfants : interdire, fixer des limites, avertir, menacer de punition, puis punir en cas de transgression ? La menace et la certitude que la punition aura lieu, l’expérience aussi si l’on a déjà été sanctionné, suffisent d’ordinaire à dissuader l’enfant intelligent de franchir la ligne rouge qu’il connaît parfaitement. A contrario les parents qui sont en permanence dans l’avertissement sans passage à l’acte, la renonciation, la discussion d’égal à égal avec leur enfant, sont généralement débordés. Pourquoi cette exigence de responsabilisation de l’enfant ne s’appliquerait-elle pas hors de la sphère parentale, dans la Justice ?

Pour les éducateurs, les parents d’enfants délinquants, les enseignants, les policiers, il s’agit donc d’un très mauvais signal qui fera des primo-délinquants déclarés irresponsables pénalement, des multirécidivistes puis de véritables caïds à 18 ans, habitués à l’impunité. Car le sentiment d’impunité des jeunes déviants n’en sera que davantage renforcé. En outre cela risque de faire tomber plus encore les très jeunes, désormais intouchables pénalement, dans le réseau de la délinquance.

 

5.   Mais de quoi Nicole Belloubet est-elle le nom ?

Elle représente assurément une certaine gauche, bien présente dans le gouvernement Philippe, tant sur le plan des méthodes que des idées.

Elle est l’archétype de cette gauche doctrinaire qui manque de pragmatisme, celle qui ne part jamais du réel mais de ses idées, qui plaque sur des réalités éprouvantes des concepts totalement inadaptés et qui tente ensuite de faire entrer le réel de force dans la doxa. Elle représente le gauchisme culturel dominant depuis mai 1968, qui défend une culture de l’irresponsabilité, de l’inversion de culpabilité, du procès d’intention et de l’excuse victimaire. Son irénisme, sa bonne conscience sur le dos des victimes, malheureusement ne colle plus, et de moins en moins, avec l’évolution de la société, des nouvelles générations et de ces « enfants » qui, justement, quittent l’enfance de plus en plus tôt.

 

Irresponsable parce que déconnectée de la réalité, l’ancienne rectrice de l’académie de Toulouse laisse transparaître dans ce projet une idéologie à la fois gauchiste et pédagogiste, une naïveté partisane et une vision compassionnelle de la Justice que l’on retrouve aussi à l’œuvre dans le Syndicat de la Magistrature. On peut y lire également le typique aveuglement de classe, celui des privilégiés qui n’ont jamais été confrontés à la délinquance violente, généralement en bandes et qui prennent pour des « fachos » sans cœur et des bourreaux d’enfants les gens qui osent réclamer davantage de sévérité (au moins un peu plus qu’un rappel à la loi) pour des voyous, même en culotte courte… Contrairement à ce que croit cette gauche, la sévérité n’est pas le totalitarisme et la liberté n’est pas celle de tout se permettre ni l’impunité. Parler de sécurité n’est pas antidémocratique, garantir celle des personnes et des biens est même la première mission de l’Etat.

 

Mais il y a évidemment une autre raison, qui tient du court-termisme, de l’électoralisme et de petits calculs budgétaires et d’une forme d’irresponsabilité ministérielle. La raison majeure de la mansuétude de la justice, surtout de gauche, envers les « jeunes », mineurs ou pas, tient en effet à la rencontre entre une idéologie compassionnelle et l’insuffisance des moyens : difficultés des services de police, limités juridiquement ainsi qu’en termes d’effectifs et de moyens face à des jeunes prêts à se victimiser, à chercher l’affrontement ou la blessure puis à hurler aux violences policières ; insuffisances de la Justice, également en termes de moyens mais aussi en raison d’une législation devenue inadéquate ; manquements des services d’accompagnement (pas assez de psychologues, de structures adaptées…).

Ne pas poursuivre des mineurs de plus de 13 ans ou de jeunes majeurs, c’est également lutter contre la surpopulation carcérale que l’on ne s’est pas donné les moyens de réduire autrement. Rappelons que sous le quinquennat de Nicolas Sarkozy avait été lancé un plan de rattrapage dans la construction de prisons que Christiane Taubira s’est empressée d’annuler dès son arrivée place Vendôme. Son successeur, Jean-Jacques Urvoas, en homme d’Etat soucieux de la continuité de la fonction au-delà des alternances politiques, avait budgétisé avant son départ et pour son successeur un peu moins de la moitié des places de ce qui était jugé urgent (soit 30 000 places sur les 75 000 à construire), plan à nouveau annulé par N. Belloubet, E.Macron annonçant qu’on en construirait finalement…9000 ! L’argent prévu a certainement été utilisé pour renflouer les caisses trop rapidement entamées par les premiers cadeaux fiscaux du gouvernement.

 

Comme s’était évertué à le faire François Hollande par simple esprit partisan, il s’agit aussi pour cette gauche revancharde, intolérante et manichéenne de détruire ce qui marche parce que cela a été mis en place par les adversaires politiques. Ainsi en fut-il de la défiscalisation des heures supplémentaires, ou sur le plan judiciaire du « plan prisons », et cela à deux reprises, par Ch. Taubira puis par N. Belloubet, la première ayant de surcroît supprimé, entre autres, par une simple circulaire et sans concertation, comme mentionné ci-dessus, les tribunaux correctionnels pour les mineurs récidivistes de 16 à 18 ans créés en 2011.

Il s’agit également d’une manœuvre désormais parfaitement rodée : dès qu’il y a difficulté en vue pour le gouvernement, cette gauche, dont N. Belloubet a toujours fait partie sur son aile la plus dure, sort du chapeau telle ou telle réforme sociétale qu’elle sait clivante et qui occupera la scène médiatique et les débats pendant que le « reste » passera plus facilement. Cela s’accompagne, comme de bien entendu, d’un discours catastrophiste ou prétextant l’urgence, et d’une rhétorique compassionnelle, doublée de procès d’intention, qui fait passer toute critique du projet pour un manque de bienveillance, voire une tendance autoritaire.

La méthode employée également est révélatrice : il y a les sachants, le camp du Bien, qui sait et peut imposer ses décisions à tous puisque cela sera dans l’intérêt de ceux que l’on présente comme des victimes. Ces tentations totalitaires ne sont pas nouvelles. En novembre les parlementaires, qui travaillaient de longue date dans deux commissions, au Sénat et à l’Assemblée Nationale, sur la question de la prévention et du traitement de la délinquance des mineurs, ont eu la désagréable surprise de se voir présenter les projets de réforme de la Justice sans avoir été consultés, dans une démarche verticale et autoritaire top-down, modifications qui devaient leur être imposées par ordonnances et sur lesquelles ils n’étaient appelés qu’à donner un avis. Les événements concomitants liés à la fronde des Gilets Jaunes ont néanmoins différé l’actuel projet. Echaudée par les réactions d’alors, sa conceptrice le remet aujourd’hui sur la table, de façon plus souple, puisqu’on donnera cette fois aux parlementaires du temps pour le discuter, voire proposer des amendements.

Comme d’habitude à gauche, quand il y a un problème on casse le thermomètre. Cela commence dès l’école, que Belloubet a eue en charge dans l’Académie de Toulouse : on ne sait plus gérer des enfants de plus en plus agités, réfractaires à l’autorité ? On invente le concept de classe vivante (certains inspecteurs allant même aujourd’hui jusqu’à sanctionner les enseignants « à l’ancienne » qui tiennent trop leur classe !). On n’écoute plus le Maître, on est incapable de se concentrer ? On met en œuvre la classe inversée, où l’élève devient le professeur. Il y a du bordel ? On développe le concept de « bruit pédagogique ». De plus en plus d’enfants présentent des lacunes immenses en langue française et ne comprennent plus le sens des mots. On allège par conséquent les programmes de français, on simplifie la grammaire, on valorise l’oral, on enjoint de ne plus sanctionner l’orthographe, on réécrit la littérature jeunesse en expulsant adjectifs compliqués, adverbes, et temps du passé, tout en ayant au préalable jeté aux oubliettes les textes littéraires classiques jugés exigeants pour les remplacer par une sous-littérature correspondant aux goûts et au vocabulaire, aux tics de langage de jeunes illettrés. Il faut également saper l’autorité du professeur qui ne pourra plus sévir. Si l’on ne sévit plus, c’est qu’il n’y a pas de problème. Circulez, il n’y a plus rien à voir.

 

La suite est dans la même logique. On ne sait pas traiter la délinquance des mineurs ? On fait alors en sorte qu’on ne puisse plus parler de délinquance des mineurs. Pénalement irresponsables, ces mineurs feront des « bêtises », de plus en plus graves, de plus en plus nombreuses, de plus en plus violentes, mais elles seront désormais invisibles car volontairement invisibilisées, hors statistiques. Rappelons-nous que cette gauche, la gauche en général d’ailleurs, est nominaliste : seul existe ce que l’on peut nommer. Ce que l’on ne nomme pas n’existe donc plus. Inversement, en mettant un nom sur ce qui n’est pas (facho, populiste, danger, urgence …), on donne corps et réalité aux fantasmes et procès d’intention.

 

Qu’on ne prétende pas que Macron est à droite. Il le devient partiellement sur le plan économique mais il est pleinement de gauche sur le plan sociétal, à l’image de la ministre de la Justice qui semble une incarnation de cette gauche doctrinaire et déresponsabilisante. Aujourd’hui, dans la débâcle actuelle et l’effacement de ce qui pourtant se situe quelque part entre la République en marche et le Rassemblement National, beaucoup se demandent ce qu’est la droite, si ceux qui s’en réclament peuvent encore parvenir à se rassembler sur des fondamentaux communs en dépit de sensibilités différentes. Il n’est sans doute pas facile de dessiner les contours de ce qui reste à reconstruire. Mais comme dans toute définition, il est toujours possible de commencer par cerner une notion en éliminant ce qu’elle n’est pas. Et la droite n’est pas, ne doit pas être, tout ce qui a été décrit ci-dessus : peu pragmatique, doctrinaire, déconnectée du terrain, irresponsable, victimaire, dans une démarche autoritaire top down qui fait fi de la concertation, obsédée par la table rase, droitdelhommmiste et bien-pensante. Et s’il y a deux notions inséparables qui la caractérisent mais que la gauche ne sait pas conjuguer, c’est bien d’abord la liberté, dans le sens que lui donnaient les philosophes des Lumières, limitée pour chacun à l’endroit où commence celle du voisin, balisée par des limites et des sanctions, dans l’acceptation des règles du jeu collectif qui garantissent les droits, la sécurité, l’autorité de ceux qui en sont les dépositaires. Le second principe est celui de la responsabilité, qui devrait être le quatrième pilier, invisible, du Temple républicain. Et la seule méthode possible doit rester le pragmatisme, ancré dans la réalité et dans l’écoute des personnes concernées, loin de tout dogmatisme. La gauche part des idées, la droite doit s’ancrer sur le terrain et élaborer des solutions à partir de ses constatations. Devant les bêtises dangereuses de la gauche doctrinaire et déconnectée des réalités, la droite sait au moins ce qu’elle ne doit pas devenir et de quoi elle ne doit, en aucun cas, se montrer complice.

 

Annexes

L’ ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante ainsi que ses principales modifications jusqu’en 2019 (il y en a eu 39)


 https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=LEGITEXT000006069158

 

L’article 122.8 sur la responsabilité pénale pour les mineurs capables de discernement (2002) . En résumé, les mineurs capables de discernement sont pénalement responsables, sans limite d’âge même si en principe, les mineurs âgés de moins de 10 ans sont considérés comme irresponsables.https://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do?idArticle=LEGIARTI000006417222&cidTexte=LEGITEXT000006070719

 

Comparaison : le droit pénal des mineurs en Europe

http://www.justice.gouv.fr/europe-et-international-10045/etudes-de-droit-compare-10285/le-droit-penal-des-mineurs-en-europe-12987.html

 

Loi du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice

https://www.vie-publique.fr/actualite/panorama/texte-discussion/projet-loi-programmation-2018-2022-reforme-pour-justice.html

 

La CIDE (Convention Internationale des Droits de l’Enfant), qui demande à ce que les pays signataires fixent un âge butoir pour la responsabilité pénale. https://www.vie-publique.fr/focus/decrypter-actualite/convention-internationale-droits-enfant-cide-1989.html

Le Tribunal correctionnel pour mineurs (2012-2017)

https://fr.wikipedia.org/wiki/Tribunal_correctionnel_pour_mineurs

 

Chaîne pénale (simplifiée) pour les mineurs http://www.justice.gouv.fr/art_pix/chainepen.pdf

 

par Aymeric Belaud 24 avril 2025
"Notre pays chute depuis 2020 et la période covid. De 66, sa note est descendue à 62,5 en 2024. Elle n’est certes pas la seule à voir son indice diminuer, mais elle reste une mauvaise élève parmi les pays développés. Elle a toujours été l‘une des dernières en Europe occidentale depuis la création de l’indice en 1995."
Une analyse intéressante de la liberté économique en France, pourtant qualifiée d'ultra libéral par certains ...

par Bernard Carayon 9 avril 2025
Magnifique tribunedans le JDD de notre ami Bernard Carayon qui souligne parfaitement toutes les incohérences de la Commission Européenne  en matière de défense !

par Pauline Condomines (VA) 8 avril 2025
"Ce mercredi 26 mars, au Palais des Sports, une conférence sur la menace islamiste a rassemblé un large public au Palais des Sports de Paris. Bruno Retailleau, Manuel Valls et de nombreux militants, chercheurs et auteurs ont appelé à la lutte contre un fléau qui “menace la République”."

par Lignes Droites 5 avril 2025

Nouveau grand succès pour la conférence de Lignes Droites du 3 avril !

Tous nos remerciements à Monsieur Patrice Michel pour son exposé très pédagogique sur le système judiciaire français, ses liens avec les instances européennes, son histoire, et son organisation au sein des différentes justices administratives, civiles et pénales.

Tous les participants (environ 75 personnes) ont particulièrement apprécié la clarté de cet exposé et quelques idées pour améliorer son efficacité. Deux rappels essentiels ont été fait :

- notre système judiciaire est là pour faire respecter la loi et bon nombre des reproches qui lui sont fait viennent en fait du politique.

- la neutralité de la justice française a été largement entamée par certains individus, en particulier issus du syndicat de la magistrature. Ce devrait être au Conseil Supérieur de la Magistrature de garantir cette neutralité politique.  Mais sans doute par corporatisme et lâcheté, il n'intervient pas assez, même face à des situations extrêmes comme celle du "mur des cons". Là encore ce devrait être au politique d'avoir le courage de mener à bien les réformes nécessaires pour s'assurer du bon fonctionnement du Conseil de la Magistrature.

par Maxime Duclos 4 avril 2025

Aujourd’hui, la France traverse un moment décisif. Dans une décision qui ne laisse aucun doute, Marine Le Pen se voit infliger une peine d’inéligibilité, à seulement deux ans des présidentielles. Ce verdict dépasse largement le simple domaine juridique pour s’inscrire dans un affrontement politique direct.

La magistrate Bénédicte de Perthuis affirme s’inspirer d’Eva Joly pour son parcours judiciaire et son engagement en tant que magistrate. Elle l’a d’ailleurs déclaré sans ambiguïté : « Eva Joly a changé mon destin. » lors d’un podcast en 2020. Une phrase forte, qui traduit bien plus qu’une simple admiration professionnelle. On y perçoit une affection profonde pour une figure dont les opinions, notamment sur la justice, sont tranchées et assumées.

Mais Eva Joly, au-delà de son parcours de magistrate, reste aussi un personnage politique clivant, dont l’engagement écologiste et les prises de position marquées ne laissent personne indifférent. L’apprécier, c’est souvent adhérer aussi, d’une certaine manière, à une certaine vision du monde et des combats idéologiques. Dès lors, difficile d’ignorer que cette inspiration, aussi sincère soit-elle, puisse laisser planer un doute sur une possible proximité idéologique.

Dans ce contexte, le Syndicat de la magistrature, connu pour ses positions marquées à gauche et ayant publiquement appelé à voter contre l’extrême droite le 12 juin 2024 ajoute une dimension particulière à cette affaire. Cette prise de position contribue à brouiller la frontière entre engagement idéologique et impartialité judiciaire.

Dès lors, difficile de ne pas voir dans cette condamnation un verdict dont l’écho dépasse le cadre strictement juridique pour résonner sur le terrain politique, au moment même où se prépare une échéance électorale majeure.

Encore plus inquiétant, l’identité des deux assesseurs qui ont participé au verdict reste inconnue, un manque de transparence qui renforce le sentiment d’un coup d’État judiciaire. Ce flou soulève des questions cruciales sur l’impartialité et l’indépendance de notre système judiciaire, surtout à l’approche d’un scrutin historique.

Ce moment demeure un symbole fort : la justice, qui devrait être la gardienne impartiale de nos lois, se retrouve aujourd’hui au centre d’interrogations profondes. Si la magistrate ne revendique pas ouvertement d’engagement politique, son admiration pour une figure aussi marquée qu’Eva Joly, ainsi que le contexte entourant cette décision, peuvent laisser penser que son jugement pourrait être influencé par une certaine orientation idéologique. Cela envoie un message clair à l’ensemble du paysage politique français et soulève inévitablement des questions sur la frontière, de plus en plus ténue, entre justice et politique.

Face à cette situation inédite, la nécessité de transparence s’impose, et il est essentiel que les interrogations sur l’indépendance de la justice soient pleinement abordées. Ce moment marque un tournant dans la vie politique française et pose une question fondamentale : la justice peut-elle encore être perçue comme une institution neutre, ou court-elle le risque d’être influencée par des dynamiques idéologiques qui dépassent son cadre strictement juridique ?

Comme l’ont souligné plusieurs responsables politiques, dans un moment aussi décisif, même si une condamnation doit être prononcée, le fait de rendre Marine Le Pen inéligible à seulement deux ans des présidentielles soulève des doutes légitimes sur la volonté politique et idéologique de l’empêcher d’accéder au pouvoir. Selon des estimations récentes de l’IFOP, Marine Le Pen aurait eu la possibilité d’obtenir entre 34 et 38% des voix au premier tour des présidentielles de 2027, selon plusieurs sondages récents. Cette décision semble dépasser le simple cadre juridique. Ce choix, dans un contexte aussi crucial, appartient au peuple et non à une juridiction.

Il en va de la confiance des 11 millions d’électeurs qui, sans pouvoir débattre, parlementer ou exercer leur droit démocratique, se voient privés de la possibilité de voter pour la représentante politique qui, selon les projections, aurait toutes les chances de jouer un rôle clé dans la politique de 2027. Cette décision semble porter une forme de nonchalance envers ces électeurs, en les privant de la possibilité d’exprimer leur voix de manière libre et démocratique. Ce n’est pas simplement une question de légalité, mais une tentative potentielle de déstabiliser le Rassemblement National, d’affaiblir ses capacités à se renforcer et à atteindre, d’ici 2027, une représentativité de 37% des suffrages, au moment où le débat politique pourrait être radicalement transformé par leur ascension.



NDLR : Merci à Maxime Duclos pour ses billets d'humeur toujours très intéressant. On pourrait ajouter queBénédicte de Perthuis n'avait pourtant pas une réputation de sévérité particulière puisque c’est elle qui avait prononcé la relaxe du ministre Olivier Dussopt, jugé pour favoritisme (et finalement condamné en appel !). Deux poids et deux mesures ?


par Pierre Lemaignen 2 avril 2025

Par la voix d'Eric Lombard, le ministre de l’économie, Bpifrance annonçait la semaine dernière vouloir collecter 450 millions d’euros auprès des Français pour les entreprises de défense, et la création à cette fin d’un fonds baptisé « Bpifrance Défense », réservé aux particuliers et destiné à la défense et à la cybersécurité.

Voyons le côté positif des choses : les Français vont peut-être enfin découvrir ce qu'est le private equity et ses bienfaits ! Sur la période 2013/2023, les rendements du private equity français ont été de l'ordre de 13% brut. Quelqu'un qui aurait investi 500 € en France dans cette classe d'actifs aurait aujourd'hui un capital net de frais d'environ 1000 €. Sur le papier, cet investissement a donc tout pour plaire avec des entreprises qui existent déjà et qui sont souvent bien implantées, un marché a priori florissant dans les années à venir et a priori une montagne de commandes à venir. Mais comme cela est répété pour toute publicité pour un placement financier : " Les performances passées ne préjugent pas des performances futures ". Car dans ce cas de figure en particulier, il y a des hics et pas des moindres ... Le problème essentiel n'est pas l'investissement ! Il y a énormément d'épargne et de trésorerie sur le marché actuellement. Le problème essentiel c'est qu'il faut des commandes sur le long terme. Or ces commandes publiques annoncées par les pays européens seront-elles encore là dans cinq ans ?

Il faut souligner plusieurs aspects sur le risque qui porte sur ces commandes publiques en particulier pour la France :

1. Chaque pays européen va investir en fonction de deux logiques :

- diplomatique : certains continueront à acheter du matériel américain quoi qu'il arrive

- industrielle : les commandes seront soumises à des impératifs nationaux pour soutenir l’industrie locale.

On peut donc toujours mettre en avant les investissements prévus pour l'ensemble de l'Europe, l'essentiel des retombées pour l'industrie française seront essentiellement issues de la politique nationale et pas seulement européenne ...

2. Quelle confiance peut-on avoir dans les annonces d'aujourd'hui ? L'Europe a toujours été une vraie girouette sur les sujets relatifs à la défense européenne, à la fois en termes de stratégie et d'investissement.

Encore aujourd'hui, un label ESG dans ce domaine est, de fait, quasi impossible (aux côtés de l’alcool, du tabac et des jeux d’argent ...).

Même la France qui a pourtant fait partie des bons élèves en termes d'investissement dans le domaine de la défense n'a pas toujours fait preuve d'une réelle constance (en particulier sous Hollande).

Au lendemain d'un inéluctable traité de paix signé entre l'Ukraine et la Russie dans l'année à venir, ou après un hypothétique effondrement du régime russe dont ils rêvent tous, l'hystérie collective de nos dirigeants européens sera-t-elle encore d'actualité ?

3. Acheter des chars est un investissement qui trouvera toujours des détracteurs acharnés dans notre société. Bien malin est celui capable aujourd'hui de nous dire qui sera au pouvoir en France en 2030 à l'échéance de ce fond d'investissement.  

4. Comment la France compte tenu de son endettement pourra-t-elle financer ces investissements ? Compte tenu de notre niveau d'endettement, il faudra soit augmenter la fiscalité (mais nous sommes déjà champion du monde ce qui plombe nos entreprises), soit trouver des arbitrages au détriment d'autres dépenses ... Mais quels sont les arbitrages que les français accepteront : la justice ? l'éducation ? La santé ? Je ne vous parle même pas des retraites ! Certains sondages montrent qu'une majorité de Français (et j'en fais partie) est favorable aujourd'hui à cette politique de réarmement ... Mais dès que le même sondage pose des questions sur les moyens de financer cette politique, d'ores et déjà, cette majorité s'effondre. Qu'en sera t'il dans deux ou trois ans ?

La France fait déjà aujourd'hui face à un mur de la dette absolument vertigineux ( la question n'est pas son existence mais la distance à laquelle il se trouve et le temps qu'il nous reste avant qu'on se le prenne en pleine figure) et une incapacité depuis 50 ans à apporter la moindre réforme à son modèle social. Comment peut on considérer sérieusement les annonces d'augmentation du budget français de la défense de plusieurs dizaines de milliards d'euros ?

Bref, ce type de financement peut éventuellement être une poule aux œufs d'or. Il présente aussi des risques intrinsèques majeurs ! Et il faudra regarder en détail l'offre qui sera faite et analyser de manière très prudente les engagements sur les commandes à venir. Mais il est fort à craindre que dans la précipitation, nous soyons en train de mettre la charrue avant les bœufs pour participer au développement de nos entreprises !

par LR31 1 avril 2025
par Lignes Droites 13 mars 2025
Lignes Droites soutiendra toutes les candidatures d’union des droites. Bonne chance à David Gerson et à sa future équipe !

par Emmanuel Chaunu 13 mars 2025
par Maxime Duclos, adhérent Lignes Droites 10 mars 2025
Billet d'humeur d'un de nos adhérents,Maxime Duclos :  


En 1997, l’année de ma naissance, le taux de fécondité était de 1,71 enfant par femme, un chiffre déjà bien inférieur au seuil de remplacement des générations, estimé à environ 2,1 enfants par femme, sans que cela signifie pour autant que la parentalité allait de soi. Mais en 2024, les chiffres sont sans appel : 1,62 enfant par femme, et une chute des naissances qui semble inarrêtable. Comment en est on arrivé là ? Et surtout, pourquoi les jeunes d’aujourd’hui ne veulent-ils plus fonder de famille ?

La natalité française a connu une première chute importante après 1972, Mai 68 a profondément transformé la société française, et même si la chute de la natalité après 1972 n’est pas directement causée par ces événements, ils ont joué un rôle dans l’évolution des mentalités et des comportements qui ont ensuite influencé la fécondité. L’entrée massive des femmes sur le marché du travail, l’accès à la contraception et la légalisation de l’IVG en 1975 ont profondément modifié les comportements familiaux. Cependant, après cette période de déclin, la fécondité s’est stabilisée autour de 1,8-2 enfants par femme pendant plusieurs décennies. Depuis 2010, en revanche, la chute est spectaculaire : entre 2010 et 2024, le nombre de naissances est passé de 832 800 à 663 000, soit une baisse de 21,50 %. Un effondrement historique qui ne cesse de s’accélérer, sans qu’aucun véritable sursaut ne semble pointer à l’horizon.

Les raisons sont multiples, mais elles pointent toutes vers une réalité inquiétante : avoir un enfant en 2024 est devenu un choix difficile, parfois même un luxe. Pourtant, il est essentiel d’être honnête avec nous-mêmes : la précarité économique, bien que réelle, n’explique pas tout. Trop de jeunes se cachent derrière cet argument pour justifier un refus d’engagement bien plus profond. Aujourd’hui, nombreux sont ceux qui préfèrent "profiter" avant d’avoir des enfants, cherchant un confort personnel au détriment de la responsabilité collective. Cette mentalité est en partie héritée d’une éducation plus permissive, où les limites ont été repoussées, où la contrainte est devenue un gros mot. Les méthodes pédagogiques modernes, comme Montessori, sont souvent citées comme un progrès, mais elles traduisent aussi un changement de paradigme issu des transformations post-68 : un enfant doit s’épanouir à son rythme, être libre de ses choix, et ne pas être contraint. Résultat ? Une génération qui repousse l’effort, qui cherche avant tout son propre bien-être, et qui voit la parentalité comme une privation de liberté plutôt que comme un accomplissement.

Au-delà de cette évolution sociétale, l’idée même de nation s’efface. Faire des enfants, c’est assurer le renouvellement des générations, maintenir une dynamique économique, préserver un équilibre social. Or, nous vivons dans une société où l’individualisme prime sur l’intérêt collectif. Nous consommons, nous voyageons, nous vivons pour nous-mêmes sans nous soucier des répercussions à long terme. Cette quête incessante de liberté, ce refus des obligations, nous mènent à une impasse. Car moins de naissances, c’est aussi moins de travailleurs demain, une économie qui s’essouffle, et des systèmes de retraite qui s’effondrent. Nous ne voulons plus d’enfants, mais qui paiera alors pour notre vieillesse ?

Peut-on encore inverser la tendance ? Il ne s’agit pas de forcer les jeunes à avoir des enfants, mais de redonner du sens à la parentalité. Il faut retrouver un intérêt commun, réapprendre à voir l’avenir autrement que par le prisme de la jouissance immédiate. Faire des enfants, ce n’est pas seulement une contrainte, c’est une transmission, une continuité, un acte fondateur pour une société. Il faut redonner envie, réhabiliter la famille comme un pilier essentiel du bien-être personnel et collectif, et non plus comme une entrave. Tant que nous resterons enfermés dans cette quête illusoire de liberté absolue, tant que nous refuserons de voir au-delà de notre propre existence, la chute des naissances n’aura aucune raison de s’arrêter. Et avec elle, c’est tout un modèle de société qui s’effondrera.

Sources :

INSEE “Bilan démographique annuel”

INED “Pratiques parentales et enfance"

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