Le « général courage » à Ramonville : pragmatisme et force de proposition
- par Natacha Gray
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- 08 juil., 2018
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Insécurité, radicalisation, Justice, République,
gouverner, servir, valeurs, courage, task force, zone de contrôle
renforcé … Ces mots ont résonné pendant deux heures, ce mardi 26 juin dans la
salle Paul Labal à Ramonville Saint-Agne qui accueillait en soirée le général Bertrand Soubelet, invité par trois associations, Objectif-France
(dont il est le vice-président), Lignes Droites 31
et Ramonville Autrement. L’ancien numéro 3 de la Gendarmerie Nationale, y
présentait, entre autres, les enjeux sécuritaires dont il est un expert de
terrain reconnu, face à une salle comble mais également comblée, tant ce qui
était dit avec clarté et sans langue de bois, avec une rigueur et une franchise
toute militaires, venait mettre des faits, des propositions et des arguments
sur le ressenti, voire l’expérience de chacun. “En vous écoutant ce soir, on
se sent soudain moins seul”, déclara un des participants, fortement
impliqué dans la sécurité et la prévention de la radicalisation, résumant en
quelques mots le sentiment d’une salle où ne manquaient pas les acteurs de
terrain, dont certains opérant dans le domaine de la prévention et de la
sécurité, découragés de ne pas être entendus ni même compris par les élus
locaux.
Après la présentation du conférencier puis des associations invitantes, par Jean-Marie Belin, pour Objectif France et Nicolas Bonleux pour Lignes Droites 31 (et O.F.), la soirée prit la forme interactive d’un passionnant échange de près de deux heures, poursuivi ensuite à bâtons rompus hors micro, alternant des questions posées par la salle ou l’un des deux modérateurs et les réponses du général, toujours très argumentées et illustrées.
Si nous pouvons aujourd’hui, plus fréquemment qu’autrefois, entendre des experts, souvent liés au monde la Défense et de la Sécurité, généralement (mais pas toujours !) libérés du devoir de réserve, dresser un constat sans concession ni détour sur l’état de notre société, notamment sur le plan sécuritaire pour dénoncer l’aveuglement des élus et leur manque de réactivité face à la prolifération des zones de non-droit, des trafics en tout genre et de l’islamisme radical, il est en revanche beaucoup plus rare d’entendre exposer ainsi des propositions concrètes, une véritable méthodologie pour l’action, reposant à la fois sur le pragmatisme, le bon sens mais aussi la connaissance du terrain de celui qui accumule près de 40 ans de vie militaire au service de la France, dont 30 à la Gendarmerie nationale.
C’est pourquoi il nous a semblé intéressant de rendre compte, de la façon la plus exhaustive possible, de l’essentiel de cette soirée débat avec Bertrand Soubelet. Les lignes qui suivent s’y efforcent avec le maximum de fidélité. Toutes les questions abordées sont inextricablement liées les unes aux autres, et ce sont ces interrelations et priorités que le général s’est efforcé de mettre en évidence et d’expliquer. Néanmoins, pour la clarté de l’analyse, nous les avons dissociées ici.
Une situation sécuritaire inquiétante
Très logiquement, la soirée commence par les questions sécuritaires concernant les zones de non-droit que les médias s’enhardissent parfois à qualifier de territoires perdus de la République, quartiers pour lesquels le plan Borloo avait pronostiqué pour 60 d’entre eux des “risques de fracture” et pour 15 autres “des risques de rupture”, doux euphémismes pour notre intervenant pour qui fractures comme ruptures sont déjà des états de fait. Nicolas Bonleux évoque alors une des tribunes récentes du Général Soubelet dans le Figaro, faisant suite à la présentation des propositions Borloo (lire ici : Face à la menace l’urgence est de réapprendre à penser).
Le constat
Nous ne nous attarderons pas longuement sur le constat que chacun connaît et que l’actualité nous rappelle tristement régulièrement. Notons néanmoins que le général, qui a commandé la gendarmerie de Midi-Pyrénées de 2008 à 2010, répercute sa grande inquiétude face à l’évolution de la situation depuis son départ. Ayant en effet passé la journée en rencontres successives avec des responsables de la sécurité et de la lutte contre la radicalisation, des élus de terrain à l’échelle de la Métropole, il avait découvert la situation explosive de certains quartiers toulousains, révélant une dégradation nette par rapport à ce qu’il avait connu quelques années auparavant. Sans révéler le détail de ce que ses interlocuteurs lui avaient appris, le conférencier fait comprendre à la salle que la situation est particulièrement inquiétante, évolutive dans le sens d’une dégradation rapide.
À plusieurs reprises, Bertrand Soubelet évoque la situation dans ces quartiers où police, gendarmerie, et même pompiers et soignants ne peuvent plus pénétrer après certaines heures. Il précise aussi qu’en ces zones de non-droit, il ne faut aucunement dissocier les économies souterraines des trafics illicites, d’armes ou de stupéfiants, et la radicalisation islamiste, et que ceux qui prétendent qu’il s’agit de filières distinctes, ce que démentent tous les acteurs de terrain, le font par incompétence, dogmatisme ou parce qu’ils ont eux-mêmes ce qu’il nommera pudiquement des “objectifs pas très clairs”.
Ceci dit, il précise qu’il s’agit à chaque fois de quelques dizaines à une centaine d’individus, parfaitement identifiés par les bailleurs sociaux, les enquêteurs de terrain, les associations. On sait donc exactement qui perturbe et empoisonne la vie de ces quartiers.
Les facteurs aggravants
Les facteurs aggravants sont multiples, et nous reviendrons par la suite sur deux points essentiels : le manque de volonté et de courage des élus d’une part, l’inadaptation des moyens donnés à la Justice d’autre part.
Pour commencer Bertrand Soubelet insiste sur des responsabilités déjà anciennes :“Nous n’avons pas su accueillir ceux qui sont venus, ce qui explique dans un certain nombre de quartiers nous en somment arrivés à une communautarisation qui n’est pas rampante, comme le disent certains, mais parfaitement acquise”. C’est pour lui une “certitude. Nous le payons cher aujourd’hui”. Le général regrette que nous n’ayons pas “été clairs avec ceux qui arrivaient il y a 25 ou 30 ans”, et que nous (il précise que ce nous désigne ceux qui ont en charge les responsabilités de l’État) ayons laissé faire, ce que plus tard il qualifiera d’attitude “laxiste puisque nous accordons tous les droits à ceux dont nous n’exigeons aucun devoir.”
“Quand on arrive dans un pays, ajoute-t-il, c’est pour partager le destin de ses habitants et fuir ce que l’on avait dans son propre pays. Or ceux qui arrivent aujourd’hui, quelles que soient les raisons pour lesquelles ils viennent, ne viennent plus en France pour partager le destin des Français, mais pour rejoindre leur communauté qui est installée en France. Ils la rejoignent parce qu’ils savent parfaitement qu’il y a ici des choses très intéressantes qui les attirent et qu’ils ne trouveront pas ailleurs”.
“Être clair” avec ces nouveaux arrivants, pour Bertrand Soubelet, c’eût donc été de “poser des règles et de les faire respecter” et il cite, entre autres, l’apprentissage du français, l’obligation de mettre ses enfants dans les écoles de la République, d’arrêter de se vêtir comme dans son pays d’origine, bref de faire en sorte de devenir de vrais Français selon le modèle d’intégration qui avait fonctionné jusqu’à présent. Car, rappelle-t-il, la France a toujours été et reste un pays d’accueil, qui l’a largement prouvé depuis des dizaines et des dizaines d’années, une nation généreuse qui demande simplement à ses membres, quels qu’ils soient, de respecter les règles et “que ceux qui arrivent aient envie de partager notre destin, acceptent les lois de la République et fassent preuve d’un comportement respectueux et citoyen”. Ce qui ne relève, ajoute-t-il que “du pragmatisme et du bon sens”, bien loin des idéologies ou des théories élaborées par des technocrates hors-sol. Car ce discours clair, qui se serait évidemment transcrit en actes en cas de non-respect du contrat, “n’est pas un discours de facho ou de méchant” comme certains voudraient le qualifier.
Sur ce point le général conclut, précisant qu’il n’est “pas extrémiste” et ajoutant avec humour qu’il se sent même à certains moments “un peu gaucho” : “Je suis respectueux de tout le monde mais je ne respecte pas ceux et celles qui ne respectent pas lois de la République. S’ils veulent en instaurer d’autres, alors qu’ils aillent ailleurs pour le faire. Notre pays est encore une démocratie, « à ce stade », et ceux qui ne respectent pas lois de la République n’ont rien à faire en liberté et parfois même chez nous s’ils sont étrangers.”
C’est alors l’occasion pour le Général de s’en prendre à “une espèce de bien-pensance sur fond de droitsdelhommisme mal compris et de libertés publiques complètement dévoyées qui intoxiquent le pays depuis bien longtemps”, en particulier pour toutes les questions liées à l’immigration. Il dénonce ainsi la criminalisation face à chaque proposition destinée à avancer dans la résolution et, déjà, l’identification des problèmes, sur le prétexte que quiconque ose évoquer une difficulté posée par une personne issue de l’immigration ne serait pas humaniste ou n’aimerait pas les étrangers. Ce laxisme qui reconnaît à l’autre seulement des droits et non des devoirs, qui encourage la victimisation véhiculée par certains propagandistes du communautarisme, est “en train de détruire les fondements mêmes de notre société et ce que sont les valeurs de notre pays”. Cet effacement de l’identité de l’accueillant devant celle de l’autre, l’accueilli, que la philosophe Françoise Bonnardel a qualifié d’autruisme, a déjà été développé par Lignes Droites ici dans notre trilogie sur l’identité nationale.
Les propositions
Le général fait alors un certain nombre de propositions que l’on peut retrouver également dans une tribune du Figaro du 20 avril dernier (à lire ici) au titre significatif : Il faut agir et reprendre l'initiative sur notre propre sol . C’était également l’objet de sa critique des propositions Borloo, proposant des mesures déjà anciennes, souvent testées et dont la pertinence n'est pas toujours avérée, car “elles ne pourront jamais être réellement mises en œuvre si la sécurité n'est pas assurée au quotidien dans ces quartiers”. La restauration de l’ordre et de la sécurité de manière totale et pérenne est donc un préalable incontournable. Il s’agit donc de reprendre le contrôle selon trois axes principaux qui sont d’une part de “lutter contre l’économie souterraine et les trafics qui gangrènent le tissu social”, d’autre part de “combattre le communautarisme, les propos et les comportements des islamistes”, et enfin de “prendre des mesures concrètes pour éloigner durablement de ces quartiers les individus dangereux”.
Bertrand Soubelet propose alors une solution, qui pourrait être cette méthode dont manquent cruellement les élus, pour traiter ces quartiers. En effet certains intervenants dans la salle confirment que les élus locaux sont démunis face à leurs responsabilités croissantes en termes de sécurité et qu’il y a presque autant de politiques mises en place que de communes ! Il s’agirait donc d’identifier les quartiers à traiter, puis d’en choisir quelques-uns : “trois ou quatre suffiraient probablement”. Cela commencerait par une concertation avec les élus, qui restent incontournables puisqu’eux seuls peuvent décider d’agir ou non, et qui rassemblerait tous ceux qui sont concernés par ces problèmes sécuritaires (magistrats, policiers, gendarmes, bailleurs sociaux …). Ces discussions permettraient de faire un diagnostic précis sur les difficultés du quartier, de fixer des objectifs clairement définis et la méthode à mettre en œuvre. Ensuite on déclarerait ce quartier zone de contrôle renforcé, ce qui suppose un régime juridique à inventer pour cette action ponctuelle. Cette mission serait dirigée par un chef désigné par le gouvernement pour régler les problèmes dans le quartier en question. Ce chef devrait être un expert de terrain, par exemple un grand patron de la police de la gendarmerie.
Le chef de mission, entouré d’un petit état-major, serait secondé par une task force de 800 à 1000 personnes composées de policiers, de gendarmes, de magistrats, de militaires si besoin était, d’éducateurs, de psychologues, brefs tous les intervenants habituels. Pendant trois mois on traiterait le sujet. Il ne s’agirait pas d’état de siège ni de mettre tout le monde en prison, tout se ferait dans le respect de la démocratie, mais cette fois avec fermeté, en fonction d’objectifs précis et dans la durée. Il faudrait probablement deux régimes judiciaires, celui qui traiterait de jour des questions habituelles (car la vie ne s’arrêterait pas pour autant et, les tribunaux étant déjà débordés, il ne s’agirait pas de leur faire prendre davantage de retard et de leur créer une surcharge de travail) et un régime de nuit, avec d’autres magistrats pour traiter les arrestations effectuées par la task force pendant la journée, en comparution immédiate.
Les peines pourraient être de prison, mais également des amendes et des saisies de biens (voir ci-après dans la partie Justice), mais également des éloignements. Le général Soubelet est persuadé qu’après avoir traité un quartier puis un autre, au bout de trois ou quatre quartiers emblématiques, un signal fort serait passé auprès des autres zones où les lois de la République sont bafouées. Et tout ceci ne relève encore une fois que du bon sens et ne serait finalement pas très coûteux (surtout au regard des politiques sociales mises en œuvre jusqu’à présent, sans résultat tangible et même contre-productives) mais le bon sens, comme le pragmatisme, “n’a malheureusement plus beaucoup droit de cité dans la pensée publique”.
Un manque de volonté politique évident
Ces signaux, ce sont ceux que l’Etat doit donner à la fois à ces quartiers et aux Français qui désespèrent. Or aujourd’hui, le général dit ne déceler malheureusement dans le pouvoir en place que des opérations de communication mais aucune action, aucun signal significatifs. L’absence de volonté politique est, d’ailleurs, un leitmotiv qui traverse toute la conférence-débat, que ce soit dans les propos du général ou dans les témoignages des acteurs de terrain dans la salle.
Or il y a urgence. “Pour arriver à inverser la tendance, cela risque d’être compliqué, de demander beaucoup de courage et de volonté politique et il y aura probablement du dégât. C’est le prix à payer pour que cette spirale dans laquelle nous sommes s’arrête enfin. Nous aurons du mal mais nous le pouvons encore. Le problème est que je ne vois pas à l’horizon suffisamment de volonté ni de courage pour que cela prenne cette direction-là.”
Aveuglement et surdité des élus
“Ceux qui représente l’État et l’autorité, c’est-à-dire ceux pour qui nous votons et qui sont seuls en mesure de donner des ordres à ceux qui sont chargés de mettre de l’ordre et de rétablir la sécurité dans ces quartiers, c’est-à-dire la police, la gendarmerie et l’armée, ne montrent pas leur volonté d’agir durablement et fermement”. Cela fut manifeste dans le plan Borloo, applaudi par beaucoup, et qui n’était pourtant qu’un recyclage de mesures coûteuses (que Bertrand Soubelet estime à environ 50 milliards pour ces dernières années) et qui n’avaient rien réglé jusqu’à présent, si ce n’est de garantir, en l’achetant, la paix sociale.
Le général, comme d’autres personnes dans la salle le feront plus tard, évoque les difficultés que l’on rencontre lorsque l’on tient ce genre de discours face aux hommes et femmes politiques : certains ne sont pas intéressés et n’écoutent pas, d’autres n’ont pas pris la mesure du problème et répondent immanquablement à leur interlocuteur qu’il “exagère la situation”. Pour beaucoup, si on ne parle pas du problème, si on ne le leur donne pas à voir, il n’existe pas. C’est une forme de nominalisme (n’existe que ce que l’on nomme) qui a permis à beaucoup de responsables politiques de s’enfermer et d’enfermer la société dans des dénis de réalité depuis des années. Car pour éviter d’entendre nommer les choses, la bien-pensance dont on parlait précédemment, s’est efforcée de criminaliser quiconque évoquait les réalités de ces quartiers, que ce soit la délinquance ou la radicalisation islamiste. Comme il s’agit majoritairement de personnes issues de l’immigration, tout constat est aussitôt taxé de réactionnaire, fasciste, raciste, faisant le jeu des extrémistes, ce qui a longtemps permis d’étouffer la voix et les avertissements des acteurs de terrain. “Cela nous a détérioré notre cohésion sociale dans un certain nombre de quartiers depuis 20 à 25 ans, avec la complicité de certains élus locaux”.
Rappelons au passage le prix que Bertrand Soubelet a payé pour sa franchise, qu’il évoquera pudiquement, en vitesse et avec humour, à la fin de cette rencontre, en rappelant qu’à chaque fois qu’il a voulu dire ce qui était, il s’est “fait sortir” du jeu.
En décembre 2013 il fut auditionné à l’Assemblée nationale par la mission parlementaire de « lutte contre l’insécurité », après avoir prêté serment de dire la vérité, dans une audition où le devoir de réserve est évidemment levé. Lors de cette audience, il avait soulevé sans tabou les difficultés rencontrées par la Gendarmerie dans sa lutte contre la délinquance, que ce soit au niveau des moyens ou des procédures mais aussi de la Justice, avec des “délinquants relâchés dans la nature”et des “coupables mieux traités que les victimes”. S’attirant les foudres du gouvernement pour cette liberté de ton inhabituelle, relevé de ses fonctions de numéro trois de la Gendarmerie nationale, il fut alors muté en Outre-mer, ce qui constitua une forme de rétrogradation et une mise au placard. À la suite de cela, celui que les gendarmes surnommaient désormais le “général Courage” publia un ouvrage en mars 2016, Tout ce qu’il ne faut pas dire, ce qui marqua cette fois la fin de sa carrière, suscitant un débat en France sur la liberté d’expression des militaires et le devoir de réserve pour un haut gradé encore en exercice. Cela n’est d’ailleurs pas sans évoquer plusieurs cas ultérieurs de militaires accusés de manquer à leur devoir de réserve, le dernier en date étant celui du CEMA Pierre de Villiers, présentant à huis clos devant une commission ad hoc de l’Assemblée Nationale et à la demande de celle-ci, des réalités militaires difficiles, avec la même franchise et liberté de ton, ce qui eut pour effet de mettre également un terme à sa carrière militaire.
Un intervenant, engagé dans les CLSPD et les CISPD (Conseil local ou communal de Sécurité et de Prévention de la Délinquance) ainsi que dans les CMER (Cellule municipale d’échange sur la radicalisation), rappelle que l’on a désormais de nombreux outils en France pour soutenir des actions efficaces, et corrobore les dires du conférencier en témoignant des difficultés, voire de l’impossibilité ,de faire prendre en compte, encore une fois, à des élus dépassés et sans méthodologie pour l’action, la mesure concrète des situations constatées sur le terrain. En supposant, toutefois, que ceux-ci répondent aux sollicitations, car beaucoup, y compris dans des zones ou villes touchées par la radicalisation, n’accusent même pas réception de la demande de contact ou des documents envoyés, ou oublient totalement en avoir déjà discuté, illustrant l’idée ci-dessus exprimée que lorsqu’on ne nomme pas, lorsqu’on ne voit pas, cela n’existe pas.
Néanmoins, petite note d’espoir, le général note l’accession aux responsabilités d’une nouvelle génération d’élus locaux, aux pratiques différentes, et il cite le cas du jeune maire de Rilleux-la-Pape (Alexandre Vincendet), en banlieue lyonnaise, qui a serré la vis depuis son élection. La délinquance y a baissé considérablement, prouvant un lien incontestable de cause à effet entre fermeté et courage d’une part, baisse de la délinquance et amélioration de la sécurité publique d’autre part.
Aucun contrôle des dépenses et subventions
Le général témoigne ensuite de réalités constatées lorsqu’il a exercé, pendant des années, des responsabilités de terrain. Un certain nombre d’associations, même s’il reconnaît qu’il en est de formidables et d’utiles, sont largement subventionnées par l’Etat et par les élus locaux qui y déversent de l’argent qui n’est jamais contrôlé. Ce système qu’il qualifie de “pompes à fric” bénéficie avant tout à des “individus dont le comportement n’est pas celui qu’on devrait attendre”, bien loin de l’objet de l’association pour laquelle ils reçoivent cet argent sans aucun contrôle de l’Etat ou des collectivités. Le résultat c’est que non seulement rien ne change et que l’on ne remet pas les choses en ordre, mais que l’on l’aggrave souvent la situation par cette manne financière.
Il en est de même pour tout ce qui concerne les dépenses sociales qui ne sont jamais contrôlées.
Une France administrée mais non gouvernée
Cet aveuglement est à la fois le fait d’un système technocratique où des décisions sont prises par des hauts fonctionnaires très éloignés des réalités du terrain, du dogmatisme d’un grand nombre d’élus qui ne fondent pas leurs convictions sur les faits mais s’efforcent de modifier ceux-ci jusqu’à ce qu’ils épousent leurs convictions, et enfin d’un manque de courage évident.
La grande difficulté de notre pays, ajoute le général, “c’est que notre France n’est pas gouvernée, elle est administrée (distinction qu’il reprendra dès le lendemain dans un article du Figaro ici). Administrer c’est gérer, essayer de faire au mieux. Gouverner, c’est prendre ses responsabilités, fixer un cap, se donner les moyens de l’atteindre, donner des ordres et savoir se faire obéir”. Le général en profite, sur une question de la salle, pour remarquer que le terme “gouvernance”, un néologisme qui s’est imposé depuis quelques années, est surtout employé par des gens qui précisément … ne savent pas gouverner et qui noient leurs responsabilités dans le collectif que suggère la notion. Gouverner par contre est un “mot noble” qui suppose de savoir commander, donc diriger, ce qui évidemment ne pose aucun problème à l’officier général ! De la même manière ce dernier exprime son horreur du mot “management”, trop proche à une lettre près du mot “ménager”, lequel évoque un peu trop la chèvre le chou entre lesquels on ne sait pas choisir et que l’on essaierait de concilier. En bon militaire, il faut pour lui que les choses soient claires, à mille lieues du “en même temps” qui guide l’action gouvernementale d’aujourd’hui.
La collaboration avec Emmanuel Macron
“Or ce n’est pas avec le président de la République que nous avons et la majorité parlementaire qui a été élue que l’on va y parvenir” ajoute Bertrand Soubelet. Devançant, comme il le dit lui-même, l’inévitable question à venir et provoquant quelques sourires entendus dans la salle, il ajoute malicieusement : “car il n’a pas échappé à certains qu’à un moment donné j’ai collaboré avec Emmanuel Macron”.
L’histoire de leur rencontre est riche d’enseignements pour comprendre l’homme qu’est le général, mais aussi le fonctionnement de l’entourage du Président. Bertrand Soubelet affirme tout de go qu’il ne s’agit “ni d’une trahison ni d’une forfaiture”. Il rappelle le contexte de l’automne 2016, il venait de quitter la gendarmerie et se trouvait désormais totalement disponible. Dans le contexte de la campagne électorale, il proposa alors ses services, à plusieurs reprises, aux équipes de François Fillon, y compris par l’intermédiaire de ministres et d’anciens ministres, sans recevoir la moindre réponse. C’est à ce moment-là que les collaborateurs d’Emmanuel Macron l’invitent à un petit-déjeuner, où on lui fait valoir que son expertise nationale et sa crédibilité en matière de sécurité et de défense leur serait fort utile car personne dans l’équipe n’avait de compétences sur ces questions. On lui proposait alors de relire les parties du programme en rédaction, de faire des propositions.
Le général affirme avoir longuement réfléchi, beaucoup hésité mais finalement s’être dit qu’il ne pouvait pas changer de cap par rapport à ses engagements et pratiques de longue date. Dès l’âge de huit ans en effet, il avait affirmé à ses parents qu’il voulait être gendarme pour “servir son pays”. Depuis son entrée dans la Gendarmerie, à toutes les échelles d’action successives qu’il a rencontrées, du local au national, et à chaque niveau de responsabilité, de capitaine à général, il avait pris l’habitude de rédiger des notes et d’alerter ses interlocuteurs, élus locaux puis parlementaires et ministres. À l’époque, Emmanuel Macron n’était qu’un candidat parmi d’autres dont très peu prédisaient qu’il puisse se retrouver au second tour de l’élection présidentielle, mais Bertrand Soubelet était persuadé qu’un candidat aussi talentueux jouerait certainement un rôle plus tard et qu’il était préférable que ce soient ses idées qui l’inspirent à ce moment-là plutôt que des gens qui n’y connaîtraient rien et qui iraient raconter n’importe quoi.
S’ensuit une collaboration au cours de laquelle le général affirme ne pas avoir fait de cadeau à l’équipe d’Emmanuel Macron avec lequel il était en contact direct, ce qui a fini par déranger l’entourage immédiat du candidat. Il a ainsi largement contribué au programme de sécurité défense, notamment, à l’issue d’une heure d’entretien en tête-à-tête avec Emmanuel Macron, où il l’a convaincu de réinstaurer un service national universel (le fameux SNU qui revient dans les questions d’actualité) auquel le candidat n’était pas du tout favorable initialement. Il ne s’agissait pas, a-t-il expliqué au futur président, de restaurer un service militaire à l’ancienne mais de réussir à faire partager des valeurs communes à une classe d’âge, le respect des codes républicains, la signification du drapeau, de l’hymne national … Certes, ce qui ressort aujourd’hui “n’a plus grand-chose à voir avec ce qu’il avait proposé”, reconnaît-il, mais le mouvement est lancé. Pour le reste il considère avoir ramené la réflexion sur la Défense “là où il fallait, mais pas complètement”. De même, il fut sollicité, 48 heures avant la parution du programme, sur la question de l’Outremer, qui avait été négligée et dont il est responsable à 50 % du rendu final.
Le général affirme avoir la conscience d’autant plus tranquille qu’il est parti au moment où se profilait avec une quasi-certitude l’élection d’Emmanuel Macron dont l’équipe cherchait à l’éloigner. Un certain nombre de “scuds” dans la presse, dont il a parfaitement identifié la provenance, l’ont convaincu qu’il n’avait véritablement “rien à faire avec ces gens-là. Je suis parti au moment où j’estimais que je devais partir. Si c’était à refaire, je referais exactement la même chose”, conclut-il, déclenchant une salve d’applaudissements dans la salle.
Une Justice inadaptée
Indissociable de la question au de la sécurité, celle de la Justice s’est également imposée tout au long de la rencontre. Bertrand Soubelet y a même consacré un long développement, très loin des caricatures de gauche comme de droite que l’on peut entendre sur le sujet. Il dit d’ailleurs préparer en ce moment une communication à ce sujet. Pour rendre la justice efficace, il est impératif de revoir les schémas de pensée anachroniques datant du XXe et même parfois du XIXe siècle.
Construire des prisons
Pour lui le modèle de la prison à l’ancienne, avec des grilles, des cellules, un certain isolement ne convient plus qu’à un certain type de détenus. On pourrait imaginer un système de prison allégé, par réutilisation d’anciennes casernes ou en montant des algecos modulaires qui coûtent dix fois moins cher qu’une prison et seraient démontables, réutilisables et qui s’adresseraient à des gens qui ont des petites peines ou des libérables en fin de peine.
Quoi qu’il en soit les besoins estimés aujourd’hui sont environ de 30 000 places. Le dernier Garde des Sceaux sous la présidence de François Hollande, Jean-Jacques Urvoas, pour lequel le général affirme avoir la plus haute estime, avait fait préparer le budget 2018 en mettant de côté des crédits budgétaires en autorisation d’engagement de dépenses pour acheter 12 terrains destinés à la construction de prisons. Il s’agissait dans l’urgence de permettre à son successeur de construire déjà 15 000 places. Le nouveau gouvernement a pris cet argent et l’a mis ailleurs. C’est un choix délibéré. Prétendre que l’on n’a pas les moyens c’est totalement faux, tout est question de priorité. Ne pas construire les prisons prévues au budget 2018, ne prévoir que 7000 places sur les 15 000 annoncés est bel et bien un choix politique que le général n’hésite pas à qualifier d’“irresponsable” et de “véritable scandale”.
Il ne s’agit pas de mettre tout le monde en prison, encore moins de construire des prisons quatre-étoiles mais, comme Bertrand Soubelet l’explique un peu plus tard, de faire face à la surpopulation carcérale et au délabrement avancé des bâtiments, à l’origine d’une promiscuité indigne d’une démocratie. Lorsque la société décide de mettre en prison, dit-il, elle a le devoir de traiter les prisonniers correctement et “surtout de faire en sorte qu’ils ne soient pas plus pourris en sortant qu’en y entrant. Or aujourd’hui dans un grand nombre d’établissements pénitentiaires, c’est hélas le cas”.
Changer la conception des peines
La question des peines est abordée à partir d’une interrogation venant de la salle sur la dépénalisation du cannabis. Bertrand Soubelet ne s’y déclare pas favorable (et souligne que les Pays-Bas, face à des résultats très contestables, commencent à se demander s’ils n’ont pas fait une erreur en la matière) mais considère que les infractions à la législation sur les stupéfiants doivent être contraventionnalisées plutôt que d’infliger au contrevenant à une peine de prison qui ne sera jamais exécutée. “Toucher les gens au portefeuille”, est une idée sur laquelle il reviendra souvent.
Le général se déclare hostile au “tout prison” car l’effet dissuasif sur un certain nombre de délinquants est très discutable et peut même se révéler contre-productif. Dans certains quartiers, explique-t-il, quand on met quelqu’un en prison pour un mois, trois mois, un an, il devient un véritable caïd à sa sortie. “La GAV c’est le bac et la prison, c’est carrément la licence ou la maîtrise qu’il vient de décrocher. Il rentre en héros”. En clair, non seulement la prison n’obtient pas l’effet dissuasif attendu sur les trafics mais cela produit l’effet contraire.
Alors que faire envers tous ceux qui se rendent coupables de délits, parfois même de crime d’appropriation, en particulier ceux qui trempent dans l’économie souterraine ? Tous les acteurs de terrain l’affirment, de même que certains juges d’instruction, la seule chose qui vaille, “ c’est de saisir tous les biens dont ils ne peuvent justifier de la provenance, de les leur confisquer et de les mettre sur la paille”. Les lois existent, précise le général Soubelet, mais elles ne sont pas appliquées. Et pourquoi ne le sont-elles pas ? Parce que c’est un dogme chez certains magistrats qui considèrent qu’ils “sont juges et non pas percepteurs” et le revendiquent clairement.
Or ce serait la peine “qui pénaliserait le plus ceux qui se sont rendus coupables d’infractions et qui permettrait de surcroît à l’Etat de récupérer des subsides intéressants pour réduire les déficits publics et financer ce que l’on n’est plus en mesure de financer”.
Le continuum sécurité justice ne fonctionne pas correctement
Et il ne fonctionne pas “parce que la justice est maltraitée”. Bertrand Soubelet souligne qu’il y a autant de magistrats qu’en 1874 alors que le contentieux a été multiplié par 20 ou 30, rapporté à la population. Le budget de la Justice (magistrats et administration pénitentiaire) est dérisoire par rapport aux besoins, autour de 9 milliards d’euros, soit à peine 1 milliard de plus que la seule Gendarmerie. Jusqu’à il y a deux ans les moyens baissaient, aujourd’hui ils n’augmentent pas alors que le contentieux progresse à la hausse, lui, de manière inquiétante. C’est pourquoi le général juge prioritaire, s’il faut choisir, de destiner les moyens avant tout à la Justice, avant même la Sécurité, ce qui ne fut pas compris par un de ses précédents ministres de tutelle. “C’est pourtant une question de bon sens, à quoi sert de traquer les délinquants et de les remettre à la justice si les tribunaux ne sont pas capables de les gérer comme c’est hélas trop souvent le cas actuellement ?” La situation actuelle, rappelle-t-il, c’est que ces délinquants sont soit remis en liberté immédiatement, sans poursuites, avec les effets désastreux et les risques que l’on peut imaginer sur les victimes, soit sont convoqués six mois à un an plus tard, quand parfois ils ne se souviennent même plus du délit, tellement ils en ont commis d’autres entre-temps ! Ainsi certains, de bonne foi, prétendent-ils qu’ils ne sont pas concernés et n’ en acceptent-ils qu’encore plus difficilement la sentence.
C’est pourquoi le général propose que la règle devienne le TTR, le traitement en temps réel. Le prévenu arrive, son avocat prend connaissance de la situation et l’auteur des faits est jugé en comparaison immédiate. Encore faut-il dit-il que les avocats ne jouent pas la montre comme c’est le cas trop souvent pour freiner la procédure.
En tout cas Bertrand Soubelet dénonce les choix terribles effectués depuis 25 à 30 ans par les gouvernements successifs, qu’ils soient de droite de gauche. Il rappelle que la gauche favorise la prévention et s’est, jusqu’à présent, presque totalement désintéressée de la répression, considérant les auteurs des faits comme de pauvres victimes de la société qui serait seule responsable. À droite, il s’agit également d’en faire le strict minimum, pour ne pas donner de moyens à la Justice que l’on dit “gauchiste”. Ajoutons à cela, glisse le conférencier, avec l’air de celui qui sait parfaitement de quoi il parle, “qu’un certain nombre d’hommes et de femmes politiques ont des raisons factuelles d’être prudents avec la Justice car leur comportement personnel est à la limite du pénalement répréhensible”. Dans un cas comme dans l’autre, rien n’avance et la dégradation de la situation se poursuit. Or les deux, prévention et répression, sont indissociables. Le résultat est que les Français ne croient plus à la Justice et que la fracture se creuse.
Pendant longtemps il est vrai, rappelle-t-il, le système a été “verrouillé par le Syndicat de la magistrature”. Quand de nombreux magistrats rendent leur jugement en fonction de leurs propres opinions politiques, “c’est insupportable : quand on est investi d’une mission d’autorité noble comme celle de rendre la justice, on doit mettre ses convictions de côté. La loi, rien que la loi”. C’est la raison pour laquelle de nombreux Français ont l’impression que l’on se préoccupe davantage des auteurs, qui savent fort bien se victimiser, que des victimes véritables, idée que le général avait soutenue devant l’Assemblée nationale et qui lui valut, entre autres, d’être sanctionné. Mais là encore, comme pour les élus locaux, le général remarque que c’est en train de changer, et qu’il y a un certain nombre de jeunes magistrats qui échappent à cette règle.
Mais, hélas, “il est compliqué de mettre un terme à 40 années de laisser-aller !” Il va falloir réapprendre aux délinquants “ce qu’est la règle, ce que l’on fait, ce que l’on ne fait pas, en fonction des lois de la République”. Et il reste beaucoup à faire, notamment dans le traitement de la délinquance des mineurs qui commence de plus en plus tôt. Or il n’y a rien de clairement prévu dans notre pays pour la prendre réellement en compte, que ce soit dans la législation ou l’assistance éducative. Le général en prend pour preuve les centres d’éducation renforcée et les centres d’éducation fermée qui, tout cumulé, offrent 1000 places, ce qui est évidemment notoirement insuffisant par rapport aux besoins. En outre, un autre problème est que 80 % des établissements ne sont pas tenus par l’État mais par des associations qui, elles non plus, ne sont pas contrôlées.
Enfin, si sur les questions de défense, de sécurité et d’immigration, la concertation entre pays européens semble indispensable (mais “également avec l’Union africaine dont on ne parle pas suffisamment et qui pourrait avoir un rôle à jouer là-dedans”), pour les questions de justice, cela doit rester une mission régalienne propre à chaque État.
Servir, toujours, mais autrement
Finalement le général revient avec humour sur son parcours récent et ses intentions actuelles, des modes d’action différents mais qui relèvent tous d’une volonté de servir son pays en lui restant utile. Comme il le rappelle, il est resté constamment fidèle à sa mission qui était d’observer, d’agir et d’avertir, en tant qu’officier de gendarmerie où il est rentré capitaine et sorti général quatre étoiles, puis après sa mise à la retraite militaire. “ J’ai ouvert ma gueule devant l’Assemblée nationale, et je me suis fait sortir. Puis j’ai écrit un livre et je me suis fait sortir une deuxième fois. Alors j’écris un second livre, qui était une manière de rester dans l’action. Mais après l’écriture, que me restait-il ?” Comme rappelé plus haut, il propose alors ses services en tant qu’expert à un candidat, qui ne donne pas de réponse. L’équipe d’un autre vient le chercher, la collaboration tient le temps nécessaire pour orienter dans le sens du souhaitable et du pragmatisme le programme Sécurité Défense et Outremer, mais là encore il faut partir, cette fois de son plein gré, une fois constaté que l’on n’a rien en commun avec l’équipe en place.
C’est alors que Bertrand Soubelet se lance dans l’arène politique, en se présentant aux élections législatives dans la 10e circonscription des Hauts-de-Seine en 2017, remportée par un candidat LREM. Même si le général précise dans un sourire qu’il est cependant arrivé devant le parti socialiste, les résultats sont décevants en ce sens que, pendant la campagne, il dit avoir rencontré des centaines de personnes qui l’ont félicité pour son franc-parler, son action et lui ont montré leur intérêt, l’ont encouragé à persévérer mais qui, une fois dans l’isoloir, ne sont pas allée jusqu’au bout des intentions formulées et ont retrouvé leurs réflexes traditionnels.
“On a les élus qu’on mérite”, ajoute-t-il.
Son engagement dans le mouvement Objectif France traduit à présent une volonté de pratiquer la politique autrement, hors de “cette classe politique qui n’a rien fait depuis 35 ans et vous explique que c’est par elle que tout va changer” et des partis traditionnels, qui ont essayé de le récupérer, et qui sont en train de s’autodétruire, en raison des rivalités personnelles. Mais l’objectif du mouvement n’est pas simplement de travailler comme un think tank sur les questions essentielles et de dire les choses, de faire des propositions concrètes et motivées, mais bien d’arriver au pouvoir, ce qui passe par l’élection, seul moyen de faire rentrer les discours dans les faits. Raison pour laquelle le général a accepté la vice-présidence d’Objectif France et qu’il a pris son bâton de pèlerin pour parcourir le pays et multiplier les conférences et les rencontres de terrain, afin de mobiliser le maximum de gens autour d’actions concrètes et des projets novateurs.
Mais si les Français ne votent pas pour ceux qui ont envie de faire bouger les choses, se contentent de critiquer sans participer eux-mêmes à l’action, ce que ce genre de mouvement rend pourtant possible, s’il ne trouvait pas suffisamment de bonnes volontés prêtes à s’engager autour de lui dans l’objectif de faire aboutir ces projets, le général affirme qu’il se retirera sans regret dans son cher Pays basque pour cultiver des tomates et marcher dans la montagne, car il n’a pas de motivation personnelle et n’a pas besoin de la politique pour vivre !
Après une telle profession de foi, cette soirée interactive, riche en échanges et en informations de qualité, faisant consensus autour d’un général dont la crédibilité et l’expertise sont unanimement reconnus, ne pouvait que se terminer sur une élégante passe d’armes complice entre celui qui, à la tribune, croyait encore aux partis traditionnels (Nicolas Bonleux, membre d’Objectif France mais également membre fondateur de Lignes Droites31, et qui vient d’annoncer sa candidature à la présidence de la fédération de Haute-Garonne des Républicains) et celui qui n’y croyait pas.

Nouveau grand succès pour la conférence de Lignes Droites du 3 avril !
Tous nos remerciements à Monsieur Patrice Michel pour son exposé très pédagogique sur le système judiciaire français, ses liens avec les instances européennes, son histoire, et son organisation au sein des différentes justices administratives, civiles et pénales.
Tous les participants (environ 75 personnes) ont particulièrement apprécié la clarté de cet exposé et quelques idées pour améliorer son efficacité. Deux rappels essentiels ont été fait :
- notre système judiciaire est là pour faire respecter la loi et bon nombre des reproches qui lui sont fait viennent en fait du politique.
- la neutralité de la justice française a été largement entamée par certains individus, en particulier issus du syndicat de la magistrature. Ce devrait être au Conseil Supérieur de la Magistrature de garantir cette neutralité politique. Mais sans doute par corporatisme et lâcheté, il n'intervient pas assez, même face à des situations extrêmes comme celle du "mur des cons". Là encore ce devrait être au politique d'avoir le courage de mener à bien les réformes nécessaires pour s'assurer du bon fonctionnement du Conseil de la Magistrature.

Aujourd’hui, la France traverse un moment décisif. Dans une décision qui ne laisse aucun doute, Marine Le Pen se voit infliger une peine d’inéligibilité, à seulement deux ans des présidentielles. Ce verdict dépasse largement le simple domaine juridique pour s’inscrire dans un affrontement politique direct.
La magistrate Bénédicte de Perthuis affirme s’inspirer d’Eva Joly pour son parcours judiciaire et son engagement en tant que magistrate. Elle l’a d’ailleurs déclaré sans ambiguïté : « Eva Joly a changé mon destin. » lors d’un podcast en 2020. Une phrase forte, qui traduit bien plus qu’une simple admiration professionnelle. On y perçoit une affection profonde pour une figure dont les opinions, notamment sur la justice, sont tranchées et assumées.
Mais Eva Joly, au-delà de son parcours de magistrate, reste aussi un personnage politique clivant, dont l’engagement écologiste et les prises de position marquées ne laissent personne indifférent. L’apprécier, c’est souvent adhérer aussi, d’une certaine manière, à une certaine vision du monde et des combats idéologiques. Dès lors, difficile d’ignorer que cette inspiration, aussi sincère soit-elle, puisse laisser planer un doute sur une possible proximité idéologique.
Dans ce contexte, le Syndicat de la magistrature, connu pour ses positions marquées à gauche et ayant publiquement appelé à voter contre l’extrême droite le 12 juin 2024 ajoute une dimension particulière à cette affaire. Cette prise de position contribue à brouiller la frontière entre engagement idéologique et impartialité judiciaire.
Dès lors, difficile de ne pas voir dans cette condamnation un verdict dont l’écho dépasse le cadre strictement juridique pour résonner sur le terrain politique, au moment même où se prépare une échéance électorale majeure.
Encore plus inquiétant, l’identité des deux assesseurs qui ont participé au verdict reste inconnue, un manque de transparence qui renforce le sentiment d’un coup d’État judiciaire. Ce flou soulève des questions cruciales sur l’impartialité et l’indépendance de notre système judiciaire, surtout à l’approche d’un scrutin historique.
Ce moment demeure un symbole fort : la justice, qui devrait être la gardienne impartiale de nos lois, se retrouve aujourd’hui au centre d’interrogations profondes. Si la magistrate ne revendique pas ouvertement d’engagement politique, son admiration pour une figure aussi marquée qu’Eva Joly, ainsi que le contexte entourant cette décision, peuvent laisser penser que son jugement pourrait être influencé par une certaine orientation idéologique. Cela envoie un message clair à l’ensemble du paysage politique français et soulève inévitablement des questions sur la frontière, de plus en plus ténue, entre justice et politique.
Face à cette situation inédite, la nécessité de transparence s’impose, et il est essentiel que les interrogations sur l’indépendance de la justice soient pleinement abordées. Ce moment marque un tournant dans la vie politique française et pose une question fondamentale : la justice peut-elle encore être perçue comme une institution neutre, ou court-elle le risque d’être influencée par des dynamiques idéologiques qui dépassent son cadre strictement juridique ?
Comme l’ont souligné plusieurs responsables politiques, dans un moment aussi décisif, même si une condamnation doit être prononcée, le fait de rendre Marine Le Pen inéligible à seulement deux ans des présidentielles soulève des doutes légitimes sur la volonté politique et idéologique de l’empêcher d’accéder au pouvoir. Selon des estimations récentes de l’IFOP, Marine Le Pen aurait eu la possibilité d’obtenir entre 34 et 38% des voix au premier tour des présidentielles de 2027, selon plusieurs sondages récents. Cette décision semble dépasser le simple cadre juridique. Ce choix, dans un contexte aussi crucial, appartient au peuple et non à une juridiction.
Il en va de la confiance des 11 millions d’électeurs qui, sans pouvoir débattre, parlementer ou exercer leur droit démocratique, se voient privés de la possibilité de voter pour la représentante politique qui, selon les projections, aurait toutes les chances de jouer un rôle clé dans la politique de 2027. Cette décision semble porter une forme de nonchalance envers ces électeurs, en les privant de la possibilité d’exprimer leur voix de manière libre et démocratique. Ce n’est pas simplement une question de légalité, mais une tentative potentielle de déstabiliser le Rassemblement National, d’affaiblir ses capacités à se renforcer et à atteindre, d’ici 2027, une représentativité de 37% des suffrages, au moment où le débat politique pourrait être radicalement transformé par leur ascension.
NDLR : Merci à Maxime Duclos pour ses billets d'humeur toujours très intéressant. On pourrait ajouter queBénédicte de Perthuis n'avait pourtant pas une réputation de sévérité
particulière puisque c’est elle qui avait prononcé la relaxe du ministre
Olivier Dussopt, jugé pour favoritisme (et finalement condamné
en appel !). Deux poids et deux mesures ?

Par la voix d'Eric Lombard, le ministre de l’économie, Bpifrance annonçait la semaine dernière vouloir collecter 450 millions d’euros auprès des Français pour les entreprises de défense, et la création à cette fin d’un fonds baptisé « Bpifrance Défense », réservé aux particuliers et destiné à la défense et à la cybersécurité.
Voyons le côté positif des choses : les Français vont peut-être enfin découvrir ce qu'est le private equity et ses bienfaits ! Sur la période 2013/2023, les rendements du private equity français ont été de l'ordre de 13% brut. Quelqu'un qui aurait investi 500 € en France dans cette classe d'actifs aurait aujourd'hui un capital net de frais d'environ 1000 €. Sur le papier, cet investissement a donc tout pour plaire avec des entreprises qui existent déjà et qui sont souvent bien implantées, un marché a priori florissant dans les années à venir et a priori une montagne de commandes à venir. Mais comme cela est répété pour toute publicité pour un placement financier : " Les performances passées ne préjugent pas des performances futures ". Car dans ce cas de figure en particulier, il y a des hics et pas des moindres ... Le problème essentiel n'est pas l'investissement ! Il y a énormément d'épargne et de trésorerie sur le marché actuellement. Le problème essentiel c'est qu'il faut des commandes sur le long terme. Or ces commandes publiques annoncées par les pays européens seront-elles encore là dans cinq ans ?
Il faut souligner plusieurs aspects sur le risque qui porte sur ces commandes publiques en particulier pour la France :
1. Chaque pays européen va investir en fonction de deux logiques :
- diplomatique : certains continueront à acheter du matériel américain quoi qu'il arrive
- industrielle : les commandes seront soumises à des impératifs nationaux pour soutenir l’industrie locale.
On peut donc toujours mettre en avant les investissements prévus pour l'ensemble de l'Europe, l'essentiel des retombées pour l'industrie française seront essentiellement issues de la politique nationale et pas seulement européenne ...
2. Quelle confiance peut-on avoir dans les annonces d'aujourd'hui ? L'Europe a toujours été une vraie girouette sur les sujets relatifs à la défense européenne, à la fois en termes de stratégie et d'investissement.
Encore aujourd'hui, un label ESG dans ce domaine est, de fait, quasi impossible (aux côtés de l’alcool, du tabac et des jeux d’argent ...).
Même la France qui a pourtant fait partie des bons élèves en termes d'investissement dans le domaine de la défense n'a pas toujours fait preuve d'une réelle constance (en particulier sous Hollande).
Au lendemain d'un inéluctable traité de paix signé entre l'Ukraine et la Russie dans l'année à venir, ou après un hypothétique effondrement du régime russe dont ils rêvent tous, l'hystérie collective de nos dirigeants européens sera-t-elle encore d'actualité ?
3. Acheter des chars est un investissement qui trouvera toujours des détracteurs acharnés dans notre société. Bien malin est celui capable aujourd'hui de nous dire qui sera au pouvoir en France en 2030 à l'échéance de ce fond d'investissement.
4. Comment la France compte tenu de son endettement pourra-t-elle financer ces investissements ? Compte tenu de notre niveau d'endettement, il faudra soit augmenter la fiscalité (mais nous sommes déjà champion du monde ce qui plombe nos entreprises), soit trouver des arbitrages au détriment d'autres dépenses ... Mais quels sont les arbitrages que les français accepteront : la justice ? l'éducation ? La santé ? Je ne vous parle même pas des retraites ! Certains sondages montrent qu'une majorité de Français (et j'en fais partie) est favorable aujourd'hui à cette politique de réarmement ... Mais dès que le même sondage pose des questions sur les moyens de financer cette politique, d'ores et déjà, cette majorité s'effondre. Qu'en sera t'il dans deux ou trois ans ?
La France fait déjà aujourd'hui face à un mur de la dette absolument vertigineux ( la question n'est pas son existence mais la distance à laquelle il se trouve et le temps qu'il nous reste avant qu'on se le prenne en pleine figure) et une incapacité depuis 50 ans à apporter la moindre réforme à son modèle social. Comment peut on considérer sérieusement les annonces d'augmentation du budget français de la défense de plusieurs dizaines de milliards d'euros ?
Bref, ce type de financement peut éventuellement être une poule aux œufs d'or. Il présente aussi des risques intrinsèques majeurs ! Et il faudra regarder en détail l'offre qui sera faite et analyser de manière très prudente les engagements sur les commandes à venir. Mais il est fort à craindre que dans la précipitation, nous soyons en train de mettre la charrue avant les bœufs pour participer au développement de nos entreprises !

En 1997, l’année de ma naissance, le taux de fécondité était de 1,71 enfant par femme, un chiffre déjà bien inférieur au seuil de remplacement des générations, estimé à environ 2,1 enfants par femme, sans que cela signifie pour autant que la parentalité allait de soi. Mais en 2024, les chiffres sont sans appel : 1,62 enfant par femme, et une chute des naissances qui semble inarrêtable. Comment en est on arrivé là ? Et surtout, pourquoi les jeunes d’aujourd’hui ne veulent-ils plus fonder de famille ?
La natalité française a connu une première chute importante après 1972, Mai 68 a profondément transformé la société française, et même si la chute de la natalité après 1972 n’est pas directement causée par ces événements, ils ont joué un rôle dans l’évolution des mentalités et des comportements qui ont ensuite influencé la fécondité. L’entrée massive des femmes sur le marché du travail, l’accès à la contraception et la légalisation de l’IVG en 1975 ont profondément modifié les comportements familiaux. Cependant, après cette période de déclin, la fécondité s’est stabilisée autour de 1,8-2 enfants par femme pendant plusieurs décennies. Depuis 2010, en revanche, la chute est spectaculaire : entre 2010 et 2024, le nombre de naissances est passé de 832 800 à 663 000, soit une baisse de 21,50 %. Un effondrement historique qui ne cesse de s’accélérer, sans qu’aucun véritable sursaut ne semble pointer à l’horizon.
Les raisons sont multiples, mais elles pointent toutes vers une réalité inquiétante : avoir un enfant en 2024 est devenu un choix difficile, parfois même un luxe. Pourtant, il est essentiel d’être honnête avec nous-mêmes : la précarité économique, bien que réelle, n’explique pas tout. Trop de jeunes se cachent derrière cet argument pour justifier un refus d’engagement bien plus profond. Aujourd’hui, nombreux sont ceux qui préfèrent "profiter" avant d’avoir des enfants, cherchant un confort personnel au détriment de la responsabilité collective. Cette mentalité est en partie héritée d’une éducation plus permissive, où les limites ont été repoussées, où la contrainte est devenue un gros mot. Les méthodes pédagogiques modernes, comme Montessori, sont souvent citées comme un progrès, mais elles traduisent aussi un changement de paradigme issu des transformations post-68 : un enfant doit s’épanouir à son rythme, être libre de ses choix, et ne pas être contraint. Résultat ? Une génération qui repousse l’effort, qui cherche avant tout son propre bien-être, et qui voit la parentalité comme une privation de liberté plutôt que comme un accomplissement.
Au-delà de cette évolution sociétale, l’idée même de nation s’efface. Faire des enfants, c’est assurer le renouvellement des générations, maintenir une dynamique économique, préserver un équilibre social. Or, nous vivons dans une société où l’individualisme prime sur l’intérêt collectif. Nous consommons, nous voyageons, nous vivons pour nous-mêmes sans nous soucier des répercussions à long terme. Cette quête incessante de liberté, ce refus des obligations, nous mènent à une impasse. Car moins de naissances, c’est aussi moins de travailleurs demain, une économie qui s’essouffle, et des systèmes de retraite qui s’effondrent. Nous ne voulons plus d’enfants, mais qui paiera alors pour notre vieillesse ?
Peut-on encore inverser la tendance ? Il ne s’agit pas de forcer les jeunes à avoir des enfants, mais de redonner du sens à la parentalité. Il faut retrouver un intérêt commun, réapprendre à voir l’avenir autrement que par le prisme de la jouissance immédiate. Faire des enfants, ce n’est pas seulement une contrainte, c’est une transmission, une continuité, un acte fondateur pour une société. Il faut redonner envie, réhabiliter la famille comme un pilier essentiel du bien-être personnel et collectif, et non plus comme une entrave. Tant que nous resterons enfermés dans cette quête illusoire de liberté absolue, tant que nous refuserons de voir au-delà de notre propre existence, la chute des naissances n’aura aucune raison de s’arrêter. Et avec elle, c’est tout un modèle de société qui s’effondrera.
Sources :
INSEE “Bilan démographique annuel”
INED “Pratiques parentales et enfance"
