Insécurité, radicalisation, Justice, République,
gouverner, servir, valeurs, courage, task force, zone de contrôle
renforcé … Ces mots ont résonné pendant deux heures, ce mardi 26 juin dans la
salle Paul Labal à Ramonville Saint-Agne qui accueillait en soirée le général Bertrand Soubelet, invité par trois associations, Objectif-France
(dont il est le vice-président), Lignes Droites 31
et Ramonville Autrement. L’ancien numéro 3 de la Gendarmerie Nationale, y
présentait, entre autres, les enjeux sécuritaires dont il est un expert de
terrain reconnu, face à une salle comble mais également comblée, tant ce qui
était dit avec clarté et sans langue de bois, avec une rigueur et une franchise
toute militaires, venait mettre des faits, des propositions et des arguments
sur le ressenti, voire l’expérience de chacun. “En vous écoutant ce soir, on
se sent soudain moins seul”, déclara un des participants, fortement
impliqué dans la sécurité et la prévention de la radicalisation, résumant en
quelques mots le sentiment d’une salle où ne manquaient pas les acteurs de
terrain, dont certains opérant dans le domaine de la prévention et de la
sécurité, découragés de ne pas être entendus ni même compris par les élus
locaux.
Après la présentation du conférencier puis des
associations invitantes, par Jean-Marie Belin, pour Objectif France et Nicolas
Bonleux pour Lignes Droites 31 (et O.F.), la soirée prit la forme interactive
d’un passionnant échange de près de deux heures, poursuivi ensuite à bâtons
rompus hors micro, alternant des questions posées par la salle ou l’un des deux
modérateurs et les réponses du général, toujours très argumentées et
illustrées.
Si nous pouvons aujourd’hui, plus fréquemment
qu’autrefois, entendre des experts, souvent liés au monde la Défense et de la
Sécurité, généralement (mais pas toujours !) libérés du devoir de réserve,
dresser un constat sans concession ni détour sur l’état de notre société,
notamment sur le plan sécuritaire pour dénoncer l’aveuglement des élus et leur
manque de réactivité face à la prolifération des zones de non-droit, des
trafics en tout genre et de l’islamisme radical, il est en revanche beaucoup
plus rare d’entendre exposer ainsi des propositions concrètes, une
véritable méthodologie pour l’action, reposant à la fois sur le pragmatisme, le
bon sens mais aussi la connaissance du terrain de celui qui accumule près de 40
ans de vie militaire au service de la France, dont 30 à la Gendarmerie
nationale.
C’est pourquoi il nous a semblé intéressant de rendre
compte, de la façon la plus exhaustive possible, de l’essentiel de cette soirée
débat avec Bertrand Soubelet. Les lignes qui suivent s’y efforcent avec le
maximum de fidélité. Toutes les questions abordées sont inextricablement liées
les unes aux autres, et ce sont ces interrelations et priorités que le général
s’est efforcé de mettre en évidence et d’expliquer. Néanmoins, pour la clarté
de l’analyse, nous les avons dissociées ici.
Une situation sécuritaire
inquiétante
Très logiquement, la soirée commence par les questions
sécuritaires concernant les zones de non-droit que les médias s’enhardissent
parfois à qualifier de territoires perdus de la République, quartiers pour
lesquels le plan Borloo avait pronostiqué pour 60 d’entre eux des “risques
de fracture”
et pour 15 autres “des risques de rupture”, doux
euphémismes pour notre intervenant pour qui fractures comme ruptures sont déjà
des états de fait. Nicolas Bonleux évoque alors une des tribunes récentes du
Général Soubelet dans le Figaro, faisant suite à la présentation des
propositions Borloo (lire ici
: Face à la menace l’urgence est de réapprendre à penser).
Le constat
Nous ne nous attarderons pas longuement sur le constat
que chacun connaît et que l’actualité nous rappelle tristement régulièrement.
Notons néanmoins que le général, qui a commandé la gendarmerie de Midi-Pyrénées
de 2008 à 2010, répercute sa grande inquiétude face à l’évolution de la
situation depuis son départ. Ayant en effet passé la journée en rencontres
successives avec des responsables de la sécurité et de la lutte contre la
radicalisation, des élus de terrain à l’échelle de la Métropole, il avait découvert
la situation explosive de certains quartiers toulousains, révélant une
dégradation nette par rapport à ce qu’il avait connu quelques années
auparavant. Sans révéler le détail de ce que ses interlocuteurs lui avaient
appris, le conférencier fait comprendre à la salle que la situation est
particulièrement inquiétante, évolutive dans le sens d’une dégradation rapide.
À plusieurs reprises, Bertrand Soubelet évoque la
situation dans ces quartiers où police, gendarmerie, et même pompiers et
soignants ne peuvent plus pénétrer après certaines heures. Il précise aussi
qu’en ces zones de non-droit, il ne faut aucunement dissocier les économies
souterraines des trafics illicites, d’armes ou de stupéfiants, et la
radicalisation islamiste, et que ceux qui prétendent qu’il s’agit de filières
distinctes, ce que démentent tous les acteurs de terrain, le font par
incompétence, dogmatisme ou parce qu’ils ont eux-mêmes ce qu’il nommera
pudiquement des “objectifs pas très clairs”.
Ceci dit, il précise qu’il s’agit à chaque fois de
quelques dizaines à une centaine d’individus, parfaitement identifiés par les
bailleurs sociaux, les enquêteurs de terrain, les associations. On sait donc
exactement qui perturbe et empoisonne la vie de ces quartiers.
Les facteurs aggravants
Les facteurs aggravants sont multiples, et nous
reviendrons par la suite sur deux points essentiels : le manque de volonté et
de courage des élus d’une part, l’inadaptation des moyens donnés à la Justice
d’autre part.
Pour commencer Bertrand Soubelet insiste sur des
responsabilités déjà anciennes :“Nous n’avons pas su accueillir
ceux qui sont venus, ce qui explique dans un certain nombre de quartiers
nous en somment arrivés à une communautarisation qui n’est pas rampante, comme
le disent certains, mais parfaitement acquise”.
C’est pour lui une “certitude. Nous le payons cher aujourd’hui”. Le général regrette que nous n’ayons
pas “été clairs avec ceux qui arrivaient
il y a 25 ou 30 ans”,
et
que nous (il précise que ce nous désigne ceux qui ont en charge les
responsabilités de l’État) ayons laissé faire, ce que plus tard il qualifiera
d’attitude “laxiste
puisque nous accordons tous les droits
à ceux dont nous n’exigeons aucun devoir.”
“Quand on arrive dans un pays,
ajoute-t-il, c’est pour partager le destin de ses
habitants et fuir ce que l’on avait dans son propre pays. Or ceux qui
arrivent aujourd’hui, quelles que soient les raisons pour lesquelles ils
viennent, ne viennent plus en France pour partager le destin des Français, mais
pour rejoindre leur communauté
qui est installée en France. Ils la
rejoignent parce qu’ils savent parfaitement qu’il y a ici des choses très
intéressantes qui les attirent et qu’ils ne trouveront pas ailleurs”.
“Être clair”
avec
ces nouveaux arrivants, pour Bertrand Soubelet, c’eût donc été de “poser des
règles et de les faire respecter”
et il cite, entre autres, l’apprentissage
du français, l’obligation de mettre ses enfants dans les écoles de la
République, d’arrêter de se vêtir comme dans son pays d’origine, bref de faire
en sorte de devenir de vrais Français selon le modèle d’intégration qui avait
fonctionné jusqu’à présent. Car, rappelle-t-il, la France a toujours été et
reste un pays d’accueil, qui l’a largement prouvé depuis des dizaines et des
dizaines d’années, une nation généreuse qui demande simplement à ses membres,
quels qu’ils soient, de respecter les règles et “que ceux qui arrivent aient
envie de partager notre destin, acceptent les lois de la République et fassent
preuve d’un comportement respectueux et citoyen”.
Ce qui ne relève,
ajoute-t-il que “du pragmatisme et du bon sens”, bien loin des
idéologies ou des théories élaborées par des technocrates hors-sol. Car ce
discours clair, qui se serait évidemment transcrit en actes en cas de
non-respect du contrat, “n’est pas un discours de facho ou de méchant”
comme certains voudraient le qualifier.
Sur ce point le général conclut, précisant qu’il n’est
“pas extrémiste”
et ajoutant avec humour qu’il se sent même à certains
moments “un peu gaucho”
: “Je suis respectueux de tout le monde mais
je ne respecte pas ceux et celles qui ne respectent pas lois de la République.
S’ils veulent en instaurer d’autres, alors qu’ils aillent ailleurs pour le
faire. Notre pays est encore une démocratie, « à ce stade », et ceux qui ne
respectent pas lois de la République n’ont rien à faire en liberté et parfois
même chez nous s’ils sont étrangers.”
C’est alors l’occasion pour le Général de s’en prendre
à “une espèce de bien-pensance sur fond de droitsdelhommisme mal compris et de libertés publiques complètement dévoyées qui intoxiquent le
pays depuis bien longtemps”, en particulier pour toutes les questions liées
à l’immigration. Il dénonce ainsi la criminalisation face à chaque proposition
destinée à avancer dans la résolution et, déjà, l’identification des problèmes,
sur le prétexte que quiconque ose évoquer une difficulté posée par une personne
issue de l’immigration ne serait pas humaniste ou n’aimerait pas les étrangers.
Ce laxisme qui reconnaît à l’autre seulement des droits et non des devoirs, qui
encourage la victimisation véhiculée par certains propagandistes du
communautarisme, est “en train de détruire les fondements mêmes de notre
société et ce que sont les valeurs de notre pays”. Cet effacement de
l’identité de l’accueillant devant celle de l’autre, l’accueilli, que la
philosophe Françoise Bonnardel a qualifié d’autruisme, a déjà été
développé par Lignes Droites ici
dans notre trilogie sur l’identité nationale.
Les propositions
Le général fait alors un certain nombre de
propositions que l’on peut retrouver également dans une tribune du Figaro du 20
avril dernier (à lire ici)
au titre significatif : Il faut agir et reprendre l'initiative sur notre
propre sol
. C’était également l’objet de sa critique des propositions Borloo,
proposant des mesures déjà anciennes, souvent testées et dont la pertinence
n'est pas toujours avérée, car “elles ne pourront jamais être réellement
mises en œuvre si la sécurité n'est pas assurée au quotidien dans ces
quartiers”. La restauration de l’ordre et de la sécurité de manière
totale et pérenne est donc un préalable incontournable. Il s’agit donc de
reprendre le contrôle selon trois axes principaux qui sont d’une part de “lutter
contre l’économie souterraine et les trafics qui gangrènent le tissu social”,
d’autre part de “combattre le communautarisme, les propos et les
comportements des islamistes”, et enfin de “prendre des mesures
concrètes pour éloigner durablement de ces quartiers les individus dangereux”.
Bertrand Soubelet propose alors une solution,
qui pourrait être cette méthode dont manquent cruellement les élus, pour
traiter ces quartiers. En effet certains intervenants dans la salle confirment
que les élus locaux sont démunis face à leurs responsabilités croissantes en
termes de sécurité et qu’il y a presque autant de politiques mises en place que
de communes ! Il s’agirait donc d’identifier les quartiers à traiter, puis d’en
choisir quelques-uns : “trois ou quatre suffiraient probablement”. Cela
commencerait par une concertation avec les élus, qui restent incontournables
puisqu’eux seuls peuvent décider d’agir ou non, et qui rassemblerait tous ceux
qui sont concernés par ces problèmes sécuritaires (magistrats, policiers,
gendarmes, bailleurs sociaux …). Ces discussions permettraient de faire un
diagnostic précis sur les difficultés du quartier, de fixer des objectifs
clairement définis et la méthode à mettre en œuvre. Ensuite on déclarerait ce
quartier zone de contrôle renforcé,
ce qui suppose un régime
juridique à inventer
pour cette action ponctuelle. Cette mission serait
dirigée par un chef désigné par le gouvernement pour régler les problèmes dans
le quartier en question. Ce chef devrait être un expert de terrain, par exemple
un grand patron de la police de la gendarmerie.
Le chef de mission, entouré d’un petit état-major,
serait secondé par une task force
de 800 à 1000 personnes composées de
policiers, de gendarmes, de magistrats, de militaires si besoin était,
d’éducateurs, de psychologues, brefs tous les intervenants habituels. Pendant
trois mois on traiterait le sujet. Il ne s’agirait pas d’état de siège ni de
mettre tout le monde en prison, tout se ferait dans le respect de la
démocratie, mais cette fois avec fermeté, en fonction d’objectifs précis et
dans la durée. Il faudrait probablement deux régimes judiciaires, celui qui
traiterait de jour des questions habituelles (car la vie ne s’arrêterait pas
pour autant et, les tribunaux étant déjà débordés, il ne s’agirait pas de leur
faire prendre davantage de retard et de leur créer une surcharge de travail) et
un régime de nuit, avec d’autres magistrats pour traiter les arrestations
effectuées par la task force
pendant la journée, en comparution
immédiate.
Les peines pourraient être de prison, mais également
des amendes et des saisies de biens (voir ci-après dans la partie Justice),
mais également des éloignements. Le général Soubelet est persuadé qu’après
avoir traité un quartier puis un autre, au bout de trois ou quatre quartiers
emblématiques, un signal fort serait passé auprès des autres zones où les lois
de la République sont bafouées. Et tout ceci ne relève encore une fois que du
bon sens et ne serait finalement pas très coûteux (surtout au regard des politiques
sociales mises en œuvre jusqu’à présent, sans résultat tangible et même
contre-productives) mais le bon sens, comme le pragmatisme, “n’a
malheureusement plus beaucoup droit de cité dans la pensée publique”.
Un manque de volonté politique
évident
Ces signaux, ce sont ceux que l’Etat doit donner à la
fois à ces quartiers et aux Français qui désespèrent. Or aujourd’hui, le
général dit ne déceler malheureusement dans le pouvoir en place que des
opérations de communication mais aucune action, aucun signal significatifs.
L’absence de volonté politique est, d’ailleurs, un leitmotiv qui traverse toute
la conférence-débat, que ce soit dans les propos du général ou dans les
témoignages des acteurs de terrain dans la salle.
Or il y a urgence. “Pour arriver à inverser
la tendance, cela risque d’être compliqué, de demander beaucoup de courage et
de volonté politique et il y aura probablement du dégât. C’est le prix à payer
pour que cette spirale dans laquelle nous sommes s’arrête enfin. Nous aurons du
mal mais nous le pouvons encore. Le problème est que je ne vois pas à l’horizon
suffisamment de volonté ni de courage pour que cela prenne cette direction-là.”
Aveuglement et surdité des élus
“Ceux qui représente l’État et l’autorité,
c’est-à-dire ceux pour qui nous votons et qui sont seuls en mesure de donner
des ordres à ceux qui sont chargés de mettre de l’ordre et de rétablir la
sécurité dans ces quartiers,
c’est-à-dire
la police, la gendarmerie et l’armée, ne montrent pas leur volonté d’agir
durablement et fermement”.
Cela fut manifeste dans le plan Borloo, applaudi
par beaucoup, et qui n’était pourtant qu’un recyclage de mesures coûteuses (que
Bertrand Soubelet estime à environ 50 milliards pour ces dernières années) et
qui n’avaient rien réglé jusqu’à présent, si ce n’est de garantir, en
l’achetant, la paix sociale.
Le général, comme d’autres personnes dans la salle le
feront plus tard, évoque les difficultés que l’on rencontre lorsque l’on tient
ce genre de discours face aux hommes et femmes politiques : certains ne sont
pas intéressés et n’écoutent pas, d’autres n’ont pas pris la mesure du problème
et répondent immanquablement à leur interlocuteur qu’il “exagère la
situation”. Pour beaucoup, si on ne parle pas du problème, si on ne le leur
donne pas à voir, il n’existe pas. C’est une forme de nominalisme (n’existe que
ce que l’on nomme) qui a permis à beaucoup de responsables politiques de s’enfermer et
d’enfermer la société dans des dénis de réalité depuis des années. Car pour
éviter d’entendre nommer les choses, la bien-pensance dont on parlait
précédemment, s’est efforcée de criminaliser quiconque évoquait les réalités de
ces quartiers, que ce soit la délinquance ou la radicalisation islamiste. Comme
il s’agit majoritairement de personnes issues de l’immigration, tout constat
est aussitôt taxé de réactionnaire, fasciste, raciste, faisant le jeu des
extrémistes, ce qui a longtemps permis d’étouffer la voix et les avertissements
des acteurs de terrain. “Cela nous a détérioré notre cohésion sociale dans
un certain nombre de quartiers depuis 20 à 25 ans, avec la complicité de
certains élus locaux”.
Rappelons
au passage le prix que Bertrand Soubelet a payé pour sa franchise, qu’il
évoquera pudiquement, en vitesse et avec humour, à la fin de cette rencontre,
en rappelant qu’à chaque fois qu’il a voulu dire ce qui était, il s’est “fait
sortir”
du jeu.
En
décembre 2013 il fut auditionné à l’Assemblée nationale par la mission
parlementaire de « lutte contre l’insécurité », après avoir prêté serment de
dire la vérité, dans une audition où le devoir de réserve est évidemment levé.
Lors de cette audience, il avait soulevé sans tabou les difficultés rencontrées
par la Gendarmerie dans sa lutte contre la délinquance, que ce soit au niveau
des moyens ou des procédures mais aussi de la Justice, avec des “délinquants
relâchés dans la nature”et des “coupables mieux traités que les
victimes”. S’attirant les foudres du gouvernement pour cette liberté de ton
inhabituelle, relevé de ses fonctions de numéro trois de la Gendarmerie
nationale, il fut alors muté en Outre-mer, ce qui constitua une forme de
rétrogradation et une mise au placard. À la suite de cela, celui que les
gendarmes surnommaient désormais le “général Courage” publia un ouvrage en mars
2016, Tout ce qu’il ne faut pas dire, ce qui marqua cette fois la fin de
sa carrière, suscitant un débat en France sur la liberté d’expression des
militaires et le devoir de réserve pour un haut gradé encore en exercice. Cela
n’est d’ailleurs pas sans évoquer plusieurs cas ultérieurs de militaires
accusés de manquer à leur devoir de réserve, le dernier en date étant celui du
CEMA Pierre de Villiers, présentant à huis clos devant une commission ad hoc
de l’Assemblée Nationale et à la demande de celle-ci, des réalités militaires
difficiles, avec la même franchise et liberté de ton, ce qui eut pour effet de
mettre également un terme à sa carrière militaire.
Un
intervenant, engagé dans les CLSPD et les CISPD (Conseil local ou communal de
Sécurité et de Prévention de la Délinquance) ainsi que dans les CMER (Cellule
municipale d’échange sur la radicalisation), rappelle que l’on a désormais de
nombreux outils en France pour soutenir des actions efficaces, et corrobore les
dires du conférencier en témoignant des difficultés, voire de l’impossibilité
,de faire prendre en compte, encore une fois, à des élus dépassés et sans
méthodologie pour l’action, la mesure concrète des situations constatées sur le
terrain. En supposant, toutefois, que ceux-ci répondent aux sollicitations, car
beaucoup, y compris dans des zones ou villes touchées par la radicalisation,
n’accusent même pas réception de la demande de contact ou des documents
envoyés, ou oublient totalement en avoir déjà discuté, illustrant l’idée
ci-dessus exprimée que lorsqu’on ne nomme pas, lorsqu’on ne voit pas, cela
n’existe pas.
Néanmoins,
petite note d’espoir, le général note l’accession aux responsabilités d’une nouvelle
génération d’élus locaux, aux pratiques différentes, et il cite le cas du
jeune maire de Rilleux-la-Pape (Alexandre Vincendet), en banlieue lyonnaise,
qui a serré la vis depuis son élection. La délinquance y a baissé
considérablement, prouvant un lien incontestable de cause à effet entre fermeté
et courage d’une part, baisse de la délinquance et amélioration de la sécurité
publique d’autre part.
Aucun contrôle des dépenses et subventions
Le général témoigne ensuite de réalités constatées
lorsqu’il a exercé, pendant des années, des responsabilités de terrain. Un
certain nombre d’associations, même s’il reconnaît qu’il en est de formidables
et d’utiles, sont largement subventionnées par l’Etat et par les élus locaux
qui y déversent de l’argent qui n’est jamais contrôlé. Ce système qu’il
qualifie de “pompes à fric”
bénéficie avant tout à des “individus
dont le comportement n’est pas celui qu’on devrait attendre”, bien loin de
l’objet de l’association pour laquelle ils reçoivent cet argent sans aucun
contrôle de l’Etat ou des collectivités. Le résultat c’est que non seulement
rien ne change et que l’on ne remet pas les choses en ordre, mais que l’on
l’aggrave souvent la situation par cette manne financière.
Il en est de même pour tout ce qui concerne les
dépenses sociales qui ne sont jamais contrôlées.
Une France administrée mais non gouvernée
Cet aveuglement est à la fois le fait d’un système
technocratique où des décisions sont prises par des hauts fonctionnaires très
éloignés des réalités du terrain, du dogmatisme d’un grand nombre d’élus qui ne
fondent pas leurs convictions sur les faits mais s’efforcent de modifier
ceux-ci jusqu’à ce qu’ils épousent leurs convictions, et enfin d’un manque de
courage évident.
La grande difficulté de notre pays, ajoute le général,
“c’est que notre France n’est pas gouvernée, elle est administrée
(distinction qu’il
reprendra dès le lendemain dans un article du Figaro ici). Administrer c’est gérer, essayer de faire au
mieux. Gouverner, c’est prendre ses responsabilités, fixer un cap, se donner
les moyens de l’atteindre, donner des ordres et savoir se faire obéir”. Le
général en profite, sur une question de la salle, pour remarquer que le terme “gouvernance”,
un néologisme qui s’est imposé depuis quelques années, est surtout employé par
des gens qui précisément … ne savent pas gouverner et qui noient leurs
responsabilités dans le collectif que suggère la notion. Gouverner
par
contre est un “mot noble”
qui suppose de savoir commander, donc diriger,
ce qui évidemment ne pose aucun problème à l’officier général ! De la même
manière ce dernier exprime son horreur du mot “management”, trop proche
à une lettre près du mot “ménager”, lequel évoque un peu trop la chèvre
le chou entre lesquels on ne sait pas choisir et que l’on essaierait de
concilier. En bon militaire, il faut pour lui que les choses soient claires, à
mille lieues du “en même temps”
qui guide l’action gouvernementale
d’aujourd’hui.
La collaboration avec Emmanuel
Macron
“Or ce
n’est pas avec le président de la République que nous avons et la majorité
parlementaire qui a été élue que l’on va y parvenir”
ajoute Bertrand
Soubelet. Devançant, comme il le dit lui-même, l’inévitable question à venir et
provoquant quelques sourires entendus dans la salle, il ajoute malicieusement :
“car il n’a pas échappé à certains qu’à un moment donné j’ai collaboré avec
Emmanuel Macron”.
L’histoire
de leur rencontre est riche d’enseignements pour comprendre l’homme qu’est le
général, mais aussi le fonctionnement de l’entourage du Président. Bertrand
Soubelet affirme tout de go qu’il ne s’agit “ni d’une trahison ni d’une
forfaiture”.
Il rappelle le contexte de l’automne 2016, il venait de
quitter la gendarmerie et se trouvait désormais totalement disponible. Dans le
contexte de la campagne électorale, il proposa alors ses services, à plusieurs
reprises, aux équipes de François Fillon, y compris par l’intermédiaire de
ministres et d’anciens ministres, sans recevoir la moindre réponse. C’est à ce
moment-là que les collaborateurs d’Emmanuel Macron l’invitent à un
petit-déjeuner, où on lui fait valoir que son expertise nationale et sa
crédibilité en matière de sécurité et de défense leur serait fort utile car
personne dans l’équipe n’avait de compétences sur ces questions. On lui
proposait alors de relire les parties du programme en rédaction, de faire des
propositions.
Le général
affirme avoir longuement réfléchi, beaucoup hésité mais finalement s’être dit
qu’il ne pouvait pas changer de cap par rapport à ses engagements et pratiques
de longue date. Dès l’âge de huit ans en effet, il avait affirmé à ses parents
qu’il voulait être gendarme pour “servir son pays”. Depuis son entrée
dans la Gendarmerie, à toutes les échelles d’action successives qu’il a
rencontrées, du local au national, et à chaque niveau de responsabilité, de
capitaine à général, il avait pris l’habitude de rédiger des notes et d’alerter
ses interlocuteurs, élus locaux puis parlementaires et ministres. À l’époque, Emmanuel
Macron n’était qu’un candidat parmi d’autres dont très peu prédisaient qu’il
puisse se retrouver au second tour de l’élection présidentielle, mais Bertrand
Soubelet était persuadé qu’un candidat aussi talentueux jouerait certainement
un rôle plus tard et qu’il était préférable que ce soient ses idées qui
l’inspirent à ce moment-là plutôt que des gens qui n’y connaîtraient rien et
qui iraient raconter n’importe quoi.
S’ensuit
une collaboration au cours de laquelle le général affirme ne pas avoir fait de
cadeau à l’équipe d’Emmanuel Macron avec lequel il était en contact direct, ce
qui a fini par déranger l’entourage immédiat du candidat. Il a ainsi largement
contribué au programme de sécurité défense, notamment, à l’issue d’une heure
d’entretien en tête-à-tête avec Emmanuel Macron, où il l’a convaincu de
réinstaurer un service national universel (le fameux SNU qui revient dans les
questions d’actualité) auquel le candidat n’était pas du tout favorable
initialement. Il ne s’agissait pas, a-t-il expliqué au futur président, de
restaurer un service militaire à l’ancienne mais de réussir à faire partager
des valeurs communes à une classe d’âge, le respect des codes républicains, la
signification du drapeau, de l’hymne national … Certes, ce qui ressort aujourd’hui
“n’a plus grand-chose à voir avec ce qu’il avait proposé”, reconnaît-il,
mais le mouvement est lancé. Pour le reste il considère avoir ramené la
réflexion sur la Défense “là où il fallait, mais pas complètement”. De
même, il fut sollicité, 48 heures avant la parution du programme, sur la
question de l’Outremer, qui avait été négligée et dont il est responsable à 50
% du rendu final.
Le général
affirme avoir la conscience d’autant plus tranquille qu’il est parti au moment
où se profilait avec une quasi-certitude l’élection d’Emmanuel Macron dont
l’équipe cherchait à l’éloigner. Un certain nombre de “scuds”
dans la
presse, dont il a parfaitement identifié la provenance, l’ont convaincu qu’il
n’avait véritablement “rien à faire avec ces gens-là. Je suis parti au
moment où j’estimais que je devais partir. Si c’était à refaire, je referais
exactement la même chose”, conclut-il, déclenchant une salve
d’applaudissements dans la salle.
Une
Justice inadaptée
Indissociable
de la question au de la sécurité, celle de la Justice s’est également imposée
tout au long de la rencontre. Bertrand Soubelet y a même consacré un long
développement, très loin des caricatures de gauche comme de droite que l’on
peut entendre sur le sujet. Il dit d’ailleurs préparer en ce moment une
communication à ce sujet. Pour rendre la justice efficace, il est impératif de
revoir les schémas de pensée anachroniques datant du XXe et même parfois du
XIXe siècle.
Construire
des prisons
Pour lui
le modèle de la prison à l’ancienne, avec des grilles, des cellules, un certain
isolement ne convient plus qu’à un certain type de détenus. On pourrait
imaginer un système de prison allégé, par réutilisation d’anciennes casernes ou
en montant des algecos modulaires qui coûtent dix fois moins cher qu’une prison
et seraient démontables, réutilisables et qui s’adresseraient à des gens qui
ont des petites peines ou des libérables en fin de peine.
Quoi qu’il
en soit les besoins estimés aujourd’hui sont environ de 30 000 places. Le
dernier Garde des Sceaux sous la présidence de François Hollande, Jean-Jacques
Urvoas, pour lequel le général affirme avoir la plus haute estime, avait fait
préparer le budget 2018 en mettant de côté des crédits budgétaires en
autorisation d’engagement de dépenses pour acheter 12 terrains destinés à la
construction de prisons. Il s’agissait dans l’urgence de permettre à son
successeur de construire déjà 15 000 places. Le nouveau gouvernement a pris cet
argent et l’a mis ailleurs. C’est un choix délibéré. Prétendre que l’on n’a pas
les moyens c’est totalement faux, tout est question de priorité. Ne pas
construire les prisons prévues au budget 2018, ne prévoir que 7000 places sur
les 15 000 annoncés est bel et bien un choix politique que le général n’hésite
pas à qualifier d’“irresponsable”
et de “véritable scandale”.
Il ne
s’agit pas de mettre tout le monde en prison, encore moins de construire des
prisons quatre-étoiles mais, comme Bertrand Soubelet l’explique un peu plus
tard, de faire face à la surpopulation carcérale et au délabrement avancé des
bâtiments, à l’origine d’une promiscuité indigne d’une démocratie. Lorsque la
société décide de mettre en prison, dit-il, elle a le devoir de traiter les
prisonniers correctement et “surtout de faire en sorte qu’ils ne soient pas
plus pourris en sortant qu’en y entrant.
Or aujourd’hui dans un grand
nombre d’établissements pénitentiaires, c’est hélas le cas”.
Changer la
conception des peines
La
question des peines est abordée à partir d’une interrogation venant de la salle
sur la dépénalisation du cannabis. Bertrand Soubelet ne s’y déclare pas
favorable (et souligne que les Pays-Bas, face à des résultats très
contestables, commencent à se demander s’ils n’ont pas fait une erreur en la
matière) mais considère que les infractions à la législation sur les
stupéfiants doivent être contraventionnalisées
plutôt que d’infliger au
contrevenant à une peine de prison qui ne sera jamais exécutée. “Toucher les
gens au portefeuille”, est une idée sur laquelle il reviendra souvent.
Le général
se déclare hostile au “tout prison” car l’effet dissuasif sur un certain nombre
de délinquants est très discutable et peut même se révéler contre-productif.
Dans certains quartiers, explique-t-il, quand on met quelqu’un en prison pour
un mois, trois mois, un an, il devient un véritable caïd à sa sortie. “La
GAV c’est le bac et la prison, c’est carrément la licence ou la maîtrise qu’il
vient de décrocher. Il rentre en héros”. En clair, non seulement la prison
n’obtient pas l’effet dissuasif attendu sur les trafics mais cela produit
l’effet contraire.
Alors que
faire envers tous ceux qui se rendent coupables de délits, parfois même de
crime d’appropriation, en particulier ceux qui trempent dans l’économie
souterraine ? Tous les acteurs de terrain l’affirment, de même que certains
juges d’instruction, la seule chose qui vaille, “ c’est de saisir tous les
biens dont ils ne peuvent justifier de la provenance, de les leur confisquer et
de les mettre sur la paille”.
Les lois existent, précise le général
Soubelet, mais elles ne sont pas appliquées. Et pourquoi ne le sont-elles pas ?
Parce que c’est un dogme chez certains magistrats qui considèrent qu’ils “sont
juges et non pas percepteurs”
et le revendiquent clairement.
Or ce
serait la peine “qui pénaliserait le plus ceux qui se sont rendus coupables
d’infractions et qui permettrait de surcroît à l’Etat de récupérer des subsides
intéressants pour réduire les déficits publics et financer ce que l’on n’est
plus en mesure de financer”.
Le
continuum sécurité justice ne fonctionne pas correctement
Et il ne
fonctionne pas “parce que la justice est maltraitée”. Bertrand Soubelet
souligne qu’il y a autant de magistrats qu’en 1874 alors que le contentieux a
été multiplié par 20 ou 30, rapporté à la population. Le budget de la Justice
(magistrats et administration pénitentiaire) est dérisoire par rapport aux
besoins, autour de 9 milliards d’euros, soit à peine 1 milliard de plus que la
seule Gendarmerie. Jusqu’à il y a deux ans les moyens baissaient, aujourd’hui
ils n’augmentent pas alors que le contentieux progresse à la hausse, lui, de
manière inquiétante. C’est pourquoi le général juge prioritaire, s’il faut
choisir, de destiner les moyens avant tout à la Justice, avant même la
Sécurité, ce qui ne fut pas compris par un de ses précédents ministres de
tutelle. “C’est pourtant une question de bon sens, à quoi sert de traquer
les délinquants et de les remettre à la justice si les tribunaux ne sont pas
capables de les gérer comme c’est hélas trop souvent le cas actuellement ?”
La situation actuelle, rappelle-t-il, c’est que ces délinquants sont soit remis
en liberté immédiatement, sans poursuites, avec les effets désastreux et les
risques que l’on peut imaginer sur les victimes, soit sont convoqués six mois à
un an plus tard, quand parfois ils ne se souviennent même plus du délit,
tellement ils en ont commis d’autres entre-temps ! Ainsi certains, de bonne
foi, prétendent-ils qu’ils ne sont pas concernés et n’ en acceptent-ils
qu’encore plus difficilement la sentence.
C’est
pourquoi le général propose que la règle devienne le TTR, le traitement en
temps réel.
Le prévenu arrive, son avocat prend connaissance de la
situation et l’auteur des faits est jugé en comparaison immédiate. Encore
faut-il dit-il que les avocats ne jouent pas la montre comme c’est le cas trop
souvent pour freiner la procédure.
En tout
cas Bertrand Soubelet dénonce les choix terribles effectués depuis 25 à 30 ans
par les gouvernements successifs, qu’ils soient de droite de gauche. Il
rappelle que la gauche favorise la prévention et s’est, jusqu’à présent,
presque totalement désintéressée de la répression, considérant les auteurs des
faits comme de pauvres victimes de la société qui serait seule responsable. À
droite, il s’agit également d’en faire le strict minimum, pour ne pas donner de
moyens à la Justice que l’on dit “gauchiste”. Ajoutons à cela, glisse le
conférencier, avec l’air de celui qui sait parfaitement de quoi il parle, “qu’un
certain nombre d’hommes et de femmes politiques ont des raisons factuelles
d’être prudents avec la Justice car leur comportement personnel est à la limite
du pénalement répréhensible”. Dans un cas comme dans l’autre, rien n’avance
et la dégradation de la situation se poursuit. Or les deux, prévention et
répression, sont indissociables. Le résultat est que les Français ne croient
plus à la Justice et que la fracture se creuse.
Pendant
longtemps il est vrai, rappelle-t-il, le système a été “verrouillé par le
Syndicat de la magistrature”. Quand de nombreux magistrats rendent leur
jugement en fonction de leurs propres opinions politiques, “c’est
insupportable : quand on est investi d’une mission d’autorité noble comme celle
de rendre la justice, on doit mettre ses convictions de côté. La loi, rien que
la loi”.
C’est la raison pour laquelle de nombreux Français ont
l’impression que l’on se préoccupe davantage des auteurs, qui savent fort bien
se victimiser, que des victimes véritables, idée que le général avait soutenue
devant l’Assemblée nationale et qui lui valut, entre autres, d’être sanctionné.
Mais là encore, comme pour les élus locaux, le général remarque que c’est en
train de changer, et qu’il y a un certain nombre de jeunes magistrats
qui échappent à cette règle.
Mais,
hélas, “il est compliqué de mettre un terme à 40 années de laisser-aller
!” Il va falloir réapprendre aux délinquants “ce qu’est la règle, ce que
l’on fait, ce que l’on ne fait pas, en fonction des lois de la République”.
Et il reste beaucoup à faire, notamment dans le traitement de la délinquance
des mineurs
qui commence de plus en plus tôt. Or il n’y a rien de
clairement prévu dans notre pays pour la prendre réellement en compte, que ce
soit dans la législation ou l’assistance éducative. Le général en prend pour
preuve les centres d’éducation renforcée et les centres d’éducation fermée qui,
tout cumulé, offrent 1000 places, ce qui est évidemment notoirement insuffisant
par rapport aux besoins. En outre, un autre problème est que 80 % des établissements
ne sont pas tenus par l’État mais par des associations qui, elles non plus, ne
sont pas contrôlées.
Enfin, si
sur les questions de défense, de sécurité et d’immigration, la concertation
entre pays européens semble indispensable (mais “également avec l’Union
africaine dont on ne parle pas suffisamment et qui pourrait avoir un rôle à
jouer là-dedans”), pour les questions de justice, cela doit rester une
mission régalienne propre à chaque État.
Servir,
toujours, mais autrement
Finalement
le général revient avec humour sur son parcours récent et ses intentions
actuelles, des modes d’action différents mais qui relèvent tous d’une volonté
de servir son pays en lui restant utile. Comme il le rappelle, il est resté
constamment fidèle à sa mission qui était d’observer, d’agir et d’avertir, en
tant qu’officier de gendarmerie où il est rentré capitaine et sorti général
quatre étoiles, puis après sa mise à la retraite militaire. “ J’ai ouvert ma
gueule devant l’Assemblée nationale, et je me suis fait sortir. Puis j’ai écrit
un livre et je me suis fait sortir une deuxième fois. Alors j’écris un second
livre, qui était une manière de rester dans l’action. Mais après l’écriture,
que me restait-il ?”
Comme rappelé plus haut, il propose alors ses services
en tant qu’expert à un candidat, qui ne donne pas de réponse. L’équipe d’un
autre vient le chercher, la collaboration tient le temps nécessaire pour
orienter dans le sens du souhaitable et du pragmatisme le programme Sécurité
Défense et Outremer, mais là encore il faut partir, cette fois de son plein
gré, une fois constaté que l’on n’a rien en commun avec l’équipe en place.
C’est
alors que Bertrand Soubelet se lance dans l’arène politique, en se présentant
aux élections législatives dans la 10e circonscription des Hauts-de-Seine en
2017, remportée par un candidat LREM. Même si le général précise dans un
sourire qu’il est cependant arrivé devant le parti socialiste, les résultats
sont décevants en ce sens que, pendant la campagne, il dit avoir rencontré des
centaines de personnes qui l’ont félicité pour son franc-parler, son action et
lui ont montré leur intérêt, l’ont encouragé à persévérer mais qui, une fois
dans l’isoloir, ne sont pas allée jusqu’au bout des intentions formulées et ont
retrouvé leurs réflexes traditionnels.
“On a
les élus qu’on mérite”, ajoute-t-il.
Son
engagement dans le mouvement Objectif France traduit à présent une volonté de
pratiquer la politique autrement, hors de “cette classe politique qui n’a
rien fait depuis 35 ans et vous explique que c’est par elle que tout va
changer”
et des partis traditionnels, qui ont essayé de le récupérer, et
qui sont en train de s’autodétruire, en raison des rivalités personnelles. Mais
l’objectif du mouvement n’est pas simplement de travailler comme un think tank
sur les questions essentielles et de dire les choses, de faire des propositions
concrètes et motivées, mais bien d’arriver au pouvoir, ce qui passe par
l’élection, seul moyen de faire rentrer les discours dans les faits. Raison
pour laquelle le général a accepté la vice-présidence d’Objectif France et
qu’il a pris son bâton de pèlerin pour parcourir le pays et multiplier les
conférences et les rencontres de terrain, afin de mobiliser le maximum de gens
autour d’actions concrètes et des projets novateurs.
Mais si
les Français ne votent pas pour ceux qui ont envie de faire bouger les choses,
se contentent de critiquer sans participer eux-mêmes à l’action, ce que ce
genre de mouvement rend pourtant possible, s’il ne trouvait pas suffisamment de
bonnes volontés prêtes à s’engager autour de lui dans l’objectif de faire
aboutir ces projets, le général affirme qu’il se retirera sans regret dans son
cher Pays basque pour cultiver des tomates et marcher dans la montagne, car il
n’a pas de motivation personnelle et n’a pas besoin de la politique pour vivre
!
Après une
telle profession de foi, cette soirée interactive, riche en échanges et en
informations de qualité, faisant consensus autour d’un général dont la
crédibilité et l’expertise sont unanimement reconnus, ne pouvait que se
terminer sur une élégante passe d’armes complice entre celui qui, à la tribune,
croyait encore aux partis traditionnels (Nicolas Bonleux, membre d’Objectif
France mais également membre fondateur de Lignes Droites31, et qui vient
d’annoncer sa candidature à la présidence de la fédération de Haute-Garonne des
Républicains) et celui qui n’y croyait pas.